Ce dossier est tiré du mémoire de Madâme Sophie VIDALOT de l’Université de Lyon 3 Jean Moulin, "La nécessité de sauver l’enfance en danger : l’exemple de la colonie pénitentiaire et agricole d’Oullins et de Brignais (1835-1888)", que je vous invite à consulter si le sujet vous intéresse.
Le XIXe siècle voit la création de nombreuses colonies pénitentiaires en France. Il s’agit de lutter contre la délinquance juvénile, fléau qui connaît alors un essor particulier, en partie en raison de la mutation industrielle et démographique que connaît alors le pays. Quelques auteurs réfléchissent parallèlement sur la question de la prison et s’aperçoivent notamment que d’une part, la prison ne ramène pas les individus dans le droit chemin, et d’autre part qu’elle peut même avoir l’effet inverse : à l’époque, mineurs et majeurs partagent les mêmes cellules et les plus jeunes contractent rapidement les habitudes et vices des délinquants plus endurcis.
C’est à partir de là que les colonies agricoles pénitentiaires, souvent privées, voient le jour, tout d’abord à titre d’expérimentation. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement à la colonie d’Oullins, refuge fondé en 1835 par l’abbé Joseph Rey (1798-1874) et transformé en colonie pénitentiaire en 1849 suite à une convention passée avec le Ministère de l’Intérieur, qui la subventionne. Son but : assurer l’avenir des enfants recueillis par une éducation primaire et professionnelle. S’agissant d’une structure privée et gratuite, son fonctionnement est assuré grâce aux dons privéss et aux subventions publiques.
Dès mars 1850, la loi Falloux intègre la musique (plus exactement, le chant) dans le programme scolaire primaire facultatif, laissé à l’appréciation de l’enseignant, aux côtés de l’histoire, des sciences naturelles ou de la gymnastique.
À Oullins sont enseignées la musique vocale mais également la musique instrumentale, cours suivis par une cinquantaine de musiciens. L’organisation est de type militaire (organisation classique au sein de la colonie), avec un corps de musiciens composé de quatre classes que les élèves incorporent par voie d’examens. Les leçons sont dispensées gratuitement par des professeurs.
Dès 1853, la musique est réservée aux élèves parmi les plus méritants. Il s’agit de dispenser des leçons spécifiques à ceux dont le niveau d’instruction élémentaire est le plus avancé. Les cours de musique se déroulent principalement sur les temps de récréation, qui ont lieu trois fois par jour : avant le diner, après le diner et avant le souper. En été, la récréation est de trente minutes pendant le goûter.
La musique rythme ainsi les cérémonies religieuses, les cours d’exercices militaire et ceux de gymnastique. Mais elle est aussi jouée à l’occasion de fêtes des localités voisines. Toutefois, une autorisation préalable doit être requise pour pouvoir permettre aux enfants de jouer dans la rue, ce qui a été l’occasion d’un blâme pour la colonie lors d’une sortie sur Lyon.
Au sein de la colonie pénitentiaire d’Oullins, la musique fait partie des distractions ludo-éducatives devant permettre aux enfants non seulement de se distraire (l’apprentissage professionnel les occupe environ dix heures par jour, contre trois heures de classe) mais également de préparer leur réinsertion sociale. L’Abbé Rey défend ce choix malgré les critiques de l’administration :
« L’expérience m’a prouvé que tout en fournissant à nos élèves une distraction des plus innocentes et des plus agréables durant leur éducation correctionnelle, la musique leur offrait également cela quand ils étaient rendus à la liberté. Je dis plus, elle contribue à leur faire une position sociale ; car plusieurs de nos enfants ont été reçus dans des corps de musique civile ou militaire ».
Musique rime donc ici avec réinsertion. C’est d’ailleurs maintenant que j’y pense un peu l’idée développée dans le film Les Choristes (cette remarque ne sort pas du mémoire originel à la réputation duquel je m’en voudrais de nuire mais de ma propre imagination).