En faisant appel à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), des neurologues ont montré que la musique était un formidable facteur de développement du cerveau : voir musique et cerveau. Non seulement elle déclenche d’intenses réactions émotionnelles, mais elle participe, à tout âge de la vie, au développement cognitif de la personne : attention, concentration, curiosité, capacités d’analyse, etc. C’est ainsi que, si l’on s’amuse, avec un tout petit, à explorer son environnement sonore, à découvrir et à inventer des sons, à les produire et à jouer avec, on met en action dans toutes les zones de son cerveau un réseau riche et complexe de connexions neuronales.
En aidant son bébé à s’approprier de façon ludique le langage musical de base, on facilite son apprentissage des langues étrangères ; les bénéfices cognitifs sont considérables et durables. Une directrice de crèche rapporte que grâce aux ateliers musicaux qu’elle a mis en place « les bébés qui sont un peu en retrait oublient l’appréhension et rentrent plus facilement en jeu avec les autres . »
À un âge plus avancé, l’apprentissage d’un instrument de musique équivaut à un véritable feu d’artifice neuronal. Plus qu’aucune autre activité, cet apprentissage met en effet en relation des régions très diverses de notre cortex cérébral car c’est tout notre mental qui est sollicité : notre sensibilité, notre mémoire, notre imagination, notre rationalité. Nous consoler, nous stimuler, nous rendre plus séduisant..., la musique pourrait même, chez certaines personnes, déclencher des orgasmes…(voir Radio France)
Quand on travaille son instrument, même en amateur, les aires du cortex impliquées dans la motricité fine et la coordination des gestes se développent considérablement. Des études montrent que, pour obtenir une parfaite coordination entre le physique et le mental, les fibres reliant les deux hémisphères du cerveau, appelées « corps calleux », s’épaississent. La matière grise du cortex somatosensoriel (cortex traitant les sensations corporelles) s’épaissit également (différemment selon l’instrument travaillé). Quelle formidable prévention contre la maladie d’Alzheimer pour les personnes âgées !
Il n’est pas besoin d’atteindre un niveau professionnel pour jouir du plaisir de faire de la musique ensemble. Les bénéfices d’une pratique collective (vocale ou instrumentale) sont principalement l’ouverture aux autres et la finesse de l’écoute. Pour les enfants en âge de poursuivre des études, elle développe en outre : attention, concentration, confiance en soi, esprit critique, curiosité, capacités d’analyse, etc. Que rêver de mieux pour une bonne scolarité ?
L’improvisation apporte-t-elle un plus par rapport à la répétition d’un morceau déjà écrit ? Les neurologues travaillant sur la question se sont aperçus que, durant une improvisation, la zone du cortex dévolue à la planification des actions et à la censure personnelle avait une activité inhabituellement basse. Autrement dit, quand il improvise, un musicien « se lâche » en se libérant des contraintes de la partition écrite (pas évident pour un musicien classique habitué aux règles).
C’est cette libération créative que la psychologue Joy P. Guilford étudie dans les années 1950. Elle distingue alors l’intelligence convergente (celle que mesure le Q.I.) de l’intelligence divergente qui, pour elle, devient synonyme de créativité. Elle définit celle-ci comme la capacité à trouver des solutions inattendues par associations d’idées : n’est-ce pas ce qui se passe pour le musicien qui improvise ?
Le fait que le genre de musique diffusée influence directement les comportements a fait l’objet de nombreuses expériences menées par des psychologues. On pouvait se douter de certains effets, mais d’autres sont plus étonnants.
Selon que la musique entendue est joyeuse, mélancolique ou désespérée, calme, stimulante ou agressive, les individus se comportent de façons tout à fait différentes. Après l’audition d’une paisible Romance sans parole de Felix Mendelssohn-Bartholdy (écouter), 90% d’un groupe d’étudiants a accepté de rester après le cours pour venir en aide au professeur. Cette proportion est descendue à 60% pour un groupe ayant entendu un morceau de Duke Ellington (écouter) ; elle est restée à 60% pour un groupe n’ayant entendu aucune musique, et elle est descendue à 45% pour un groupe ayant entendu du John Coltrane (écouter). Conclusion : une musique peut rendre plus coopératif en influençant l’humeur de quelqu’un.
Autre exemple : quand on fait écouter à des enfants d’origines diverses des chansons typiques de différents pays, ils se montrent plus enclins à se parler et à jouer ensemble. D’autres études montrent que la musique diffusée pendant un don de sang incite les donneurs occasionnels à revenir régulièrement. De nombreux dentistes utilisent la musique pour rendre leurs patients moins stressés et atténuer les sensations de douleur. De nombreux hôpitaux procèdent de même.
Les musiques paisibles ont également un effet sur les comportements turbulents des enfants. À la cantine, le volume sonore se mesure en décibels. Il baisse ou augmente de 10 à 20 % selon que l’on diffuse de la musique classique ou de la musique pop pendant le repas. D’autre part, grâce à la musique classique, on observe une baisse spectaculaire de 50 % des comportements indésirables : paroles ou gestes agressifs, jets de nourriture, non rangement des plateaux après le repas. Il est démontré que la musique a des effets calmants auprès d’enfants hyperactifs : on connaît par exemple les bienfaits de la musique de Wolfgang Mozart (écouter) sur la concentration d’enfants présentant des difficultés.
Un effet moins attendu de l’écoute musicale est l’amélioration des performances en arithmétique. Une quarantaine d’opérations simples a été proposée à deux groupes d’enfants de 10-11 ans. Ils avaient 15 minutes pour en venir à bout. Les enfants du groupe travaillant sans musique en ont résolu en moyenne 27, contre 36 pour ceux qui bénéficiaient d’un environnement musical leur étant familier (du style Walt Disney). À quand les musiques de Tom & Jerry pendant les contrôles en classe de mathématiques au collège ?
Tous ces résultats confirment les travaux des neurologues qui établissent un lien clair entre l’apprentissage musical et le développement du cerveau.
Quittons le domaine du cognitif pour aborder celui de la performance physique. En un temps où les scandales du dopage ternissent des exploits des athlètes, il existe un moyen bien simple (et sans effets secondaires) de booster l’énergie des adeptes du sport : la musique techno. On a en effet constaté sur des personnes pratiquant le vélo d’appartement, que ceux qui pédalaient sur fond de musique entraînante parcouraient, dans le même temps, une distance sensiblement plus grande que ceux s’activant dans le silence ou avec de la musique douce. Et le phénomène a été observé aussi bien avec des enfants qu’avec des adultes et des personnes âgées. Pour les chercheurs, un rythme musical soutenu et cadencé prépare le corps à l’effort et à la résistance (le répertoire des fanfares militaires en donne un bon exemple).
On ne peut clore ce chapitre sans évoquer l’usage thérapeutique de la musique, notamment dans la maladie d’Alzheimer. Quand on fait entendre aux patients des airs anciens connus, on constate que leurs réponses à des questions habituellement abordées par le personnel soignant sont plus riches et plus circonstanciées. La conversation est plus fluide, moins hésitante, et les prises de parole spontanée sont plus fréquentes. La maladie n’est certes pas guérie, mais elle est considérablement retardée. La musique permet même d’activer chez les patients des capacités d’apprentissage que l’on croyait perdues. Comme l’indique le neurologue Hervé Platel : « Les voies d’entrée de la musique dans le cerveau sont beaucoup plus complexes que celles de la parole, par exemple, et sollicitent différentes régions cérébrales : la musique stimule, relaxe, calme la douleur, mais a aussi la capacité d’augmenter la plasticité du cerveau et de provoquer les modifications au niveau des connections synaptiques. » (plus d’informations)
Plus étonnants sont les effets de la musique constatés dans les services de néonatalité. Les petits prématurés sont apaisés par des musiques adaptées, leur rythme cardiaque est plus régulier, ils dorment mieux et récupèrent plus vite en s’alimentant plus facilement. Une musicothérapeute commente : « L’intérêt de la musicothérapie est surtout de permettre à l’enfant de gérer la transition veille-sommeil et de mieux tolérer les soins qui peuvent être assez désagréables. Un grand prématuré a une hypersensibilité auditive et tactile et l’adaptation à l’environnement peut être très difficile. » Le lien de parentalité, que la situation rend improbable, peut être rétabli à travers les parois de la couveuse par le chant de la maman (plus d’informations)
Les effets de la musique sur les comportements ont aussi été exploités avec des objectifs moins avouables. Par exemple, les grandes surfaces de vente cherchent à orienter l’acte d’achat. Dans la journée, des musiques lentes et tranquilles sont diffusées car les client(e)s sont souvent pressé(e)s et en situation de stress. Il s’agit donc de les calmer et de ralentir leurs déplacements pour favoriser le remplissage des caddies : on constate ainsi une hausse de près de 40 % des actes d’achat. Par contre, avant la fermeture, les musiques sont plus rapides pour booster les ventes.
Dans un restaurant britannique, on diffuse du jazz à tempo lent pour retenir les clients plus longtemps à table, augmenter leur consommation et ainsi alourdir la facture. Dans un restaurant américain haut de gamme, on a constaté que le fait d’entendre du Mozart ou du Antonio Vivaldi incitait les clients à commander de grands crus pour accompagner leur repas. On sait que la musique techno diffusée à forte intensité a un pouvoir hypnotique et stressant. Les salles de jeux en profitent pour pousser les clients à jouer pour se défouler. Les bars-restaurants utilisent la même technique car lorsque l’organisme est excité, il a plus besoin de s’alimenter et de boire.