Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Honegger
Bien que sa famille soit suisse, Arthur Honegger naît le 10 mars 1892 au Havre où son père est négociant en café. Sa mère joue du piano en amateur et accompagne parfois un ami violoniste. Le jeune Arthur apprend le violon et fera ses premiers essais de composition avec des pièces pour deux violons et piano. Il reçoit des leçons d’harmonie d’un organiste du Havre. Admiratif de Johann Sebastian Bach et de Ludwig van Beethoven, il se lance dans l’écriture d’un opéra et d’un oratorio.
Entre 1909 et 1911, il réside à Zurich où il s’inscrit au conservatoire. Il revient ensuite en France pour poursuivre ses études au conservatoire de Paris. En classe de contrepoint, il rencontre Darius Milhaud et Jacques Ibert. En 1913, la famille Honegger retourne en Suisse. Après une mobilisation de quelques mois dans l’armée suisse, Honegger retourne au Conservatoire de Paris pour suivre les classes de composition de Charles Widor et de direction d’orchestre de Vincent d’Indy. Il se fixe à Paris, faisant partie en 1916 des « Nouveaux Jeunes » qui, réunis autour d’Erik Satie, sont à l’origine du « Groupe des Six ».
Quand il quitte le conservatoire en 1918, avec pour toute récompense un second accessit de contrepoint, il a déjà quelques compositions à son catalogue ; il s’est lié avec Apollinaire, Max Jacob, Blaise Cendrars, Pablo Picasso, Satie… et quelques-unes de ses oeuvres ont été créées. Le 2 décembre 1918, son Dit des Jeux du monde fait scandale, ce qui lui assure une certaine célébrité auprès du public parisien.
C’est en partie sur un malentendu qu’est constitué en 1920 le Groupe des Six. Certes, les personnalités qui le constituent sont liées par une profonde amitié, mais elles sont loin de partager une esthétique commune, malgré les efforts de Jean Cocteau. Parmi ces jeunes compositeurs, Honegger est probablement le plus éloigné des idées du poète. C’est ainsi qu’il confie au critique Paul Landormy son esthétique personnelle à laquelle il restera fidèle toute sa vie :
« Je n’ai pas le culte de la foire, ni du music-hall, mais au contraire celui de la musique de chambre et de la musique symphonique dans ce qu’elle a de plus grave et de plus austère. J’attache une grande importance à l’architecture musicale, que je ne voudrais jamais voir sacrifiée à des raisons d’ordre littéraire ou pictural. J’ai une tendance peut-être exagérée à rechercher la complexité polyphonique. Je ne cherche pas, comme certains musiciens anti-impressionnistes, un retour à la simplicité harmonique. Je trouve, au contraire, que nous devons nous servir des matériaux harmoniques créés par cette école qui nous a précédés, mais dans un sens différent, comme base à la ligne et à des rythmes. Bach se sert des éléments de l’harmonie tonale comme je voudrais me servir des superpositions harmoniques modernes. »
En 1920, le public lui décerne le prix Verley pour sa Pastorale d’été où se ressent l’influence de la musique française (notamment le Maurice Ravel de la Pavane pour une infante défunte) : écouter la fin de la Pastorale d’été). En 1921, il écrit en deux mois son oratorio Le Roi David : c’est un franc succès ; il jouit d’une audience internationale, et les commandes affluent : musiques de scène, ballets, opérettes, musiques de film… Il est aussi marqué par le monde industriel, comme le montre son fameux poème symphonique Pacific 231 (1923 : écouter et voir le court-métrage de Jean Mitry illustrant la musique). Il inaugure ainsi le mouvement dit urbaniste, également illustré par Fonderie d’acier d’Alexandre Mossolov (1927 : écouter) ou la Symphonie n° 2 de Sergueï Sergueïevitch Prokofiev dite « de fer et d’acier » (1925).
À partir de 1930, il aborde la symphonie : la Symphonie n° 2 (1941), écrite pour cordes, reflète le temps de la guerre, avec l’espoir d’un avenir meilleur suggéré par le choral du dernier mouvement (écouter) ; dans la Symphonie n° 3, sous-titrée "liturgique" (1946), il cherche à évoquer la réaction de l’homme devant le monde moderne qui l’étouffe (écouter le début). Sa collaboration avec Paul Claudel sera particulièrement fructueuse. Elle aboutit notamment à l’oratorio Jeanne d’Arc au bûcher) ainsi qu’à La Danse des morts, où le musicien brosse une fresque impressionnante (1938 : écouter le Réveil des Morts).
En marge de sa vie de créateur, Honegger, dès 1924, mène une carrière de chef d’orchestre à Paris et à l’étranger. De 1941 à 1944, il est critique musical au journal Comoedia et, durant la même période, il enseigne la composition à l’École normale supérieure de musique de Paris (on lui reprochera d’ailleurs ses compromissions avec les occupants allemands). Au cours d’un voyage dans les deux Amériques (1947), il est terrassé par une crise cardiaque à laquelle il survit toutefois. Ses dernières années seront assombries par la maladie et une vision très pessimiste de l’humanité. Pourtant il est joué plus que jamais ; sa dernière œuvre, Une cantate de Noël (1953), qui reprend les éléments d’une Passion restée inachevée par le suicide de l’auteur du texte, obtient un triomphe lors de sa création.
En février 1955, Honegger est profondément touché par la mort de Paul Claudel. Il survit encore quelques mois, avant de s’éteindre, le 27 novembre à Paris. Lors de la crémation au Père Lachaise, Cocteau eut ces mots : « Arthur, tu es parvenu à obtenir le respect d’une époque irrespectueuse. Tu joignais à la science d’un architecte du Moyen Âge la simplicité d’un humble ouvrier des cathédrales. Tes cendres sont brûlantes et ne refroidiront plus, même si notre terre a cessé de vivre. Car la musique n’est pas de ce monde et son règne n’a pas de fin. »
La musique d’Honegger traduit la double influence de ses origines : alémanique et française. « Mon grand modèle est Jean-Sébastien Bach », affirme-t-il. Comme pour celui-ci, la création musicale représente pour lui un acte de foi. L’idée du choral alimente une grande partie de son œuvre, oratorios et musique symphonique (thème de trompette du dernier mouvement de la symphonie pour cordes ou thème du Dies irae dans La Danse des morts). À la France, il doit le sens de la construction claire, de l’équilibre, de la symétrie et de l’économie des moyens. Le Suisse, en dehors de Bach, voue un culte à Beethoven et à Richard Wagner, admire Richard Strauss et Reger, reconnaît l’influence qu’ont exercé sur lui Arnold Schönberg et Igor Stravinski. Le Français écoute Achille Claude Debussy et Gabriel Fauré, qui, dit Honegger, « ont fait très utilement contrepoids, dans mon esthétique et ma sensibilité, aux classiques et à Wagner ».
Le musicien manifeste son goût pour les formes rigoureuses : sonate, symphonie, concerto. Quoique ses compositions de musique de chambre et ses recherches dans le domaine de l’opéra ne soient pas négligeables, la symphonie et surtout l’oratorio semblent être l’apport le plus considérable d’Honegger. C’est pour l’oratorio qu’il laisse le meilleur de lui-même. En renouant avec cette forme, assez délaissée de ses contemporains, il satisfait le « biblique » qu’il est (Le Roi David, Judith) et son goût pour la fresque monumentale (Jeanne d’Arc au bûcher).