Friedrich Wieck, père de Clara Schumann, fut un professeur de piano extrêmement renommé de son temps. Mais il est aussi connu pour le refus borné qu’il opposera à l’union de sa fille Clara, pianiste virtuose formée par ses soins, avec son (autre) élève Robert Schumann. Le père de la jeune amoureuse craignait en effet qu’un mariage avec un compositeur sans fortune ni rang social ne nuise à sa carrière de virtuose. Récapitulatif de l’affaire offert par le service juridique de Symphozik.
Les deux tourtereaux se rencontrent donc en cachette et communiquent par lettres. En raison de l’âge de Clara, le consentement de son père pour le mariage était requis, et Friedrich le refuse évidemment. Il faut donc aller en justice pour tenter d’obtenir la permission de se marier sans le consentement paternel. Usant de chaque possibilité de contrecarrer l’union, l’inflexible père menace de déshériter Clara et de faire durer les procédures judiciaires pour des années. De même, il refuse les tentatives de négociation de l’avocat de Schumann en 1839, et va jusqu’à menacer Robert de lui tirer dessus !
Le 16 juillet, Schumann porte plainte contre Wieck. La cour arrange donc une entrevue entre les trois protagonistes, mais au jour convenu, Friedrich ne se montre pas, prétextant une surcharge de travail. Il tente par la suite de conclure un arrangement avec la cour, se montrant très gourmand dans ses exigences : en échange de son consentement au mariage, il exige de Clara qu’elle abandonne les gains de ses sept années de concert passées à ses frères, et de lui payer 1000 thalers (une somme conséquente, et pour le fun je vous fais un calcul un peu simpliste et peut-être pas exact : un thaler fait environ 23 grammes d’argent, donc 1000 thalers représentent environ 23 kilos d’argent, soit au cours d’aujourd’hui près de 10000 euros) pour qu’il lui restitue son piano et autres effets personnels restés à la maison familiale. Il exige également de Robert qu’il provisionne 8000 thalers (une somme encore plus conséquente…) pour Clara au cas où le mariage finissait mal.
La justice rejette ces demandes démesurées et deux nouvelles entrevues sont fixées. En décembre, Wieck tente un nouveau coup : il accuse Schumann d’être un buveur invétéré et incapable de soutenir une épouse, qu’il ne parle ni n’écrit intelligiblement, qu’il est paresseux, pas fiable et vaniteux, qu’il est un compositeur médiocre dont la musique est presque impossible à exécuter, qu’il est en incompétent, enfantin, bref qu’il est enfin une cause complètement perdue au niveau social. Pour tenter d’appuyer ses allégations, il cite certains passages de lettres échangées entre Clara et Robert, dérobées à cette dernière. Pire encore, lorsque Clara se rend à Hambourg ou à Berlin pour donner un concert prévu de longue date, elle se rend compte en arrivant que son père a par lettres mis en garde les organisateurs sur le « jeu déclinant » de sa fille…À la place de cette dernière, jouant sur la corde émotionnelle, il promeut une rivale : Camille Pleyel.
En juillet 1840, soit après un an de procédures diverses, la cour se prononce contre Wieck et donne le consentement de la justice au mariage. Schumann poursuit ensuite son futur beau-père en diffamation et le fait condamner au versement de dommages-intérêts ainsi qu’à 18 jours de prison (on n’est pas sûr qu’il exécuta réellement cette dernière peine).
Clara et Robert se marient le 12 septembre 1840. Après des mois de conflit, Friedrich est finalement forcé par la justice à rendre son piano à Clara.
Finalement, après être devenu grand-père en 1843, et constatant la réputation croissante de Robert en tant que compositeur, Friedrich se lance sur la voie de la réconciliation, fort bien accueilli par Clara (un peu moins par Robert, mais est-ce une surprise ?).
En 1844, Wieck deviendra de nouveau l’agent de carrière de sa fille aînée, avant de devenir principalement le promoteur de sa sœur Marie, ainsi que de la cantatrice Minna « Schulz-Wieck », qu’il n’hésite pas à présenter (à tort) comme sa fille.