Note importante : les périodes définies ci-dessous ne sont qu’indicatives : l’histoire n’est pas linéaire, les chevauchements sont permanents.
Après les complications de l’Ars Nova, on revient vers un art plus simple et plus expressif. Jusqu’ici essentiellement consacrée à l’exaltation du divin, la musique savante s’humanise. Trois grandes formes polyphoniques vocales dominent : messe, motet et chanson profane. Les danses instrumentales sont de deux sortes : basses (lentes : écouter le Lamento de Tristan) et hautes (rapides : écouter une Rota).
Le XVe siècle est une de ces périodes où le contexte politique a fortement pesé sur le cours de la musique. Le conflit qui oppose l’Angleterre et la France, qu’on nomma guerre de cent ans, a des conséquences profondes. Dans un pays ravagé, la France perd la place essentielle qu’elle a si longtemps tenue, au profit de quelques compositeurs anglais qui, tout en tirant les bénéfices de l’Ars Nova, imposent leur goût pour un art plus simple et plus harmonieux. D’autre part, les foyers musicaux se déplacent vers les régions restées prospères et pacifiques : la Bourgogne et la Flandre.
Un grand musicien anglais, John Dunstable (c.1390-1453) suit son protecteur, le Duc de Bedford, qui est désigné régent du royaume de France. Son œuvre s’éloigne de l’Ars Nova par sa polyphonie équilibrée et sa grande souplesse mélodique (écouter le motet Quam pulchra es). Son épitaphe précise qu’il était "prince de la musique, mathématicien et astronome". Il influencera à son tour l’école franco-flamande.
Les Ducs de Bourgogne (1364-1477) se tiennent à l’écart du conflit France-Angleterre (guerre de cent ans). À leur cour, la plus riche et la plus brillante d’Europe, affluent de nombreux musiciens. Pour les fêtes et les réjouissances de leurs mécènes, ils composent de nombreuses œuvres profanes d’un caractère raffiné et galant. Les plus célèbres sont Gilles Binchois (c.1400-1460 : écouter Filles à marier) et Guillaume Dufay (1400-1474 : écouter le Kyrie de la messe «L’homme Armé»).
Outre la Bourgogne, les Ducs gouvernent aussi la Flandre mais un esprit tout différent y règne. Elle a donné naissance à l’importante école franco‑flamande composée de musiciens formés dans les maîtrises des cathédrales. Les œuvres de ces musiciens sont donc surtout religieuses, d’un caractère sérieux mais chaleureux, d’une écriture stricte mais expressive. Le plus célèbre est Josquin Des Prés (c.1450-1521), surnommé en son temps « le prince de la musique ». Luther écrivit à son sujet : « Il maîtrisait les notes quand les notes maîtrisaient les autres » : écouter les chansons Mille regrets et Petite camusette.
Plus d’infos : École Franco-Flamande
Peut-on caractériser la musique de chaque grande nation européenne ? Le projet semble bien hasardeux. Pourtant, quels que soient le style et la période, il semble que chez tous les compositeurs d’un même pays, un héritage culturel commun ait déterminé quelques grands traits qui caractérisent leur musique : la clarté, l’élégance et le raffinement en France ; la lumière et le lyrisme du bel canto en Italie ; la profondeur, l’énergie et le goût pour la forme en Allemagne ; un côté mozarabe, guitare et flamenco en Espagne ; etc.
Rien de tel en Angleterre où les grandes figures sont rares : Dunstable au XVe (mais il a fait toute sa carrière en France), William Byrd au XVIe, Henry Purcell au XVIIe (mais c’est un météore isolé), Georg Friedrich Haendel au XVIIIe (mais il est d’origine allemande et formé en Italie), aucun classique, aucun romantique ni postromantique célèbre… et il faut attendre Benjamin Britten au XXe pour trouver un créateur de dimension internationale. Pourtant, la vie musicale a toujours été active à Londres. Mais le goût des mélomanes anglais se tournait plutôt du côté de l’Italie et de la France. En fait, ce sont des compositeurs étrangers, comme Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847) ou Achille Claude Debussy (1862-1918), qui ont su le mieux exploiter les vieux airs écossais ou irlandais : écouter le début du mvt n°2 de la Symphonie écossaise de Mendelssohn et écouter le début de la Marche écossaise de Debussy.
Force est donc bien de reconnaître qu’il n’existe pas de musique classique typiquement anglaise, malgré un folklore très reconnaissable (écouter un arrangement de Vaughan Williams) et quelques personnalités remarquables (comme Thomas Tallis et Byrd au XVIe, Purcell au XVIIe, Britten, Frederick Delius ou Gustav Holst au XXe). Parmi elles, Edward Elgar (exemple : Pomp and circumstance, 1901, écouter la Marche n°1) juge ainsi la musique de son pays : « L’esprit banal ne pourra jamais être que banal. Un Anglais vous emmènera dans une grande pièce blanche — toute blanche — et quelqu’un dira ”quel goût exquis”. Vous savez que ce n’est pas du tout du goût, que c’est le désir de goût. La musique anglaise est blanche. »
Le XVIe est une période pleine de contradictions.
D’une part le mouvement de la Renaissance crée une ambiance propice aux arts. Dans toute l’Europe, de nombreux mécènes se disputent les meilleurs créateurs. Les villes s’embellissent, on tente de ressusciter l’Antiquité pour atteindre un idéal d’équilibre et de beauté.
Mais d’autre part, la lutte pour le pouvoir débouche sur des guerres sanglantes. Notamment le moine Luther conteste la suprématie du Pape. En 1517, il lance en Allemagne le mouvement de la Réforme qui prône le retour à la simplicité et à l’austérité des débuts du christianisme. C’est la source du confit entre catholiques et protestants.
Chez le même individu, donc, se trouvent souvent mêlés, d’un côté le culte de la beauté, de la raison et de la connaissance, de l’autre le dérèglement de la violence, de la passion, de l’indiscipline.
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Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que naissent des personnalités aussi contrastées que Luther, Janequin, Palestrina, Lassus, Gabrieli ou Gesualdo.
- Martin Luther (1483-1546) : moine à l’origine de la Réforme prostante ; il écrit des psaumes et des chorals à une ou deux voix en langue vulgaire, bien adaptés à la simplicité des offices protestants (écouter le choral Ein’Feste Burg).
- Clément Janequin (1485-1558) : ses chansons pleines de malice et de tendresse sont célèbres à son époque (écouter Il était une fillette puis Toutes les nuits) ; avec ses vastes fresques comme La Bataille de Marignan, La Chasse ou Le Chant des Oiseaux (écouter un extrait), il invente l’idée de musique descriptive. Voir aussi sur Symphozik : La musique à programme et Les animaux dans la musique.
- Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594) : il vient au secours de la polyphonie religieuse a cappella (écouter le motet «O bone Jésu») ; en effet, face aux critiques du clergé catholique qui s’élève contre les complications auxquelles avait abouti le contrepoint et réclame une plus claire compréhension des paroles (voire le retour à la simplicité du plain-chant), il écrit une musique plus homophone (mais que fait la Manif pour tous ?), aérée et harmonieuse qui sera considérée comme un modèle jusqu’au XIXe siècle.
- Roland de Lassus (1532-1594) : il fait une carrière internationale ; son abondante production s’exerce dans tous les styles, passant sans transition de la rêverie au burlesque ou à l’austérité (écouter Bonjour mon cœur, puis Matona mia cara et enfin le motet Domine convertere).
- Giovanni Gabrieli (1555-1612) : répartissant chœurs et instruments dans l’espace de la nef de Saint-Marc de Venise, il plonge les auditeurs dans un bain sonore grandiose et mystérieux : écouter In te domine speravi.
- Carlo Gesualdo (1566-1613) : tenaillé par une noire mélancolie, il laisse près de 150 madrigaux (écouter Io parto) qui nous étonnent par leurs audaces harmoniques, leur chromatisme lancinant et leurs dissonances inattendues qui appartiennent déjà au baroque.
Outre Janequin et Lassus, l’école française est particulièrement riche. Pour preuves, ces chansons qui font le bonheur des chorales amateures :
- Claudin de Sermisy (1490-1562) : écouter Tant que vivray ;
- Pierre Passereau (v. 1500-1547) : écouter Il est bel et bon ;
- Thoinot Arbeau (1520-1595 : anagramme de JehanTabourot : pavane Belle qui tient ma vie (vers 1580 : écouter) ;
- Guillaume Costeley (v. 1530-1606) : écouter Mignonne allons voir si la rose.
La musique apparaît donc comme un divertissement raffiné, un plaisir de l’oreille et de l’intelligence, non plus seulement dédiée à Dieu, mais aussi faite pour le ravissement des hommes. Dans les classes aisées, il est obligatoire de savoir chanter ou jouer d’un instrument.
Héritage des périodes précédentes, c’est la polyphonie vocale a cappella qui triomphe : chansons en France, madrigaux en Italie et, partout, messes et motets. Mais avec le perfectionnement des instruments (orgue, clavecin, luth, violes), une musique purement instrumentale commence à se développer.
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Depuis le XVe siècle, les chapelles royales et seigneuriales comportent des instrumentistes. Si le mécène est fortuné, c’est un véritable petit orchestre qui agrémente les divertissements, réceptions, banquets, bals et autres fêtes. La danse est la forme instrumentale la plus répandue. Il en existe une grande variété :
- lentes : pavane (écouter un exemple anonyme), sarabande
- modérées : bourrée, tourdion (écouter Quand je bois du vin clairet de Pierre Attaingnant).
- vives : gaillarde, branle, courante, gigue (écouter Gaillarde pour le Roi du Danemark de John Dowland)
Dans les divertissements, on les groupe en faisant alterner les lentes et les rapides. Ainsi naît la suite de danses, qui est à l’origine de toutes les grandes formes instrumentales ultérieures : sonate, concerto, symphonie.
Plus d’infos : Danses de la Renaissance
D’autre part, depuis le Moyen Âge, les instruments se sont perfectionnés : leur sonorité est plus riche, leur tessiture plus étendue. Les préférés des compositeurs et des amateurs sont :
- l’orgue, qui comporte alors trois claviers : écouter Tiento de Cabezon (1510-1568). Placé à la tribune des églises, il prélude aux pièces vocales et accompagne les principaux moments de l’office.
- le clavecin, qui naît à la fin du XVIe siècle. Sous le nom d’épinette en France et de virginal en Angleterre, il connaît une grande vogue notamment avec William Byrd (1543-1623) : Gaillarde à 6.
- le luth, qui est l’instrument le plus répandu dans la société raffinée. Pour lui, on arrange des pièces polyphoniques ou populaires et des danses.
Ainsi, au XVIe siècle, avec les premiers instruments solistes, les premiers orchestres, les premières formes, la musique instrumentale est devenue un genre indépendant dont les compositeurs useront de plus en plus.
Dès la fin du XVIe siècle, de grandes nouveautés se préparent. Quelques musiciens et érudits tentent de recréer la musique de l’Antiquité. Croyant que la poésie grecque se chantait en solo, ils donnent toute l’importance à la voix supérieure de la polyphonie, les autres n’ayant qu’un rôle d’accompagnement, le plus souvent instrumental. De cette transformation de la polyphonie en "monodie accompagnée » naît un nouveau style, plus simple et plus expressif, qui remplacera peu à peu le style polyphonique, complexe et décoratif.
À l’occasion des réjouissances, on représente des spectacles inspirés de la mythologie antique où le chant et la danse tiennent une place importante ; c’est le ballet de cour français et la pastorale italienne, genres qui préfigurent les grandes formes vocales du XVIIe siècle : la cantate, l’oratorio et surtout l’opéra. De même, la suite de danses annonce les grandes formes instrumentales : la sonate, le concerto et la symphonie.
La voie est préparée pour une nouvelle musique.
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Pour une introduction à l’histoire de la musique, voir aussi ces sites :
- excellent : http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire de la musique classique occidentale
- très complet : http://www.ars-classical.com/hist-de-la-musique.html
- des origines au romantisme : http://classic-intro.net/introductionalamusique.html (nombreuses illustrations musicales)