Né le 3 décembre 1883 à Vienne, Anton Friedrich Wilhelm von Webern (Anton Webern abandonnera la particule "von" en 1918) est initié à la musique assez tôt, étudiant le piano, le violoncelle mais aussi la théorie musicale avec Edwin Komauer, musicien local. Il passe la majeure partie de son enfance à Graz et à Klagenfurt, toujours en Autriche.
Il achève ses études de philosophie et de musicologie (cours de Guido Adler) à l’université de Vienne, où il était entré en 1902. À l’époque, comme l’atteste sa thèse (terminée en 1906) intitulée "Choralis Constantinus" du compositeur Henrich Isaac (v. 1450-1517), Webern est attiré par la musique ancienne (Renaissance, etc.), ce qui influencera particulièrement sa technique d’écriture par la suite. En même temps, il commence à composer, probablement sous l’influence de Richard Wagner, mettant en musique la ballade de Uhland Siegfrieds Schwert (1902). En 1904, il fait la rencontre d’Arnold Schönberg, dont il devient l’un des premiers et des plus fidèles élèves. En 1908, il écrit son premier opus, Passacaglia. Il rencontre également un autre élève de Schönberg, Alban Berg, avec qui il se liera d’amitié.
Après avoir fini ses études (1908), Webern occupe de nombreux postes de chef d’orchestre à Bad Ischl, à Teplice (Teplitz), à Dantzig (Gdansk) ou à Szczecin ainsi qu’à Prague, après quoi il retourne à Vienne où il dirige le "Wiener Arbeiter-Sinfoniekonzerte" (orchestre des travailleurs de Vienne) de 1922 à 1934. Mais la montée en puissance du régime nazi d’Adolf Hitler (et notamment l’Anschluss, en 1938, qui verra l’Allemagne s’accaparer l’Autriche) le déstabilise puisque sa musique est qualifiée par les autorités de dégénérée, de "bolchévisme culturel". Il doit donc, pour gagner sa vie, travailler chez ses éditeurs, Universal Edition.
Alors que la guerre est achevée, Webern se sent plus en sécurité à Mittersill (près de Salzbourg) avec ses parents. C’est pourtant là qu’il meurt, tué accidentellement par un soldat américain le 15 septembre 1945 : alors qu’une opération menée par l’armée américaine dans la maison familiale se préparait (un membre de la famille était soupçonné de marché noir), Webern sortit fumer un cigare après le couvre-feu et se heurta à un soldat qui fit feu.
Webern laisse derrière lui 31 opus et une vingtaine de pièces non numérotées, aussi bien pour voix seule que pour voix accompagnée, pour orchestre ou pour piano seul. Il appartient au premier cercle de la seconde école de Vienne, explorant l’atonalité, le dodécaphonisme et la musique sérielle. Il est reconnu par la plupart des jeunes compositeurs des années 1950 comme le membre le plus marquant de ce cercle.
Webern est l’élève de Schönberg qui a suivi le plus fidèlement ses théories. Après quelques compositions post-romantiques (écouter la fin de la Passacaille op. 1, 1908), il réalise comme son maître qu’il ne peut plus continuer à utiliser le langage tonal : c’est ce qu’il appelle la « catastrophe de 1908 ». Il écrit : « Schoenberg et moi n’avons rien fait pour la dissolution de la tonalité et nous n’avons pas créé nous-mêmes la nouvelle loi : elle s’est emparée de nous impérieusement... Vous ne pouvez imaginer ce que nous avons traversé ! » Et il évoque les « luttes effrayantes » de son maître.
Homme profondément honnête, il se consacre complètement à la construction d’une œuvre développant avec rigueur la technique du dodécaphonisme ; une œuvre austère certes, mais remarquable de densité, de limpidité et de délicatesse. Soucieux de la sonorité de chaque instrument et de leur combinaison, il pratique la Klangfarbenmelodie. Exemple : Cinq pièces pour orchestre, op. 10 (1911-13 : écouter la 1ère).
Alors que Schönberg et Berg s’essaient à la grande forme, Webern cultive la petite forme hautement concentrée. Exemple : Concerto pour 9 instr. op.24 (1934 : écouter le 3ème mvt). Beaucoup de ses morceaux ne dépassent pas la minute ; la totalité de ses 31 opus dure moins qu’un opéra de Wagner (environ 3 heures).
Plus rigoriste que Schoenberg lui-même, il étend progressivement le sérialisme non seulement aux hauteurs mais également aux durées. Exemple : Quatuor à cordes, op. 28 (1938 : écouter le 2nd mvt). Ce procédé influencera considérablement les jeunes compositeurs de « l’École de Darmstadt » après la Seconde guerre mondiale (essentiellement : Nono, Berio, Stockhausen et Pierre Boulez : écouter le début de Polyphonie X). Bien qu’il ait profondément marqué le XXe siècle, Webern n’a jamais rencontré le succès de son vivant.