Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de La Monte Young
La Monte Young est né le 14 octobre 1935 à Bern dans l’Idaho (États-Unis), dans une petite communauté mormone. Ses parents sont très pauvres, son père est berger. Il fait très tôt des expériences musicales, d’abord à l’harmonica ; il chante des chansons de cow-boy, apprend la guitare avec sa tante, et s’essaie au piano sur l’instrument de ses grands-parents. Sa famille s’installe définitivement à Los Angeles en 1949. À 7 ans, il apprend le solfège et le saxophone alto avec son père, et son oncle lui fait découvrir le swing. Au collège, il découvre différents styles de musique, et en particulier le dixieland et le be-bop (voir notre dossier sur le jazz). Il y apprend également l’harmonie avec un élève de Schönberg. Entre 1951 et 1954, il prend des cours de clarinette et de saxophone au conservatoire de musique de Los Angeles.
Young suit ensuite des cours de contrepoint et de composition. Il découvre également la musique classique et il est impressionné en particulier par Achille Claude Debussy, Anton Webern, Arnold Schönberg, Igor Stravinski, Béla Bartók. En 1957, Young entre à l’Université de Los Angeles où il se perfectionne en étudiant la théorie de la musique, l’ethnomusicologie, l’harmonie et le contrepoint en musique baroque. C’est en tant qu’étudiant qu’il produit ses premières compositions importantes, influencées par Bartók et Debussy. Très vite attiré par le sérialisme, au détriment du jazz qu’il trouve plus limité, il compose sa première pièce dans le style dodécaphonique.
Dans les pièces composées à la fin de ses études, Young commence à introduire des éléments qui caractérisent son style. C’est Trio for Strings (1958 : écouter une version abrégée), qui est généralement considérée comme la pièce la plus réussie et aboutissant au véritable style de La Monte Young. Elle est construite essentiellement sur de longues notes tenues, parfois de plusieurs minutes, de longs silences, et une économie de moyens extrême. La pièce est lente, avec des nuances généralement proches du piano, et fait une large utilisation d’un ensemble restreint d’accords. Cette œuvre est largement considérée comme le point de départ du mouvement de la musique minimaliste.
Sa soif de connaissances pousse Young à s’inscrire en septembre 1958 à Berkeley (toujours à Los Angeles) où il étudie la composition et l’analyse. Il y rencontre Marian Zazeela, sa future compagne. Ses productions rencontrent une forte opposition de la part de ses professeurs et l’incompréhension de ses collègues étudiants. Seuls Terry Riley et les amateurs de musique répétitive s’intéressent à son travail. À l’été 1959, il participe à une école d’été à Darmstadt, animée par Karlheinz Stockhausen. Il admire ce dernier mais c’est surtout la découverte de la musique de John Cage qui lui fait une forte impression lors de ce séminaire.
En 1960 il s’installe à New York. Il rencontre alors l’ensemble de l’avant-garde new-yorkaise, notamment : Yoko Ono (avec laquelle il collaborera), Andy Warhol, les membres du groupe Fluxus. Il joue très rapidement un rôle important dans sa nouvelle communauté en organisant des performances/concerts étonnants. En effet, marqué par les méthodes de Cage, il oriente son travail vers une forme d’art conceptuel avec une forte dimension théâtrale : parfois, les morceaux sont de simples indications de comportement à suivre par l’interprète. Il s’intéresse particulièrement aux sons créés par friction, demandant aux exécutants de traîner des gongs sur du béton, sur des sols en bois, ou de racler du métal sur des murs. Une de ses œuvres les plus célèbres réclame la présence d’un papillon : la pièce prend fin lorsque le papillon sort de la salle ! De cette époque, date également les premières pièces où une note doit être tenue pendant une durée indéterminée.
En 1962, il fonde le "Theater of Eternal Music" et s’oriente dans une nouvelle direction. Désormais, toutes ses pièces constituent autant de parties d’une seule vaste composition. C’est notamment le cas de The Four Dreams of China, qui regroupe quatre œuvres précédentes composées de sons continus pouvant durer très longtemps en se transformant lentement (écouter un court extrait) Il est considéré comme l’un des plus grands compositeurs du moment, notamment grâce à des compositions extrêmement longues comme The Well-Tuned Piano (Le piano bien accordé : voir introduction musicale) : cette œuvre, commencée en 1964, fait toujours l’objet de révisions à ce jour : c’est d’ailleurs le sort de la plupart des œuvres de cette époque, composées selon le principe du work in progress.
En 1962 encore, Young et son épouse plasticienne conçoivent un environnement, intitulé (la Maison pour le rêve), qui est défini par un ensemble de fréquences sonores et lumineuses continues. « Durant mon enfance, certaines expériences sonores de fréquences continues ont influencé mes conceptions et mon évolution musicales : le son des insectes, le son des poteaux téléphoniques et des moteurs, le son de la vapeur qui s’échappe… » écrit La Monte Young. Le spectateur est invité à se déchausser pour pénétrer dans un autre univers où il se trouve comme immergé dans une double vibration : visuellement dans une lumière bleue-violacée (voir images ci-dessous) et acoustiquement dans un bourdonnement continu (écouter), constitué de plusieurs ondes électroniques accordées dans un rapport parfaitement juste sans aucun battement. Cet environnement est censé provoquer des sensations inédites, une expérience du temps suspendu, favorisant la méditation.
LaDream House, 1999, en dépôt au MAC de Lyon | Titre de l’installation placée à l’entrée de l’environnement | Mobiles portant des ombres sur un mur de l’environnement |
Depuis les années 70, il étudie avec sa compagne Marian Zazeela, la musique indienne sous la direction de Pandit Pran Nath. Il donne également de nombreux concerts en jouant souvent avec des partenaires, le Kronos Quartet, Terry Riley, John Hassel, John Cage, etc. : écouter le résultat de quelques-unes de ces collaborations.
Young se souvient de son enfance : « A l’époque, j’étais fasciné par un transformateur électrique situé sur la route qui émettait en continue un son de fréquence pure. Mais cette expérience n’a eu un impact sur mes compositions que bien plus tard. »
Partagé entre son goût pour la peinture et son don pour la musique, il choisira finalement cette dernière mais restera toujours attaché aux arts plastiques : « Dès 1959-1960 (il avait 24 ans), je pensais à rendre mes compositions plus visuelles. A l’époque, l’université de Beckerley (Californie) avait un programme de concert du midi. Je devais jouer l’une de mes compositions, j’ai demandé à ce qu’on éteigne la lumière dans la salle durant 13 minutes : l’effet a été spectaculaire sur l’audience. C’est alors que je me suis interrogé sur ce que le public voulait exactement voir lorsqu’il écoute de la musique. C’est alors que j’ai rencontré Marian Zazeela. J’ai immédiatement compris que nous pouvions collaborer : elle achevait son premier environnement lumineux. Dès les débuts de notre collaboration, elle a réalisé d’extraordinaires installations lumineuses pour mes concerts. . »
Il explique ainsi la dimension spirituelle de sa démarche : « Un lieu de recueillement, le temple, l’église, existe dans chaque culture avec sa propre musique. Et puis vous avez une musique plus populaire, une musique pour d’autres occasions que les cérémonies religieuses. Mais ce qui est particulièrement passionnant, c’est de constater combien en occident cette distinction est désormais caduque. Je pense que nombre de mes compositions jouent sur cette ambiguïté entre deux sortes de traditions. Je ne cherche pas à créer une musique d’église mais bien une musique pour la méditation, où vous êtes juste cool. »
Il explique aussi son goût pour la lenteur : « En 1962 j’ai terminé "The Four Dreams of China". Cette pièce m’a permis de comprendre que je désirais construire des œuvres musicales qui pouvaient être jouées très longtemps, voir indéfiniment. De là , vient mon idée des "Dream House", un espace structuré par les lumières de Marian dans lequel une composition faite de notes ténues se poursuit à l’infini. »
Compte tenu du style de sa musique, la rencontre de Young avec la musique classique indienne semblait évidente : « Pour moi, la musique classique indienne est essentielle. Je l’ai découvert à la radio dans les années 50. Puis en 1967, nous avons rencontré Pandit Pran Nath en écoutant une de ses improvisations. Maria et moi avons été ensuite ses disciples de 1970 à 1996, année de sa mort. Il vivait la moitié de l’année chez nous. Etudier avec lui fut sans doute la chose la plus importante qui me soit arrivée. C’est avec lui que j’ai véritablement compris ce que signifiait la transformation progressive d’une note continue. Les ondes sinusoïdales que j’employais renvoyaient soudainement à des états de conscience suspendus, sorte de temps de repos dans la tension du temps présent.. »