Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Strauss
NOTE IMPORTANTE : il n’existe aucun lien de parenté entre Richard Strauss et les deux Johann (père et fils), originaires de Vienne et surnommés les rois de la valse.
Richard est surtout connu du grand public pour l’introduction de son poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra, souvent utilisée au cinéma et dans la publicité (écouter). Et finalement, cette page est bien représentative de son style majestueux et coloré qui ouvre sur des espaces à la fois vastes et profonds.
Né le 11 juin 1864 à Munich, Richard Strauss est le fils d’un corniste talentueux de la cour et de l’héritière d’une brasserie célèbre. Il vit donc dans une famille très aisée et favorable à un développement musical précoce. À quatre ans, il montre un talent prodigieux au piano. À six ans, il compose déjà de petites pièces pour le piano. À sept, il est initié au violon. Avant même sa rentrée à l’université, certaines des compositions du jeune homme sont déjà jouées. Strauss compose avec facilité quatuors et symphonies. Hermann Lévi, célèbre chef d’orchestre de l’époque, interprète sa Symphonie en ré mineur en 1881. Strauss n’a pas encore 17 ans. En résumé, on peut dire que ce n’était pas un enfant prodige comme Wolfgang Mozart mais qu’il a montré une intelligence musicale étonnante.
En 1884, Strauss se rend à Berlin où il aura l’occasion de rencontrer Gustav Mahler.
Son père, anti-wagnérien farouche, l’avait éduqué dans le culte des classiques. C’est donc seulement à 21 ans qu’il a la révélation de Richard Wagner et se convertit à la « musique de l’avenir » dont il pousse à l’extrême les conséquences mélodiques et harmoniques. Mais il n’adhèrera jamais à la révolution musicale, entreprise par Achille Claude Debussy (1862-1918) ou Arnold Schönberg (1874-1951), pour laquelle il affiche un total dédain.
En novembre 1889 (il a vingt-cinq ans), Don Juan, son second poème symphonique (écouter un extrait) est joué à Weimar. C’est un immense succès et le début d’une carrière intense. Il est nommé la même année assistant musical au Festival de Bayreuth. En peu de temps, il conquiert une large audience qui ne se démentira jamais. Sa vitalité et son appétit de vivre se traduisent dans la luxuriance de son orchestre et le mouvement qui emporte ses développements. Debussy écrit : « Il superpose les tonalités les plus éperdument éloignées avec un sang-froid absolu qui ne se soucie nullement de ce qu’elles peuvent avoir de déchirant, mais seulement de ce qu’il leur demande de vivant. [...] il y a du soleil dans la musique de R. Strauss. » Il compose ensuite Mort et Transfiguration (1891).
En 1894, Strauss épouse Pauline de Ahnas, chanteuse lyrique. Leurs querelles en public sont fréquentes et célèbres, son épouse ayant un tempérament bouillant et peu de tact. Cette union sera néanmoins durable.
Il écrira de nombreux rôles à l’opéra pour elle, comme Freihild dans son premier opéra, Guntram (qui sera un échec) et elle a été une grande source d’inspiration pour son mari. En particulier, il la dépeint à la fois comme la compagne du héros dans Une vie de héros (1898 : écouter le début) et dans plusieurs sections de la Sinfonia Domestica (1902).
Elle lui a aussi inspiré les Quatre derniers Lieder qui sont en quelque sorte son testament musical puisque composés un an avant sa mort.
Devenu chef de l’orchestre philharmonique de Berlin, il se lance dans une série éblouissante de poèmes symphoniques : Till l’Espiègle (1895 : écouter le début), Ainsi parlait Zarathoustra (1896), Don Quichotte (1897), Une vie de héros (1898). Une de ses dernières pièces symphoniques est la Sinfonia domestica exécutée le 21 mars 1904 au Carnegie Hall à New York. Il se tourne ensuite vers l’opéra et compose Feuersnot (1901) qui est un succès. En 1904, il achève Salomé (écouter la fin de la Danse des 7 voiles), succès mais aussi scandale car la pièce licencieuse d’Oscar Wilde dont est tirée l’œuvre est à la fois érotique, religieuse et orientaliste. Cette pièce fait la fortune de Strauss et lui donne une renommée mondiale.
À partir de cette époque, il collabore avec Hugo von Hofmannsthal qui lui écrira des livrets pendant trente ans. Dans Elektra (1909 : écouter le début), la musique explosive de Strauss atteint une violence encore inconnue à l’opéra. C’est encore un véritable triomphe. Richard Strauss sera à l’apogée de son talent avec Le Chevalier à la rose (1911 : écouter un extrait) qui reprend la tradition mozartienne. Le succès remporté à Dresde par cet opéra est sans précédent. Aucune autre œuvre du compositeur ne connaitra pareille gloire. Ariane à Naxos (1912) est une synthèse entre l’opéra séria et la comedia dell arte. À l’approche du grand conflit de 1914-18, Strauss voit une partie de sa fortune déposée en Angleterre confisquée. À la fin de la guerre, il se rend compte que sa musique n’est pas du tout en phase avec celle de compositeurs comme Béla Bartók. Son inspiration se tarit et sa production ralentit considérablement.
Von Hofmannstahl décède en 1929. Strauss collabore donc avec Stefan Zweig qui est juif et qui sera contraint de fuir à l’accession d’Hitler au pouvoir. Leur collaboration donnera La Femme silencieuse (1935).
Malgré la montée du nazisme, Strauss reste en Allemagne mais continue à correspondre avec Zweig pensant qu’en art, il n’existe que deux catégories de gens : ceux qui ont du talent et ceux qui n’en ont pas. Il écrit à son librettiste pour le soutenir : « Croyez-vous que Mozart a délibérément composé de façon aryenne ? »
Mais Strauss se résigne : sa belle-fille, Alice, est juive, et ses petits-enfants le sont par conséquent aussi. Il s’accommode donc des nazis, comme bien des musiciens, même s’il en rejette les idées. Son consentement plus ou moins tacite à l’égard du régime le disqualifiera aux yeux de beaucoup, à l’instar de Carl Orff. En 1933, il est nommé président de la chambre de musique du Reich par Goebbels et compose l’hymne olympique des jeux de Berlin en 1936. Mais lorsque les autorités aprennent qu’il collabore avec un juif (Stefan Zweig), il doit démissionner de ce poste.
Peu d’existences de musiciens se sont déroulées aussi harmonieusement que celle de Strauss. Rien n’a entamé son prestige, ni la première guerre mondiale, ni la montée du nazisme à partir de 1933. Son énergie et son rayonnement ont triomphé malgré tout. En 1941, à 78 ans, il écrit un opéra sur... l’opéra : Capriccio. C’est une réflexion sur l’importance respective des paroles et de la musique dans l’art lyrique. L’œuvre s’ouvre par un sextuor à cordes exécuté dans un salon voisin : écouter.
Les dernières années de la guerre sont pour Strauss une période d’introspection qui l’amène à revenir à un style plus classique : petits effectifs orchestraux, formes traditionnelles de la « musique pure » (concerto, sonatine). En 1943, la destruction par des bombes de l’opéra de Munich l’attriste profondément. Il exprime son désarroi dans Les Métamorphoses pour 23 cordes où il cite la marche funèbre de la Symphonie n° 3 de Beethoven (écouter). Elles sont certainement le chef-d’œuvre de toute sa carrière et furent jouées pour la première fois en 1946. À la fin de sa vie, Strauss connait quelques difficultés financières et s’exile en Suisse. Il composera encore deux chefs-d’œuvre : le Concerto pour hautbois et les Quatre derniers Lieder, mélodies pour orchestre et soprano (écouter le début du premier).
Richard Strauss a connu tous les mouvements musicaux modernes : modalité, atonalité, dodécaphonisme... mais ceci semble l’avoir laissé indifférent. Sa musique se distingue par des sonorités sensuelles puissantes mais aussi tendres et émotionnelles. Il s’appuie sur les valeurs traditionnelles de la musique et reste fidèle au classicisme. Il est sans doute le dernier compositeur à réaliser la synthèse entre le classicisme et le romantisme.
Le 8 septembre 1949, après être rentré chez lui à Garmisch, Strauss s’éteint. Sa volcanique épouse ne lui survécut que de six mois. Lors de ses funérailles, on donna le trio final du Chevalier à la rose : « Pourquoi un homme qui avait écrit une telle musique devait-il un jour mourir ? »