La Quatrième symphonie, parce qu’elle fut pour moi la porte d’entrée dans l’univers musical de Mahler, occupe pour moi une place à part. Elle est classique de forme avec ses quatre mouvements, plus resserrée que les amples Deuxième et Troisième Symphonies, porte en elle une forme de mélancolie qui se communique à l’auditeur : elle est une œuvre du dix-neuvième siècle finissant (sa composition date des étés 1899 et 1900, et elle fait pour la dernière fois référence à cette source d’inspiration que fut pendant longtemps pour Mahler le recueil de poèmes populaires d’Arnim et Brentano, Des Knaben Wunderhorn, dont le compositeur se servit pour faire un magnifique cycle de lieder) : alors La Vie Céleste, dernier mouvement pour lequel les trois autres ont été écrits comme une forme d’annonce et d’introduction, vient nous élever vers les joies simples mais éthériques d’un banquet paradisiaque où se dissipent dans la paix et la sérénité toutes les craintes inutiles de nos vies agitées.
Mais avant cela, il nous aura fallu passer par un premier mouvement qui évoque d’autres fêtes plus terrestres et plus populaires, ces fêtes villageoises qui n’empêchent pas que la vie terrestre ait ses pesanteurs, puis vient le second mouvement avec cet air de violon qui se refuse à être harmonieux, peut-être pour nous rappeler que nous ne sommes pas toujours en accord avec le meilleur de nous-mêmes et que nous "grinçons" parfois comme de vilains petits diables, et puis vient Ruhevoll qui dans sa lenteur fait penser au ralentissement des choses avec l’âge avec tout ce que cela comporte de nostalgie. Il y a là , de la part de Mahler, un hymne à la vie, une variation sur les thèmes de la fête et du souvenir, qui culmine avec un vrai recueillement dans le quatrième mouvement, où l’idée du partage et de la communion dans le banquet réconcilie chacun avec tout et tous.
L’ensemble s’accorderait assez bien avec des couleurs automnales ou hivernales. Une autre façon de décrire les Saisons (celles de nos vies).
Par François Sarindar, auteur de : Lawrence d’Arabie. Thomas Edward, cet inconnu