Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Bartók
Béla Bartók est né le 25 mars 1881 à Nagyszentmiklos (actuellement en Roumanie, bien que le compositeur soit Hongrois). Son père est à la direction d’une école d’agriculture et sa mère est institutrice. Très jeune, il est déjà en contact avec la musique.
Dès l’âge de cinq ans, il apprend le piano, et dévoile rapidement certaines facilités. Il aura grâce à cela la possibilité d’étudier auprès de très bons professeurs. Mais son père décède en 1888. Heureusement, en 1894, la mère de Bartók est nommée enseignante l’École normale de Poszony. C’est là que le futur compositeur reçoit les cours de Laszo Erkel. Cinq ans plus tard, Bartók est admis à l’Académie royale de musique (Budapest). Son nouveau professeur de piano, Istvan Thoman, est un ancien élève du virtuose Franz Liszt.
En 1903, après la fin de ses études, il est généralement connu comme pianiste de talent, même s’il commence à composer (il prend des cours avec Janos Koessler), fortement influencé par Richard Strauss. Mais à partir de 1904, il commence à s’inspirer plus spécialement de la musique populaire de son pays, et, aidé de Zoltan Kodaly, il commence à recueillir les chants folkloriques nationaux.
Zoltan Kodaly raconte : « En 1904, un scandale singulier fit grand bruit dans les journaux de Budapest. Pendant une répétition d’orchestre, un trompette autrichien refusa de jouer la parodie de l’hymne autrichien, que lui imposait une partition nouvelle [l’hymne était haï en Hongrie comme le symbole du joug autrichien]. L’oeuvre nouvelle était le Kossuth de Bartók, symphonie à programme, ayant pour thème le dernier effort héroïque de la Hongrie pour son indépendance en 1848. L’hymne déformé symbolisait la déroute des Autrichiens vaincus. L’auteur, toujours vêtu de son costume hongrois, déjà connu comme pianiste brillant, devint célèbre du jour au lendemain. » (extrait d’un article, traduction Musicologie.org)
En 1907, il est nommé professeur de la classe supérieure de piano de l’académie de musique de Budapest. Là , il tombe amoureux de la violoniste virtuose Stefi Geyer, pour qui il compose son premier concerto pour violon. Hélas, à cause de divergences religieuses, ils se séparent. Mais rapidement (1909), il épouse Marta Ziegler, dont il a un fils. En 1923, il divorcera pour épouser Ditta Pasztory, qui lui inspirera une Suite de danses très populaire (écouter la fin).
À partir de 1910, son œuvre orchestrale commence à se propager dans toute l’Europe, mais sa musique est jugée trop difficile, comme ce sera le cas aux États-Unis plus tard. Il connaîtra épisodiquement l’influence d’Achille Claude Debussy, mais son unique opéra (Le château de Barbe Bleue), représentatif de cette période, sera critiqué et replacera le compositeur dans la tradition folklorique hongroise mais aussi de l’Afrique du nord.
La guerre de 1914 ne le vit pas s’enrôler pour des raisons de santé. Il est très actif durant cette période et, en 1917, la première exécution du Prince de bois est un succès complet.
À partir de 1922, il alterne tournées européennes et composition. En 1927, il part aux États-Unis où son succès est très mitigé. Deux ans plus tard, en 1929, il commence des tournées triomphales en Russie. Puis, il est nommé chercheur à l’Académie des sciences de Budapest pour une étude sur la chanson populaire.
Lorsque Bartók se lance dans l’exploration scientifique des musiques traditionnelles, celle-ci en est à ses balbutiements. Quelques précurseurs s’étaient surtout intéressés aux textes des chansons populaires. Bartók, lui, privilégie la musique. Il y a d’abord des raisons esthétiques liées à l’exotisme en vogue à l’époque dans toute l’Europe. Il y a surtout la volonté de nourrir son inspiration aux sources populaires. Bartók y ajoute enfin des raisons idéologiques. Son but est finalement, à travers son travail d’ethnomusicologue, de participer à la construction d’une musique nationale : « Pour nous, la musique populaire a plus de signification que pour les peuples qui ont développé depuis des siècles leur style musical particulier. Leur musique populaire a été assimilée par la musique savante, et un musicien allemand trouvera chez Bach et Beethoven ce que nous devons chercher dans nos villages : la continuité d’une tradition musicale nationale. »
Au début de la seconde guerre mondiale, Bartók observe la montée du nationalisme en Allemagne d’un mauvais œil et il refuse désormais de s’y produire. Il quitte son pays et, en octobre 1940, il revient aux États-Unis, où il renoue avec le succès : son Concerto pour orchestre lui apportera plusieurs commandes... un peu tardives, qu’il ne pourra pas toutes honorer. Vers 1942, il contracte une leucémie qui n’est pas diagnostiquée, et sa santé se dégrade régulièrement. À la fin de la guerre, il ne pourra revenir en Hongrie comme il l’espérait.
Délaissant des commandes plus rémunératrices, alors qu’il est presque ruiné et gravement malade, il souhaite laisser à son épouse une dernière œuvre qu’elle puisse jouer, si elle doit continuer à gagner sa vie comme concertiste : durant l’été 1945, alité mais aidé par ses proches qui lui préparent le papier et tracent les barres de mesures, il travaille avec acharnement sur son Concerto pour piano n° 3. Il a prévu de l’offrir à sa femme pour son anniversaire (le 31 octobre). Mais le 22 septembre, alors qu’il lui reste 17 mesures à achever, il est admis aux urgences de l’hôpital de Westside, à New York, où il s’éteint le 26 septembre 1945.
Souvent critiqué de son temps, Bartók est aujourd’hui considéré, à l’égal d’Igor Stravinski et Arnold Schönberg, comme un des grands novateurs du XXe siècle.
Patriote ardent, Bartók mène à partir de 1905 avec son ami Zoltán Kodály une enquête très approfondie sur le folklore de la Hongrie et des pays environnants. Les richesses mélodiques (modalité) et rythmiques (mesures impaires) qu’il y découvre nourriront toute son œuvre. Alors que Schönberg réinvente la musique à partir d’un système purement cérébral, que Stravinski la renouvelle par le truchement du rythme, Bartók poursuit une démarche originale où il transcende les vieilles mélodies de son terroir à travers une écriture très savante.
En enrichissant la tonalité, il invente un langage neuf et crée une musique tantôt mystérieuse comme dans sa Sonate pour deux pianos et percussion (1937 : écouter un extrait du 2nd mvt), tantôt âpre comme dans son unique opéra Le Château de Barbe-Bleue (1911 : écouter un extrait), tantôt percutante comme dans le Concerto pour piano n°2 (1931 : écouter le 1er mvt). D’une part, il prolonge le principe de ton relatif et produit des accords inattendus et très évocateurs (écouter la 6ème Danse dans le rythme bulgare, du volume VI des Mikrokosmos, 1939, et lire « les axes »). Enfin, il structure ses partitions selon des rapports mathématiques comme le nombre d’or : lire « les proportions ».
Basée sur ces principes, sa Musique pour cordes, percussion et célesta (1936 : écouter un extrait du mvt 2) est un des jalons incontournables de la musique du XXe siècle au même titre que Le Sacre du printemps de Stravinski (1913 : écouter la fin). Parmi ses œuvres remarquables, les Six Quatuors qui jalonnent sa recherche créatrice (écouter le début du n°1) sont considérés par beaucoup comme l’héritage de ceux de Ludwig van Beethoven. Il n’hésite pas à y expérimenter librement des effets comme le "pizz Bartók", qui consiste à tirer la corde verticalement et un peu haut, afin qu’en retombant elle claque sur la touche, ajoutant au son de la note un effet percussif comme dans le Quatuor à cordes n° 4 (1928 : écouter la fin).
Après son exil aux États-Unis (1940), il compose des œuvres plus assagies comme son Concerto pour orchestre (1943 : écouter le final) et son ultime Concerto pour piano n° 3 (septembre 1945 : écouter le début), qu’il se hâte de terminer pour le dédier à sa femme. Mais la mort le surprendra à 17 mesures de la fin.