Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Monteverdi
Monteverdi est l’un des plus célèbres compositeurs de son époque.
Tout au long de sa vie, il a écrit des madrigaux (9 livres, soit près de 200 pièces) : c’est là qu’il a forgé son art en expérimentant tous les styles polyphoniques, du plus traditionnel au plus avant-gardiste (recitativo, espressivo...). D’autre part, s’inspirant des pastorales de l’époque, il a d’emblée inventé le type même de l’opéra baroque : spectacle complet, entièrement chanté, où les voix sont accompagnées par une instrumentation vivante, où la musique épouse étroitement le texte.
Monteverdi a ainsi assuré la transition entre la musique de la Renaissance (Michael Praetorius) et la musique baroque (Johann Sebastian Bach).
Portrait de Monteverdi (mais vous vous en doutiez)
Né en mai 1567 à Crémone, en Italie, baptisé le 15, Claudio Monteverdi est le fils de Maddalena (née Zignani) et de Baldassare, médecin qui peut assurer à ses cinq enfants, dont Claudio est l’aîné, une bonne éducation générale. En témoignent le style et les choix littéraires du futur compositeur ; certains biographes estiment possible qu’il ait un temps étudié à l’université de la ville. Claudio reçoit également une solide éducation musicale. En effet, dès ses jeunes années, il apprend à jouer de la viole et suit les leçons du maître de chapelle et polyphoniste Antonio Ingegneri, qui influencera bien évidemment les premières compositions de son élève, et dont ce dernier se réclamera jusqu’en 1590. Son premier opus, les ”Sacrae cantiunculae” (recueil de vingt-trois pièces religieuses), est daté de 1582.
Le compositeur ne s’adonne pas exclusivement à la musique sacrée, et quitte au contraire cette voie pour de longues années après ses ”Madrigali spirituali” (1583). Il se consacre ensuite à l’écriture de madrigaux profanes ; c’est en 1587 que sont publiées les 21 pièces de son Premier livre de madrigaux à 5 voix. À noter que le madrigal symbolise alors souvent une sorte de patriotisme musical populaire qui s’oppose aux œuvres sacrées de l’école franco-flamande ou des maîtres de chapelle étrangers.
En 1590, Monteverdi entre à la cour de Vincent de Gonzague à Mantoue comme chanteur et violoniste. Dans cette ville, qu’il ne quittera que des années plus tard, il compose notamment son Livre 2 (1590) et son Livre 3 (1592) de madrigaux à 5 voix. Sa situation n’est apparemment pas à plaindre puisqu’en plus d’un certain succès, son troisième livre sera réimprimé huit fois de 1592 à 1622 et sera diffusé à l’étranger (sort heureux par ailleurs pas isolé dans le catalogue des œuvres de Monteverdi). Puis ce seront son Livre 4 en 1603 et son Livre 5 en 1605 où il approfondit son ”stile nuovo” (abandon de la polyphonie au profit de la "monodie accompagnée”).
Les premiers recueils de madrigaux de Monteverdi provoquent la stupeur des auditeurs et la fureur des puristes, notamment d’un chanoine de Bologne, le quelque peu conservateur Giovanni Artusi, qui juge dans ses critiques, sans toutefois nommer le compositeur, qu’une œuvre trop moderne « ne tient aucun compte des saints principes ayant trait à la mesure et au but de la musique ». Prudemment, Monteverdi évite d’abord de croiser le fer avec le querelleur, qui ne lui portera d’ailleurs pas un gros préjudice, comme l’avenir le démontrera (un peu de suspens, que diable !)...
Finalement, en préface de son Ve livre, le compositeur préfère se justifier : « Certains en seront peut-être surpris, ne s’imaginant pas qu’il puisse exister d’autres pratiques que celle enseignée par Gioseffo Zarlino. Mais, en ce qui concerne les consonances et les dissonances, il y a un autre point de vue que la tradition : celui justifié par la satisfaction de l’ouïe et de la raison. » Au fil des années, « l’impression de splendide barbarie va grandissante. Les sentiments sont exprimés avec une puissance frénétique, les instincts se déchaînent. » (Henri Prunières).
Monteverdi profite d’un mécène exubérant porté sur les arts, mais son talent et sa renommée grandissante ne lui assurent pas, à Mantoue, une aisance financière suffisante, en raison notamment de retards importants dans le paiement de son salaire. C’est également à Mantoue qu’il rencontre et épouse en 1599 Claudia Cattaneo, qui décédera malheureusement en septembre 1607, en lui laissant trois enfants.
Le 6 octobre de l’an 1600, à Florence, à l’occasion du mariage par procuration de Henri IV de France avec Marie de Médicis, Monteverdi assiste à la représentation de l’Euridice de Jacopo Peri, sur un livret d’Ottavio Rinuccini (écouter un extrait). L’œuvre est d’importance, puisqu’il s’agit du premier opéra qui nous soit parvenu (La Dafne, du même compositeur, ayant été perdue depuis). La mise en scène tout comme la musique sont autant de réussites pour cette œuvre d’un style nouveau, qui influencera l’Orfeo.
C’est le génie de l’Italie que d’avoir inventé l’opéra. L’idée était dans l’air depuis les années 1570, où l’on rencontre le madrigal dramatique qui fait dialoguer des groupes vocaux. À Florence, on invente le style recitativo qui confie à une voix seule un intermède entre deux épisodes d’une action théâtrale : Puis, dans les années 1590, on en vient à chanter tout le texte et enfin, on le représente sur une scène : cela ne s’appelle pas encore opéra mais pastorale ou dramma per musica.
Ce qui n’est encore qu’un divertissement, Monteverdi va lui donner une force et une intensité qui renouvellent le genre. C’est pourquoi il est considéré comme le véritable inventeur de l’opéra avec son Orfeo sur un livret d’Alessandro Striggio (écouter des extraits). L’œuvre est créée le 24 février 1607 à l’occasion du carnaval de la ville. Il s’agit pour le duc de Mantoue, de pouvoir rivaliser avec l’Euridice de la cour des Médicis (bataille d’ego déjà très fréquente à l’époque).
L’Orfeo contient déjà les ingrédients de l’opéra moderne : une ouverture, des scènes combinant les interventions d’un soliste, d’un ensemble de personnages, d’un chœur. Les différents tableaux sont précédés de "sinfonie" qui en précisent la tonalité. La musique vise davantage que par le passé la caractérisation des personnages.
L’œuvre a un immense succès et sera représentée dans toute l’Italie. Mais la postérité est ingrate : après sa mort, Monteverdi tombe dans l’oubli et il faudra attendre 1904 pour entendre à nouveau l’Orfeo, dans une adaptation abrégée de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum de Paris.
Suite au décès de Benedetto Pallavicino, le vingt-six novembre 1601, qui succédait lui-même à Jacques (ou Giaces) de Wert (par ailleurs illustre madrigaliste), Claudio obtient la direction de la chapelle de la cour de Mantoue. C’est, on l’imagine, un beau pied-de-nez à Artusi, qui continuera cependant, toujours en vain, à poursuivre de ses ardeurs critiques « les accords de septième et de neuvième dont les anciens n’ont jamais enseigné qu’ils dussent être employés sans préparation et de manière aussi systématique » (du coup, j’imagine Artusi comme une sorte de mélange entre le schtroumpf à lunettes et le père Blaise).
Si cette année est également marquée par la mort de la femme de Monteverdi, ce dernier n’a pas réellement l’occasion de faire son deuil, puisqu’il doit moins d’un mois après le décès retourner à la cour, où se préparent des festivités : le fils de Vincent de Gonzague épouse Marguerite de Savoie ; c’est l’occasion pour le compositeur « d’acquérir la plus grande renommée qu’un homme puisse avoir sur terre », selon les mots de son ami Follino. À cette occasion, Monteverdi travaille à nouveau avec Rinuccini à L’Arianna, presque intégralement perdue aujourd’hui, à l’exception de son ”Lamento” (1608 : écouter le début).
Mais si Monteverdi jouit à Mantoue, en tant que musicien, d’une réputation flatteuse, c’est là à peu près toute la richesse qu’il peut y trouver. Il juge sa rémunération injustement faible, quand son employeur n’oublie pas tout simplement de la lui verser. Malade, fatigué et dans une mauvaise condition financière, il séjourne un temps chez son père mais le duc rechigne à lui accorder un congé supplémentaire. Finalement, après plusieurs supplications, Monteverdi voit son salaire revalorisé.
Mais il commence à préparer son départ. Ainsi, en 1601, il effectue personnellement un voyage au Vatican, dans le dessein de gagner les faveurs du Pape Paul V avec les célèbres Vêpres de la Vierge (1610 : écouter un extrait) et la ”Messe in illo tempore” à six voix. Il s’agit donc d’œuvres sacrées, registre qu’il n’avait plus abordé depuis 1584. Pour sa messe, Monteverdi juge sage de suivre les préceptes de l’école franco-flamande, plutôt que ceux du style plus moderne qu’il avait pourtant fait sien. Mais malgré ses efforts, et malgré la bonne réception réservée aux œuvres qu’il présente à cette occasion, le voyage ne lui apporte pas les bénéfices escomptés.
Un premier pas vers la libération du maître de chapelle est franchi le 18 février 1612, lorsque meurt le duc Vincent de Gonzague. Son fils Francesco qui lui succède, congédie Monteverdi dès le mois de juillet pour une raison obscure, après plus de vingt ans de service. Toujours est-il que, libéré, le musicien n’en est pas pour autant au bout de ses peines : il lui reste à trouver un nouvel employeur. Après un bref séjour chez son père, il est à Milan, puis à Venise, où s’est libérée la chapelle de la prestigieuse basilique Saint-Marc, qui avait déjà accueilli d’autres grands noms, tels qu’Andrea Gabrieli et son neveu Giovanni à l’orgue, ou encore Adrian Willaert. Monteverdi postule et, le 19 août 1613, il en prend la direction.
Sa nomination à Saint-Marc marque donc pour Monteverdi la consécration de sa carrière : il ira jusqu’à parler de la période qu’il y passa comme des "seules années heureuses de sa vie". Maître d’un ensemble d’exceptionnelle qualité, touchant un salaire confortable en temps voulu, recevant des commandes privées de toute l’Italie (y compris de la cour de Mantoue, qui figure même en bonne place dans la liste des commanditaires les plus assidus), Monteverdi profite enfin pleinement de son talent. Il y compose et publie trois nouveaux livres de madrigaux. Parmi les œuvres sacrées qui voient le jour à Venise, citons un Gloria, deux messes et diverses pièces destinées à des fêtes liturgiques.
Le 13 juin 1620, à l’occasion de la Saint Antoine, Monteverdi est invité à Bologne par Adriano Banchieri, qui le tient en haute estime, comme de plus en plus de ses contemporains : la renommée de Monteverdi est à son comble à cette époque. Le prince Ladislas, héritier du trône de Pologne, lui proposera même, en vain, une place à la cour.
La mort de Vincent II, en décembre 1627, met un terme à la longue collaboration de Monteverdi avec la Cour de Mantoue et ouvre la voie à une nouvelle collaboration, cette fois avec la cour des Farnèse de Parme. Bénéficiant de plusieurs congés exceptionnels de ses employeurs vénitiens, qui rechignent cependant à le laisser quitter son poste, en 1627 et 1628, le compositeur est à Parme pour diriger la création de ses cinq intermèdes pour la pastorale ”Aminta” de l’écrivain Torquato Tasso dit "Le Tasse". Il s’agit de célébrer le mariage du duc Édouard Farnèse avec Margherita de Médicis, en décembre 1628.
La peste qui touche Venise en 1630 emporte Alessandro Striggio, auteur du livret de l’Orfeo et ami de Claudio, mais épargne le compositeur et sa famille. Peut-être en réaction, et pour bénéficier des avantages associés à la fonction, Monteverdi est ordonné prêtre peu après.
Dans son huitième livre de madrigaux, daté de 1638 mais qui renferme en réalité des œuvres écrites au cours des trente années précédentes comme Il Ballo delle Ingrate (1508 : écouter des extraits), il inclut une longue préface qui développe les principes musicaux qu’il a fait siens. Son dernier livre de madrigaux sera quant à lui publié bien après sa mort, en 1651, grâce au travail d’Alessandro Vincenti.
Monteverdi a considérablement élargi le madrigal polyphonique du XVIe si bien qu’il peut même devenir une pièce pour la scène avec un véritable orchestre. Ainsi, dans le célèbre Combattimento di Tancredi e Clorinda (1624 : écouter un extrait), le récit, confié à un récitant accompagné par 4 violes, contrebasse et clavecin, doit être mimé par les héros. Le poème du Tasse (Torquato Tasso) raconte la lutte sauvage entre deux combattants, l’un chrétien, l’autre sarrasin. Tancrède l’emporte mais, quand il ôte le casque de son adversaire touché à mort, il reconnaît Clorinde, la femme dont il s’est épris. Après la première représentation, les auditeurs étaient si bouleversés qu’il n’y eut pas un applaudissement...
À l’occasion du carnaval de 1643 est créé Le couronnement de Poppée (L’incoronazione di Poppea, écouter des extraits : début, 2 airs et fin), opéra en un prologue et trois actes dont la partition nous est parvenue (contrairement, malheureusement, à de nombreuses pièces du compositeur, parmi lesquelles l’Arianna et le Retour d’Ulysse). En dépit du fait que l’œuvre que nous connaissons n’ait pas été exclusivement travaillée par le Crémonais, elle marque tout de même un "repère de maturité" du compositeur, tout de même âgé de plus de 75 ans à l’époque.
De retour à Venise après un ultime voyage qui le verra passer à Crémone et à Mantoue, Monteverdi tombe malade et meurt neuf jours après, le 29 novembre 1643. Il est enterré en grandes pompes.
Comme bien d’autres à son époque, le compositeur s’intéressera en dilettante à l’alchimie, passion qui lui viendra à Mantoue, sans toutefois poursuivre fiévreusement le mythe de la pierre philosophale. il se fixe des objectifs plus modestes : « je m’attends à obtenir un je-ne-sais-quoi, pour en faire ensuite un je-ne-sais-quoi, pour ensuite, s’il plaît à Dieu, pouvoir expliquer un je-ne-sais-quoi », « j’espère faire quelque chose permettant de dissoudre gaillardement l’argent ». En 1627, son fils Massimiliano, plus ou moins atteint par le virus, sera même emprisonné pour détention de livres interdits sur le sujet, et il faudra toute l’influence des relations de son père pour le tirer des geôles de l’Inquisition.
- Chérie, as-tu vu Monteverdi ?
- Non, je n’ai vu monter personne.