Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Boulez
Pierre Boulez, est né à Montbrison dans la Loire le 26 mars 1925. Il est l’un des principaux compositeurs français contemporains et une des personnalités les plus influentes du paysage musical et intellectuel.
Intelligence brillante, Boulez abandonne les mathématiques à 17 ans pour entrer au conservatoire de Paris. Il est d’abord l’élève d’Olivier Messiaen mais il le quitte avec fracas au printemps 1945 pour aller étudier le sérialisme avec René Leibowitz. Mais jugeant l’enseignement de ce dernier trop rigide il le quitte aussi dès l’automne suivant. Il retrouve alors une complicité avec Messiaen : « Échanger Messiaen contre Leibowitz, c’était échanger la spontanéité créatrice, combinée avec la recherche incessante de nouveaux modes d’expression contre le manque total d’inspiration et la menace d’un académisme sclérosant » racontera-t-il plus tard à Antoine Goléa.
En 1946, nommé directeur de la musique de scène de la Compagnie Renaud-Barrault, il commence à diriger des partitions de Georges Auric, Francis Poulenc, Arthur Honegger et de lui-même. Parallèlement, sa carrière de compositeur s’affirme avec ses premières œuvres, encore influencées par ses maîtres. Au début des années 1950, il découvre les Quatre Études de rythme, œuvre expérimentale de Messiaen qui ouvre la porte au sérialisme intégral (écouter le début de la 2nde étude, « Modes de valeurs et d’intensité »). Boulez retient la leçon et généralise le principe de la série à tous les paramètres du son (rythmes, timbres, dynamiques) dans Polyphonie X (1951 : écouter le début). Il déclare alors : « Tout musicien qui n’a pas ressenti la nécessité du langage dodécaphonique est INUTILE. Car toute son œuvre se place en deçà des nécessités de son époque ». Mais le résultat de cette quête sérielle est une musique cérébrale et complètement hermétique pour l’auditeur moyen. Conscient de l’impasse et contrairement à sa réputation d’extrémiste rigide, il ne poursuivra pas l’aventure de façon aussi rigoriste.
Par ailleurs, il expérimente aussi les ressources de la musique concrète sous la férule de Pierre Schaeffer avec qui il a de nombreuses « engueulades » (écouter un extrait de l’Étude II, 1951). Mais il abandonne aussi cette voie tout en gardant un intérêt pour le son électronique : « La musique concrète a bénéficié dès ses débuts d’une curiosité parfois justifiée. L’intérêt purement technique qu’elle éveillait alors s’est peu à peu dégradé pour des causes précises, et l’on peut assurer que maintenant, son rôle n’a plus guère d’importance, que les oeuvres qu’elle a suscitées ne sont pas à retenir. […] Les compositeurs qui se sont attaqués aux problèmes de la musique électronique avaient une autre envergure, et, si ce domaine devient un jour important, ce sera grâce aux efforts des studios de Cologne et de Milan. » (in Dictionnaire de la musique Fasquelle, article « Concrète »).
Tout morceau doit être basé sur une « série » de douze sons (les douze sons de l’échelle chromatique), dans l’ordre que l’on veut (au gré de l’inspiration « sérielle »), mais sans répéter deux fois le même son. La série peut ensuite être utilisée par mouvement inverse, en miroir, être transposée, par fragment, et enfin sous forme d’agrégation. Tout le morceau découle donc d’une série préalablement établie, ce qui donne donc un cadre formel se substituant à la tonalité.
On parle de « sérialisme intégral » ou « multi-sérialisme » quand tous les paramètres du son (durées, nuances, timbres, attaques…) sont structurés par des séries. Le résultat est une musique aride et difficile d’accès, pour ne pas dire rébarbative. C’est pourquoi Boulez a rapidement abandonné cette voie, allant même jusqu’à renier plus tard le style pointilliste et volontairement abrupt de Polyphonie X.
En 1954, il compose Le Marteau sans maître, qu’on peut considérer comme une 1ère synthèse de toutes ses expériences antérieures (écouter le début). Son style s’y affirme comme l’élaboration d’un tissu sonore coloré, délicat et comme en apesanteur (car libéré de la mesure et de la tonalité).
Aux cours d’été de Darmstadt entre 1954 et 1965, il prononce de nombreuses conférences, aboutissant à la parution de son livre, Penser la musique aujourd’hui (1963). Il s’y affirme avec Stockhausen, Berio, Ligeti et Nono comme une des plus fortes personnalités de sa génération.
Dès 1957, en réaction au hasard « par inadvertance » de John Cage, il introduit dans ses œuvres une part d’aléatoire nettement plus contrôlé en laissant à l’interprète le choix de l’ordre de certains fragments (en référence au "Livre" de Stéphane Mallarmé). Ce souci de ne pas vouloir s’enfermer, on le retrouve dans ses expériences de spacialisation de l’orchestration (en faisant voyager les accords de timbre d’un groupe d’instrumentistes à l’autre). Dans Rituel in memoriam Bruno Maderna, il s’écarte nettement de la disposition frontale classique en projetant le discours musical dans l’espace de la salle (écouter un extrait). On retrouve cette même idée dans Répons, qui présente un dialogue entre jeu individuel et jeu collectif et une sorte de prolifération à partir d’un élément simple (1988 : écouter un extrait). Cette dispersion des instrumentistes peut être rapprochée de l’éclatement de l’écriture dans ses œuvres ouvertes.
Toutes ces démarches tendent à instaurer une relation plus organique, moins analytique entre le compositeur et ses interprètes, entre le chef d’orchestre et les exécutants. On passe ainsi « d’une pensée qui forme à une forme qui pense ». Le souci de Boulez est d’engendrer des processus dynamiques. D’où sa manière de réviser ses œuvres ou de les faire dériver de compositions antérieures : il considère ses pièces « en devenir » et non pas figées une fois pour toute. Ainsi, l’œuvre pour ensemble instrumental ”Sur Incises” (1998 : écouter le début) développe en l’éclatant une courte pièce pour piano, ”Incises” composée deux ans plus tôt. « J’ai un tempérament qui essaie de fabriquer des règles pour avoir le plaisir de les détruire plus tard. » (Par volonté et par hasard, entretiens, 1975).
À la demande du président Georges Pompidou, Pierre Boulez accepte de fonder et de diriger l’lnstitut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam), qui ouvrira ses portes à l’automne 1977. En 1975, Michel Guy, secrétaire d’État aux Affaires culturelles, annonce la création de l’Ensemble intercontemporain (EIC), dont la présidence lui est confiée. Professeur au Collège de France entre 1976-1995, il est également l’auteur de nombreux écrits sur la musique. Parallèlement, il s’associe à d’autres projets importants pour la diffusion de la musique, telles les créations de l’Opéra Bastille et de la Cité de la musique à La Villette.
Pierre Boulez a également consacré beaucoup de temps à l’enseignement et surtout à la direction d’orchestre où il a abordé un très large répertoire (notamment : Edgar Varèse, Béla Bartók, Arnold Schœnberg, Alban Berg, Anton Webern, Achille Claude Debussy, Maurice Ravel, Igor Stravinsky, Gustav Mahler et de très nombreuses créations). Il a notamment dirigé une mémorable Tétralogie de Richard Wagner au Festival de Bayreuth.
À travers le sérialisme, les formes ouvertes, la problématique de l’instrument et de la machine, le souci de perceptibilité, l’œuvre de Pierre Boulez présente un ensemble riche et unifié. Si la « série généralisée » est vite abandonnée, la recherche d’unité ne l’est pas pour autant, et la pensée sérielle reste une seconde nature même quand Boulez retourne à une écriture thématique dans ses œuvres plus récentes, ou dédouble l’ornementation, comme il fait dans les Dérives ou dans Répons. De plus, comme chef d’orchestre, pédagogue, analyste et administrateur, il a créé des institutions durables vouées au progrès de la musique et de ses rapports avec le public.
Dans la nuit du 5 au 6 janvier 2016, Pierre Boulez est mort à son domicile de Baden-Baden en Allemagne. Homme aux multiples facettes, il était l’une des personnalités les plus influentes du monde musical.