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Qui a composé la Marseillaise ?

azerty (†), le 06/07/2022
Tableau représentant Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois, par Isidore Pils
Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois, par Isidore Pils (1849)

Composition

Selon un récit inspiré d’Alphonse de Lamartine, qui est devenu la version couramment admise, ce serait Rouget de Lisle qui, dans la nuit du 25 au 26 avril 1792 et à la demande du baron de Dietrich, aurait composé ce fameux Chant pour l’armée du Rhin qui sera renommé plus tard Marseillaise. Voici donc dans quelles circonstances ce chant aurait été imaginé.

Durant la soirée du 25 avril, la petite communauté réunie dans le salon du baron de Dietrich, maire de la ville de Strasbourg, est en effervescence : un courrier en provenance de Paris a annoncé que la guerre était déclarée avec l’Autriche. Le maître de maison s’adresse alors à notre poète-compositeur : « Monsieur de Lisle ... trouvez un beau chant pour ce peuple soldat qui surgit de toutes parts à l’appel de la patrie en danger et vous aurez bien mérité de la Nation ». Justement, le musicien a vu le matin même une affiche appelant à la conscription en ces termes : « Aux armes, citoyens ! L’étendard de la guerre est déployé ! Le signal est sonné ! Aux armes ! Il faut combattre, vaincre, ou mourir… Marchons ! […] ». Rentré chez lui en fin de soirée, ces paroles lui inspirent un poème qu’il s’emploie aussitôt à mettre en musique. Le lendemain matin, il se rend chez Dietrich pour lui présenter son essai et le soir, au cours d’un nouveau dîner, le baron entonne de sa belle voix de ténor ce qui s’appelle encore Chant de guerre de l’armée du Rhin. L’assistance est enthousiaste.

Polémique

Voilà le beau récit, inspiré d’Alphonse de Lamartine, qui est devenu la version couramment admise fixant les circonstances de composition de notre hymne national. Mais les choses se sont-elles vraiment passées ainsi ? Si l’on est sûr que le texte des six premiers couplets est bien de Rouget de Lisle (on a conservé le manuscrit autographe), il n’en est pas de même de la musique (la partition autographe n’est d’ailleurs pas signée, ce qui est contraire aux habitudes des compositeurs). Des musicologues ont cherché quel était le véritable auteur de la mélodie. Certains ont proposé le nom de Wolfgang Mozart dont le premier mouvement du Concerto pour piano num. 25 (1786) en contient une ébauche (écouter)… bof ! peu convaincant... On a aussi parlé de l’hymne des Wurtemberg (écouter) que Madame Dietrich, excellente musicienne, connaissait bien (par ses origines). Elle l’aurait joué à Rouget de Lisle en lui demandant de l’adapter en hymne révolutionnaire… pourquoi pas ? Une autre hypothèse repose sur le prélude de l’oratorio Esther (écouter), composé en 1787 par Jean-Baptiste Grisons, modeste maître de chapelle de Saint-Omer (département du Pas-de-Calais). C’est de cette œuvre, qui était dans l’air du temps, que Rouget de Lisle se serait inspiré.

Mais voici plus troublant : ce Thème et variations de Giovanni Battista Viotti (écouter le début). Autant les œuvres ci-dessus peuvent vaguement rappeler la Marseillaise, autant celle-ci y ressemble comme deux gouttes d’eau. Or, selon plusieurs sources, cette œuvre serait datée de 1781, soit 11 ans avant la « composition » de Rouget de Lisle. Mais ce dernier, alors à Strasbourg, avait-il entendu l’œuvre de Viotti, qui se trouvait lui-même alors à Paris ? Voilà qui ajoute au débat !

Revenons à l’accueil enthousiaste reçu par le Chant de guerre de l’armée du Rhin dans le salon des Dietrich. L’hymne est aussitôt imprimé et largement distribué. Les voyageurs de passage à Strasbourg le colportent partout avec un succès grandissant. De sorte que les volontaires marseillais qui remontent à pieds sur Paris pour grossir les rangs de l’armée, l’ont adopté et popularisé tout au long de leur parcours. Arrivés dans la capitale, leur bataillon participe le 10 août 1792 à la prise du palais des Tuileries où réside Louis XVI. Pour se donner du courage, ils chantent : « Allons enfants de la patrie… ». Il n’en faut pas plus pour que les Parisiens renomment l’œuvre de Rouget de Lisle : Hymne des Marseillais puis simplement Marseillaise.

Postérité et arrangements

Un couplet dit « des enfants » est ajouté en octobre 1792. Ainsi complétée, la désormais Marseillaise sera décrétée chant national le 14 juillet 1795 par la Convention. Interdite sous l’Empire, la Marseillaise revient à l’honneur pendant les Cent-Jours, en 1815, avec Napoléon 1er, puis lors des journées révolutionnaires de 1830. Hector Berlioz en propose alors une orchestration pleine de fougue (écouter).

Le thème de ce chant qui symbolisait si bien la France révolutionnaire, a souvent été réutilisé dans diverses compositions. En voici quelques-unes à titre d’exemple : en 1839, Robert Schumann le cite dans le Premier mouvement de son Carnaval de Vienne par défi envers les autorités qui en avaient interdit l’exécution (écouter) ; en 1872, Franz Liszt en fait le thème d’une fantaisie pour piano (écouter) ; en 1880, Piotr Ilitch Tchaïkovski le cite dans son Ouverture solennelle 1812 qui célèbre la victoire russe sur les armées napoléoniennes (écouter des extraits) ; en 1914, le malicieux Erik Satie l’introduit dans l’un de ses Sports et Divertissements intitulé « les courses » (écouter) ; en 1929, Dimitri Chostakovitch l’utilise dans sa musique pour le film La Nouvelle Babylone, en la superposant au french cancan de Jacques Offenbach (écouter) ; en 1967, on retrouve le thème dans l’introduction de la chanson All You Need Is Love, des Beatles (écouter).

La Marseillaise devient l’hymne national de la France sous la IIIe République, le 14 mars 1879. Mais, en l’absence d’une version officielle, elle a été éditée sous de multiples formes vocales et instrumentales. En 1887, une commission réunissant des compositeurs confirmés est désignée pour élaborer la version qui devra être interprétée lors des cérémonies officielles (celle de l’introduction musicale de ce dossier). Les constitutions des IVe (1946) et Ve République (1958) lui conservent son statut d’hymne national et la loi du 19 février 2005 rend sa pratique obligatoire à l’école primaire.

La Marseillaise a donc connu une histoire mouvementée, et ce n’est pas fini. C’est ainsi que Django Reinhardt et Stéphane Grappelli en ont réalisé une version jazz (écouter), et Serge Gainsbourg une version reggae qui a fait polémique (écouter). Le caractère guerrier des paroles continue de susciter le débat. Avec Yannick Noah, ce chant guerrier devient un hymne à la paix : « Pour les enfants de la patrie, Le jour d’y croire est arrivé […] Aux rêves, citoyens, Formons enfin l’union, Vivons, vivons […]. » (écouter).

Suite au prochain épisode…

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Références Alliance franco-italienne

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