Sibélius est le meilleur représentant de la musique nationale finlandaise. Son poème symphonique Fiinlandia (voir plus bas) est même devenu le symbole de la résistance contre l’occupation russe. Ce compositeur a pourtant longtemps été ignoré, voire méprisé, chez nous. Jusque récemment, le seul ouvrage en français lui étant consacré (par René Leibowitz) s’intitulait : Sibélius, le plus mauvais compositeur du monde... La célèbre mais larmoyante et un peu mièvre Valse triste (1903 : écouter la fin) est sûrement pour beaucoup dans cette déplorable réputation.
Aujourd’hui, de nombreux compositeurs de la seconde moitié du XXe siècle se réfèrent à lui (bien qu’il reste profondément attaché à la tonalité) pour la façon dont il semble sculpter la masse sonore. La musique de film pille d’ailleurs sans complexes son œuvre riche de thèmes qui évoquent les vieilles légendes et célèbrent une nature paisible et grandiose.
Né à Hämeenlinna (centre de la Finlande) en 1865, Jean (ou Johan) Julius Christian Sibelius n’a que deux ans lorsque son père, médecin militaire, meurt des suites d’une épidémie de choléra. Il est alors élevé par son oncle, musicien amateur. Très jeune, Sibelius va apprendre la musique et sera en mesure de composer sa première œuvre à l’âge de dix ans (Goutte d’eau, pour violon et violoncelle).
À quatorze ans, il reçoit un violon en cadeau et prend des leçons du Chef de l’Harmonie militaire d’Hämeenlinna. Sous la pression de sa famille, il entreprend ensuite des études de droit à la faculté d’Helsinki. À l’automne 1889, il poursuit ses études à Berlin. De retour, en 1890 au cours de l’été, en Finlande, il est présenté dans la haute société d’Helsinki par l’intermédaire de son ami Järnefelt. En automne, il part pour Vienne, muni d’une lettre d’introduction pour Johannes Brahms que lui a remise Busoni… mais Brahms refusera de le recevoir !
Étudiant en droit peu studieux, il s’inscrit en 1885 à l’institut de musique dirigé par Martin Wegelius. Celui-ci engage le pianiste Ferruccio Busoni qui devient l’ami de Sibelius et lui fait une telle impression par sa virtuosité qu’il renonce définitivement à une carrière de soliste. Il suit les cours d’harmonie de Wegelius mais, faute de classe d’orchestration, il se limite à la musique de chambre (il compose alors un trio à cordes et un quatuor à cordes). Il se rend à Berlin pour étudier avec Albert Becker de 1889 à 1890 ; il a surtout l’occasion d’écouter le grand chef d’orchestre Hans Guido von Bülow qui joue Richard Strauss et Antonàn Dvořák ; il fait aussi la connaissance de Robert Kajanus, le fondateur de l’orchestre philharmonique d’Helsinki. Mais il trouve la ville trop bruyante à son goût et revient en Finlande. L’année suivante, il part à Vienne pour travailler avec Karl Goldmark de 1890 à 1891. Mais le fait marquant de ce voyage sera la révélation de la musique d’Anton Bruckner, avec sa troisième symphonie. Enfin sa dernière rencontre importante durant ces années de formation est celle des mythes et légendes finlandaises : il s’oriente dès lors de plus en plus vers un art authentiquement finlandais dans ses racines et ses références nationales, « tout ce qui est finlandais m’est donc sacré, le monde primitif finlandais a pénétré ma chair et mon cœur » écrit-il à sa fiancée en 1890.
Ses facultés créatrices vont maintenant éclater et de nombreux projets musicaux mûrissent dans son esprit. À cette époque, un fort courant nationaliste contre la Russie se fait sentir dans toute la Finlande. Sibelius s’inspire de ces idées et participe à l’élan national. Au printemps 1892, il termine un poème symphonique, Kullervo, qui est donné le 28 avril 1892. Sibelius dirige lui-même l’orchestre. C’est un succès immense. Cependant, il remaniera plusieurs fois cette partition.
Sibelius épouse peu après Aino Järnefelt, la sœur de son ami. Sibelius est alors nommé Professeur à l’Institut de musique et à l’école de direction d’Orchestre fondée par Kajanus. Pendant les années suivantes, il composera sur des légendes finlandaises : En Saga (1892), Karelia (1893), Lemmikaanen (1895), Finlandia (1899 : écouter) qui est son œuvre la plus connue et qui est considérée comme un second hymne national. En 1899 également vient la Première symphonie, pièce très importante dans l’évolution du compositeur.
En 1898, accentuant sa répression, la police tsariste instaure la censure en supprimant des journaux. La riposte s’organise autour d’une ”célébration pour la presse”, spectacle chorégraphique pour lequel Sibelius écrit une musique de scène en 7 tableaux. Le sixième tableau Éveil de la Finlande devient Finlandia pour être joué à l’exposition universelle de 1900, sous le titre La Patrie, afin de présenter une musique emblématique de la Finlande. À cette époque, craignant la censure russe, l’œuvre changera souvent de nom (Célèbre cavalière, Sentiments heureux, Éveil du printemps finlandais… ). Dès 1900, Sibelius transcrit la pièce pour piano solo. En 1938, il l’arrange pour chœur d’hommes et orchestre sur un texte patriotique. C’est cette version qui, par sa valeur symbolique, deviendra la plus populaire.
Pour augmenter ses ressources financières encore précaires, Sibelius doit donner des cours particuliers. Les choses s’amélioreront lorsqu’il entrera en contact avec la célèbre firme d’édition allemande : "Breitkopf et Härtel". En 1900, la musique de Sibelius remporte un triomphe dans une tournée européenne de Kajanus. Le compositeur se rend en Italie en 1901 et commence sa 2e symphonie (écouter le début). Elle est interprétée l’année suivante à Helsinki et obtient un vrai triomphe public. Il compose ensuite son unique et célèbre Concerto pour violon en 1903 (écouter le début).
En 1904, il se fait construire une grande maison de bois à Järvenpäa où il vivra jusqu’à la fin de ses jours. Il y trouve le calme pour composer. L’année 1910 verra naître une œuvre maîtresse de la musique moderne, fascinante et intemporelle, la Quatrième Symphonie op. 63, achevée en 1911 (écouter le début du 4ème mvt). Partout où elle est jouée, c’est la réserve, l’incompréhension et même l’hostilité. Cet épisode malheureux le plonge plusieurs mois dans un état dépressif, mais l’incite à créer une musique moins dépouillée et audacieuse. En 1914, Sibelius se rend aux États-Unis et y présente Les Océanides au cours d’un festival. De retour en Finlande, il est très affecté par l’hécatombe de la guerre 1914-18. De plus, la diffusion de ses œuvres par son éditeur allemand est très compromise. Après la révolution russe de 1917, la République finlandaise est enfin proclamée en 1919, mettant fin à son engagement nationaliste. La parution en 1926 de son poème symphonique Tapiola (écouter sur youtube) marque l’arrêt de ses activités de chef d’orchestre et de compositeur (du moins pour des œuvres de quelque importance).
Au début de 1928, il part pour Berlin dans le but résolu d’écrire une huitème symphonie, mais c’est d’abord une petite pièce chorale le Gardien du pont qui voit le jour ; puis il se remet au travail sur sa symphonie mais sans enthousiasme. En 1931, des ennuis de santé le privent de l’envie de composer quoi que ce soit. Il écrit au futur créateur de la symphonie, Serge Koussevitzky, que celle-ci est toujours à l’ouvrage et qu’elle sera achevée en 1932. Mais en janvier 1932, nouveau message dans lequel il annonce laconiquement au chef d’orchestre « pas de symphonie cette année ». En 1933, la symphonie se fait toujours attendre. Pourtant, il confie à un ami qu’elle est sur le point d’être terminée. Il remet un feuillet de 23 pages à son copiste pour la transcription, puis plus rien. Il se consacre désormais à la révision de ses anciennes compositions et les fait éditer. En 1940, Martti Paavola invité chez Sibelius aperçoit dans un coffre laissé ouvert des partitions. En 1942, il écrit des arrangements sur des chants de Noël mais ne renonce pas à terminer la huitième symphonie. En août 1945, il avoue avoir à de nombreuses reprises achevé la huitième symphonie, mais qu’à chaque fois, insatisfait il a tout jeté au feu.
Il compose en 1946 deux pièces de musique rituelle maçonnique pour chant et harmonium, qui sont ses toutes dernières compositions originales. Il ne produira désormais que des arrangements d’œuvres anciennes notamment à l’occasion de ses 85 ans quand le président finlandais lui fait l’honneur de se rendre en visite officielle chez lui.
Vers sa 60ème année, Sibelius met donc fin à ses ambitions de compositeur mondialement reconnu car il se sent dépassé par les nouveaux courants et a le sentiment d’être arrivé au bout de son esthétique avec sa 7ème et dernière Symphonie (1924 : écouter un extrait). Dépressif, il sombre dans l’alcoolisme, mais vit jusqu’à quatre-vingt-douze ans. Il meurt le 20 septembre 1957 à Järvenpää.
Sibelius a toujours cherché son inspiration dans la poésie populaire finnoise, dans les anciennes sagas et dans l’histoire de son pays. Ses œuvres les plus importantes sont destinées à l’orchestre. Ses dernières œuvres s’orientent vers une expression plus personnelle et plus intérieure (la célèbre Valse triste, 1903 ; Pelléas et Mélisande, 1905) pour aboutir à un art méditatif (quatuor à cordes Voces intimae, 1909 ; 4ème Symphonie, 1911) ou impressionniste (poèmes symphoniques : la Dryade, 1910 ; Les Océanides, 1914). Son langage puissant et austère atteint parfois une concentration proche de l’ascèse comme dans sa 4e Symphonie (écouter le début). En cela, il annonce le minimalisme de Ligeti (écouter un extrait de Ramifications). Ses dernières œuvres (5ème, 6ème et 7ème Symphonies) sont caractérisées par un retour à l’équilibre tonal et à la concentration de la forme.
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