Avertissement : les dates associées à chaque période indiquent approximativement son apogée. Ce ne sont que quelques repères.
La réponse n’est pas facile car, avec le temps, le mot a désigné des formes musicales très variées depuis le Ragtime (fin XIXe) jusqu’au Jazz Rock (années 1970-1980) en passant par le Bebop (années 1940), le Cool (années 1950), le Free Jazz (années 1960), etc. On peut cependant tenter d’y répondre en empruntant au moins quatre voies différentes :
a) Approche étymologique : le mot « jazz » dériverait soit de jasm (en argot américain, « force » ou « exaltation »), soit du terme français jaser (discuter, palabrer), soit de chasse-beau, figure de danse du cake-walk, devenu par la suite jasbo pour désigner des musiciens, soit de l’expression jazz-belles (déformation de Jézabel), nom argotique cajun donné aux prostituées de La Nouvelle-Orléans. Le terme est popularisé en 1917 par l’Original Dixieland Jazz Band (quintette de musiciens blancs).
b) Approche géographique : La Nouvelle-Orléans est considérée comme le berceau du « premier jazz ». Cette cité cosmopolite regroupe des Créoles, des Noirs nostalgiques de la « mère Afrique » et des Blancs de différentes ascendances européennes. Partout la musique est reine : danses (quadrilles, mazurkas, polkas, etc.), romances, cantiques et marches militaires se jouent dans les rues, les bars, les bouges, mais aussi dans les familles de la bonne société. C’est de ce brassage du ragtime, du blues et du gospel, que naît finalement le jazz à l’aube du XXe siècle, le tout sur un fond prépondérant de mélodies originaires d’Afrique.
c) Approche historique : de fortes personnalités, chacune à sa manière, ont contribué à l’évolution d’une musique à la fois populaire et savante. De Louis Armstrong à Keith Jarrett en passant par Charlie Parker ou Miles Davis, certains artistes ont, par leur originalité et leurs innovations musicales, constitué des étapes décisives dans la mutation du jazz. Musique incomprise et méprisée à ses débuts, pour son origine raciale principalement, le jazz s’est progressivement imposé comme l’une des expressions artistiques majeures du XXe siècle.
d) Enfin, d’un point de vue purement musical, le jazz, quelles que soient les formes qu’il ait adoptées, est caractérisé par la part majeure accordée à l’improvisation, et surtout par l’omniprésence du SWING (littéralement ”balancement”), celui-ci étant provoqué par l’utilisation systématique de la syncope (d’autant plus perceptible qu’elle est opposée à un ”beat” régulier : écouter une explication). S’y ajoute l’emploi de la ”blue note” (ou note bleue), abaissement d’un demi-ton de la tierce, de la septième voire de la quinte d’une gamme majeure diatonique. Voici un petit document audio qui met tout cela en musique : écouter. Et pour démontrer que tout peut se ”swinguer” grâce à l’utilisation de la syncope, voici une version jazz de notre hymne national par le Hot Club de Django Reinhardt : écouter.
Trois genres musicaux sont habituellement considérés comme les sources essentielles du jazz :
Le Spiritual (écouter un extrait de Oh Happy Days) est un chant religieux traditionnel appartenant essentiellement à la culture afro-américaine (negro spirituals), mais que l’on trouve aussi dans certaines traditions musicales blanches : Blancs et Noirs se retrouvaient au cours de certaines cérémonies religieuses et autour des feux de bivouacs, favorisant les influences musicales et la fusion d’anciennes traditions africaines avec les hymnes méthodistes protestants. Au début du XXe siècle, le terme de spiritual se trouva supplanté par celui de gospel, expression commerciale du spiritual moderne.
Le Blues (écouter Swing Low Sweet Chariot), né à la fin du XIXe siècle, puise ses racines dans les chants religieux (spirituals), eux-mêmes empruntés à la danse et à la musique africaine traditionnelle, et dans les chants de travail (work songs) des esclaves noirs des plantations de coton du sud des États-Unis. Exprimant la mélancolie et la dépression, le mot lui-même signifie en anglais « cafard » ou « tristesse » ; le blues est un chant de plainte et de nostalgie qui évoque les affres de l’existence et de l’amour. Il traduit en outre la souffrance et le désespoir du peuple africain réduit à l’esclavage et arraché à sa terre natale.
Le Ragtime, dont Maple Leaf Rag de Scott Joplin est un exemple connu (écouter), est né à La Nouvelle-Orléans (Louisiane) sous diverses influences dont le cake-walk (danse faussement guindée au cours de laquelle les esclaves noirs se moquaient des planteurs endimanchés au bal). Il s’est propagé grâce aux pianos mécaniques et à la diffusion des partitions. De l’anglais rag, « haillon, déchet », il se réfère au rythme éclaté et déchiré qui le caractérise. Nécessitant une grande virtuosité technique, les syncopes systématiques du ragtime ont apporté au jazz, après 1917, certains de ses rythmes. Quant à la musique européenne, elle en a également perçu la richesse chromatique et rythmique ; Achille Claude Debussy notamment s’en est inspiré pour écrire, entre autres, Golliwog’s Cake-walk, dans Children’s Corner (1908 : écouter la fin).
Ça ”swingue” donc c’est du jazz ?… Pas si simple ! Rappelons d’abord que le jazz est une musique issue des classes populaires : ce n’est pas le cas du ragtime. Son principal créateur, Scott Joplin, bien que né dans une famille modeste, a reçu une formation musicale des plus classiques. Sa musique est donc écrite et non improvisée sur des chants traditionnels en référence au blues. En fait, le ragtime, qui fut à son apogée entre 1895 et 1915, mélangeait la musique classique et les marches sur des rythmes syncopés. Il contribua néanmoins de façon déterminante à la naissance du jazz.
Bouillon de culture musical, la ville américaine de la Nouvelle-Orléans (sur le Mississippi) est considérée comme le berceau du jazz. La ville est peuplée essentiellement de noirs, d’Anglais et de Français. Les musiciens sont partout, au bord du lac pour les pique-niques, dans les rues pour les enterrements et les défilés, dans les salles pour les bals et les banquets, dans les églises pour les fêtes catholiques. La fanfare est dans la rue, toute la ville chante. Il y a un quartier où, de toutes les maisons sort de la musique, Storyville, quartier des bars et des salles de jeux. Les plus grands jazzmen sont passés à Storyville.
Les instruments phares de ce style New-Orleans sont la trompette ou le cornet, la clarinette et le trombone. Le répertoire est constitué de morceaux de Blues, de Spiritual et de Ragtime. Le tempo du Jazz New-Orleans est régulier avec de formidables accents à contre-temps (ça swingue) ; la mélodie est souvent désespérée, rageuse et frénétique, et si nostalgique… Les artistes ayant consacré ce style sont les premières grandes figures du jazz : Louis Armstrong, trompette (écouter Saint Louis Blues), King Oliver, cornet (écouter High Society Rag) et Jelly Roll Morton, piano (écouter Grandpa’s Spells).
Le style New-Orleans prend de l’ampleur à Chicago, avec la migration des musiciens du Sud vers le Nord. Le style Chicago Jazz (1924-1930) est très proche du "New-Orleans". La principale différence est qu’il est aussi pratiqué par des musiciens blancs.
Dans les années 1940, le ”REVIVAL” sera une relance du "Vieux style" sur la côte ouest des U.S.A. (notamment San Francisco) : voir West Coast Revival. Il remettra en selle de vieux musiciens comme Kid Ory. Beaucoup de groupes de Dixieland de cette période se contenteront d’imiter les orchestres des décennies précédentes, mais de plus jeunes musiciens essayeront de combiner les mélodies traditionnelles avec le rythme bebop naissant (par exemple Steve Lacy). On peut encore considérer que de nos jours ce style perdure, pratiqué par quelques groupes.
Le Stride (1920-1930) ne fait peut-être pas partie des grands courants jazzistiques, bien que son importance soit majeure. En effet, il ne concerne que les pianistes. Il est hérité du Ragtime, et est apparu à New York. Le jeu se caractérise par une main gauche très active. Les temps pairs, elle joue une basse et les temps impairs, elle joue dans les médiums. Les grands pianistes sont : Willie "The Lion" Smith et Fats Waller (écouter Carolina).
Ce n’est pas seulement pour ses qualités musicales que le jazz s’est si rapidement répandu à partir de son foyer d’origine. En novembre 1917, les autorités décident la fermeture de Storyville, quartier ”chaud” de La Nouvelle-Orléans, mais aussi lieu d’implantation des clubs. Petite cause, grands effets : de nombreux musiciens se retrouvent au chômage et se voient obligés de partir. Ils rejoignent les grandes vedettes déjà installées à Chicago, notamment le clarinettiste Sidney Bechet. À partir de là , popularisés par la radio et le disque naissant, ils vont essaimer partout et imposer un nouveau style : le Swing.
À cette période, le Jazz investit l’univers du spectacle et des dancings. L’idée est de favoriser la danse et le swing. C’est l’époque de l’euphorie rythmique (batteurs et bassistes). C’est ainsi qu’apparaissent les premiers Bigs Bands. On a de grands orchestres et de grands solistes. On oublie peu à peu les mesures à 2 temps pour évoluer vers des mesures à 4 temps.
Les principaux grands orchestres sont dirigés par Duke Ellington (écouter Take the ’A’ train) et Count Basie (écouter Jazz me blues). D’autres artistes caractérisent bien le style Swing, notamment : Lionel Hampton (écouter Muskrat Rumble) et Benny Goodman (écouter Tiger Rag).
Parmi les grands solistes, il faut citer le pianiste Art Tatum (écouter I Got Rhythm), le guitariste Django Reinhardt (écouter Minor Swing) ou des chanteuses comme Ella Fitzgerald (écouter It Don’t Mean A Thing)
Dans les années 1920, le jazz s’intègre à la culture américaine. Les stations de radio se multiplient, l’industrie du disque tourne à plein régime grâce aux ”78 tours”, les ballrooms (salles de danse) s’implantent partout. Dans le climat de crise économique consécutive au krach boursier de 1929, l’Amérique s’étourdit dans les clubs de jazz qui connaissent leur heure de gloire.
Le style swing semble triompher mais tout change en 1941 avec la Seconde Guerre mondiale : de nombreux musiciens sont appelés sous les drapeaux et les taxes s’abattent sur les spectacles, amorçant le déclin des bigs bands, tandis qu’une grève empêche tout enregistrement d’août 1942 à novembre 1944. D’insensibles et savants glissements musicaux se manifestent alors grâce à quelques novateurs, préfigurant ce qui est aujourd’hui considéré comme la première révolution du jazz au cours de la décennie suivante.
Une autre conséquence de la guerre est le renforcement de l’implantation du jazz en France (ainsi que du chewing gum !).
C’est probablement la plus grande évolution que le jazz ait connu depuis sa création. Le Bebop apparaît en réaction au "Middle Jazz" et au Show-Business. Certains artistes, à l’esprit contestataire, considèrent que le jazz est l’art du peuple noir et ils veulent lui rendre ses lettres de noblesse. Ils ne veulent plus être considérés comme des amuseurs, mais plutôt comme de véritables créateurs.
Musicalement, c’est une révolution. Le thème est désacralisé, au profit de l’improvisation. Harmoniquement, on utilise des accords nouveaux sur tous les degrés de la gamme et des harmonies dissonantes. Cela permet une plus grande possibilité d’improvisation. Mélodiquement, le jeu est beaucoup plus libre, et les accents rythmiques sont déplacés. Mais le fait marquant est l’apparition d’une très grande virtuosité et l’éclatement des parties rythmiques. En accompagnant étroitement la mélodie, le batteur et le bassiste deviennent des instrumentistes à part entière.
Les figures de proue de cette avant-garde sont : Charlie Parker, saxo (écouter Oh, Lady Be Good), Dizzy Gillespie, tompettte (écouter Anthropology), Bud Powell, piano (écouter Lullaby of Birdland), Thelonious Monk, piano (écouter Blue monk). Il faut aussi citer la personnalité très attachante du pianiste Erroll Garner (écouter Beguin The Beguine).
Cool (1949-1960) : alors que le "Bop" perd un peu de vigueur, de nouveaux musiciens apparaissent. Ce sont des musiciens blancs, émules de Charlie Parker et de Lester Young. Mais ils veulent une musique plus détendue et plus lisse. Ils rejettent totalement l’expressionnisme instrumental propre au Bop. Ce mouvement apparaît sur la côte Ouest des États-Unis. Pourtant, l’album marquant la naissance de ce mouvement ("Birth of the cool") est l’œuvre d’un musicien noir, Miles Davis (écouter Jeru, extrait de Birth Of The Cool). Autre grand artiste de cette période : le saxophoniste Stan Getz (écouter Desafinado).
Latin Jazz (1950-1963) : l’irruption de rythmes portoricains, cubains et brésiliens donne naissance à ce style. La Bossa Nova, qui naquit au Brésil dans les années 1950, peut aussi être rattachée au Latin Jazz. Ce rythme caractéristique est attribué à Antônio Carlos Jobim (écouter Aguas de Março). Stan Getz triompha lui aussi en popularisant cette musique.
Hard Bop (1954-1960) ou renouveau Bop. Ce mouvement se veut être en réaction au Cool jazz. Les artistes noirs se retrouvent à nouveau au devant de la scène. Comme son nom l’indique, c’est un "Bop" plus violent, les sonorités se durcissent. C’est un Jazz plus "funky", c’est-à -dire plus expressif. On fait appel aux racines : Blues et Gospel. Ici, la section rythmique à pour rôle d’installer un climat. Les artistes incarnant le mieux cette musique sont le batteur Art Blakey et ses Jazz Messengers (écouter Moanin) mais aussi… Thelonious Monk, Miles Davis et le pianiste Dave Brubeck, célèbre pour son Take Five (1959 : écouter).
Jazz Modal : ce mouvement est encore un tournant pour le Jazz actuel. Il se caractérise par l’apparition d’un nouveau lyrisme. Techniquement, les musiciens utilisent de nouveaux modes, ni vraiment majeurs, ni vraiment mineurs. Les gammes modales utilisées sont souvent issues de musiques proches de l’Orient. Ce style trouve son aboutissement avec un morceau comme So What, enregistré par ses créateurs : le pianiste Bill Evans, le saxophoniste John Coltrane et encore Miles Davis, toujours à l’avant-garde (écouter).
Free Jazz : C’est la remise en cause des fondamentaux, pour acquérir une liberté totale. Le Free Jazz rejette toutes les contraintes. Ce style a souvent été proche du mouvement noir (symbolisé par Martin Luther King), très présent dans les années soixante. Il veut dépasser le Jazz et l’art musical blanc. La musique éclate. L’un des grands créateurs de ce mouvement est Ornette Coleman, saxo (écouter Eventually). Sont également inclus dans les pionniers du free jazz Charles Mingus, basse, Eric Dolphy, saxo et flûte (écouter I’ll Remember April avec Charles Mingus), Archie Shepp, saxo (écouter New Africa) et Sun Ra, piano.
La fin des années soixante est l’occasion d’une réflexion sur l’évolution du jazz après les innovations apportées par le free jazz, que d’aucuns jugent dangereuses pour la pérennité du genre. Certains proclament même la mort du jazz, d’autant plus que le jeune public accorde ses préférences au rock et aux musiques populaires noires comme le rhythm and blues, la musique soul et le funk ; le grand public est désorienté et le jazz doit affronter l’une des plus graves crises d’identité de son histoire.
Curieusement, notons que cette crise intervient en même temps que celle de la musique ”classique”, après les expériences extrèmes de John Cage et de Pierre Boulez : voir le dossier Symphozik ”Où va la musique d’aujourd’hui ?”
À la fin des années soixante-dix, après la radicalité du Free Jazz, on va rechercher des sonorités plus aérées, et revenir donc à une musique plus acoustique. C’est l’objet du style Fusion, aussi appelé Jazz Rock. Cette musique naît du mélange du Jazz, du Rock et du Funk. Les instruments s’électrifient : guitare, clavier, basse et même les instruments à vent. Les grandes figures sont : le toujours créatif Miles Davis, mais aussi Chick Corea (écouter Blue Bossa) et Frank Zappa (écouter un extrait de l’album Apostrophe).
On peut également y rattacher une partie du rock progressif qui est typiquement une musique instrumentale. Citons notamment un groupe comme Pink Floyd (avec un titre comme Money en 1973 , écouter un extrait). Les morceaux sont généralement longs, avec de longues phases d’improvisation. Vers la fin des années 1970, une grande partie du mouvement jazz-fusion original se trouve dilué dans d’autres branches de jazz et de rock, tout spécialement le smooth jazz, notamment Led Zeppelin et sa chanson Kashmir (1975 : écouter). Le mélange de jazz et de musique pop/rock prend un tournant moins avant-gardiste et plus commercial, sous la forme de compositions aux sonorités plus douces et susceptibles de connaître une plus large diffusion, radiophonique. Mais peut-on encore parler de jazz ?
À nouveau des personnalités comme Marcel Dadi (écouter Walk Don’t Run) se tournent vers le passé, notamment le middle jazz des années trente et quarante et le be-bop. Cependant, d’autres musiciens continuent d’innover en confrontant la tradition afro-américaine avec d’autres styles, à l’image du pianiste Keith Jarrett dont le récital à Cologne est resté célèbre (écouter un extrait).
Aujourd’hui, on est bien loin du jazz des origines. Le genre est éclaté en de multiples ramifications, mais de différentes façons car les jeunes musiciens se sont dégagés de la seule référence afro-américaine et trouvent des langages spécifiques à partir de leur propre patrimoine culturel. Les amateurs trouvent leur bonheur dans les quelques clubs qui existent encore.
Mais c’est surtout dans les nombreux festivals (en France : Antibes-Juan-les-Pins, Châteauvallon, Marciac…) que le jazz prend toute sa place, se transformant en lieux de rencontres et d’expérimentations. Ils apportent un nouveau souffle à des musiciens comme le violoniste Jean-Luc Ponty (écouter un extrait de Music for electric violin), le contrebassiste Henri Texier, le batteur Daniel Humair ou le saxophoniste Michel Portal.
Quand le jazz arrive en Europe au début du XXe siècle, il ne manque pas de séduire les compositeurs « classiques », essentiellement par son rythme, sa couleur et son atmosphère.
Le 1er est Debussy qui s’en empare avec humour (écouter la fin de Golliwog’s cake-walk extrait des Children’s Corner, 1908). Par la suite, de plus en plus de compositeurs introduiront volontiers des rythmes syncopés dans leurs œuvres. Exemples : Ragtime pour 11 instruments de Stravinsky (1918 : écouter le début), La Création du monde de Milhaud (1923 : écouter un extrait), Rhapsody in Blue de Gershwin (1924 : écouter la fin du 1er mvt), Sonate pour violon et piano de Ravel (écouter la fin du Blues du 2nd mvt), etc.
L’importance du jazz est soulignée par Ravel, qui déclare en 1928 : « Vous, les Américains, prenez le jazz trop à la légère. Vous semblez y voir une musique de peu de valeur, vulgaire, éphémère. Alors qu’à mes yeux, c’est lui qui donnera naissance à la musique nationale des États-Unis. »
Si le « classique » a récupéré le jazz, à l’inverse, le jazz s’est approprié de nombreuses musiques classiques, au 1er rang desquelles figurent celles de J.-S. Bach. Notamment : Premier Prélude du Clavier bien tempéré (écouter la version Jacques Loussier puis celle des Swingle Singers).
Plus profondément, le jazz s’est musicalement toujours inspiré de l’harmonie classique (notamment Debussy et Stravinsky) pour enrichir sa palette d’accords : autrefois Miles Davies et Gil Evans dans un album comme Sketches of Spain par exemple (écouter un extrait où le Concerto d’Aranjuez sonne comme du blues). Et aujourd’hui, des musiciens comme le pianiste Keith Jarrett et le violoniste Jean-Luc Ponty (déjà cités) ne craignent pas de ”surfer” sur la fragile frontière entre le jazz et la musique classique pour continuer à entretenir le feu d’une musique qui n’a jamais cessé d’être rebelle.
En fait, cet échange entre jazz et classique n’est qu’un aspect des rapports qui ont toujours existé entre « musique classique » et « musique populaire » (voir le dossier Symphozik ”Musique classique et musique populaire”).