Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Wieck
Vous connaissez peut-être Friedrich Wieck comme le père de Clara Schumann et le professeur de piano de Robert Schumann, qui s’opposa avec tant de véhémence au mariage de ses deux protégés. Mais connaissez-vous vraiment la vie de celui que Frédéric Chopin qualifiera d’"Allemand borné" ?
Johann Gottlob Friedrich Wieck est né le 18 août 1785 à Pretzsch, non loin de Leipzig (Allemagne). Il est le fils d’un commerçant peu fortuné, mais bien que sa famille ne soit pas particulièrement musicienne, il se passionne rapidement pour la musique.
Ainsi, en 1798, il intègre la Thomas-Schule de Leipzig, réputée pour sa formation artistique (elle a vu passer de nombreux noms célèbres, à commencer par Carl Philipp Emanuel Bach et Richard Wagner). Malheureusement, il doit la quitter six semaines après pour raisons de santé. En 1800, il est au collège de Torgau, où il suit à l’insu de ses parents ce qui sera son unique cours de piano officiel : six heures de leçons auprès de Johann Peter Milchmeyer. Il n’est donc pas abreuvé de musique et devra plus tard parfaire ses connaissances, notamment sur le plan pédagogique, en lisant Jean-Jacques Rousseau (qu’on ne présente plus) et d’autres pédagogues influencés par ce dernier : Johann Heinrich Pestalozzi (pionnier de la pédagogie moderne) ou encore Johann Bernhard Basedow.
Obéissant à ses parents, Friedrich Wieck étudie la théologie à l’Université de Wittenberg, se préparant à entrer dans les ordres, mais abandonne finalement l’idée malgré une scolarité réussie en 1803. S’orientant vers la pédagogie, qui allait le rendre célèbre, il passe les neuf années suivantes comme professeur particulier pour de riches familles en Thuringe. Chez Christian Adolph von Seckendorff (une des riches familles, si ce n’était pas évident), il rencontre et sympathise avec un professeur de musique et violoniste, Adolph Bargiel.
En 1815, il envoie quelques compositions de sa plume (on ignore où et quand il étudia la composition) à Carl Maria von Weber, qui sont publiées et dont on parle dans le Allgemeine musikalische Zeitung (revue musicale). Encouragé par les critiques positives de Weber, Wieck s’installe à Leipzig où, en plus d’être professeur de piano, il vend et loue différents instruments, partitions (parfois à Wagner à lui-même) et revues. Voyageant régulièrement à Vienne pour le business (il devient ami avec les fabricants de piano Conrad Graf and Andreas Stein), il correspond avec Carl Czerny et en profite même pour rendre visite à Ludwig van Beethoven à Hetzendorf, en juillet 1823.
On l’a vu, Wieck entretenait en général de bonnes relations avec ses contemporains. Mais quand il publia dans la revue allemande Caecilia une critique très enthousiaste sur les Variations sur Là ci darem la mano pour piano et orchestre de Chopin, ce dernier la trouva tellement « mielleuse et embarrassante » que, refusant de « sacrifier son intégrité musicale à cause de l’imagination d’un Allemand borné » (selon une lettre à un ami), il empêcha la publication de la critique en France !
Friedrich Wieck devient au cours de sa carrière l’un des professeurs de piano les plus en vue de son temps. Felix Mendelssohn-Bartholdy lui-même soutient sa candidature pour un poste de professeur de piano au Conservatoire de Leipzig, même si c’est finalement Ignaz Moscheles qui l’obtiendra. Parmi ses élèves, on trouve bien sûr sa fille Clara, R. Schumann (à partir d’août 1828), futur gendre de Wieck, ou encore Hans Guido von Bülow.
Sa méthode d’enseignement décrite dans son ouvrage Piano et Chanson : comment enseigner, comment apprendre, comment juger les performances musicales ? se veut progressive : flexible et donnant toute sa place aux individualités des élèves pour leur faire connaître le plaisir de faire de la musique, plutôt que de les soumettre à une discipline rugueuse et à des exercices monotones. Bien que ses cours incluent des exercices d’assouplissement des doigts, il veille à limiter leur durée afin de ne pas fatiguer excessivement l’étudiant (n’est-ce pas, Robert ?), et insiste même sur la nécessité d’effectuer de longues promenades au grand air !
La réalité pourrait toutefois ne pas avoir été aussi idyllique. Dans ses écrits, Schumann raconte avoir assisté à une scène de colère de Wieck, envers son fils Alwyn (alors âgé de neuf ans) et coupable d’avoir mal joué du violon, le père tirant les cheveux du garçon et lui criant dessus : « misérable ! coquin ! est-ce ainsi que vous essayez de plaire à votre père ? ». Clara, assistant à la scène, serait restée de marbre, poussant Schumann à se demander s’il était bien "parmi des êtres humains" (un jugement qui n’a pas dû durer trop longtemps, au moins concernant sa future épouse…).
En 1817, Wieck épouse la chanteuse Marianne Tromlitz (1797-1872), sa première élève au piano, petite-fille du flûtiste virtuose Johann Georg Tromlitz mais surtout chanteuse réputée à Leipzig, où elle se produit régulièrement au Gewandhaus : ce mariage améliore la condition sociale de Friedrich. De cette union naissent cinq enfants : Adelheid (morte en bas âge), Clara (future grande pianiste, dont on reparlera…), Alwin, Gustav et Viktor. À la naissance de ce dernier, les parents se sont cependant séparés depuis peu : le tempérament inflexible de Friedrich et une liaison adultère de sa femme avec l’ami Bargiel conduisent le couple au divorce en 1824.
En 1828, le pédagogue épouse la jeune Clementine Fechner (1805-1893 ; 20 ans plus jeune que lui). Parmi les trois enfants qu’ils auront, Marie deviendra pianiste, sans atteindre toutefois la renommée de sa sœur aînée.
Friedrich Wieck, désireux de devenir un père d’enfant prodige comme un Leopold Mozart ou un Johann von Beethoven, applique ses méthodes d’enseignement à sa fille Clara, née en 1819. Chaque jour, celle qui deviendra la plus célèbre de ses élèves reçoit une heure de cours de musique (piano, violon, chant, théorie, harmonie, composition et contrepoint) et joue deux heures d’un instrument. Son père l’accompagne dans des tournées européennes couronnées de succès. En son absence, c’est Clementine qui s’occupe de la maison et de gérer les affaires. En 1828, Clara se voit offrir par son père un piano Stein, qui figurera plus tard avec elle sur les billets de 100 Deutsch Mark allemands.
Friedrich Wieck est aussi connu pour l’opposition qu’il démontre envers l’union de sa fille Clara avec son (autre) élève Schumann. Le père de la jeune amoureuse craint en effet qu’un mariage avec un compositeur sans fortune ou rang social ne nuise à sa carrière de virtuose, et il va même jusqu’à diffamer Robert et à le menacer de lui tirer dessus !
Pour plus d’informations, consultez : Opposition de Friedrich Wieck au mariage de sa fille Clara avec Schumann
Finalement, la justice se prononce contre Wieck et Clara épouse Robert le 12 septembre 1840.
Vers 1840, Wieck s’installe à Dresde. Il étudie encore auprès de John Miksh afin d’étendre son travail pédagogique au chant (parmi ses élèves les plus talentueuses, citons Minna Schulz, qu’il considère comme sa fille adoptive et qu’il fera même passer à des fins promotionnelles pour sa véritable fille). Il meurt à Loschwitz (de nos jours quartier de Dresde) le 6 octobre 1873.
Malgré tout, Clara lui restera toujours reconnaissante et le défendra contre les "critiques injustes", convaincue qu’il ne bénéficia jamais de la reconnaissance à laquelle il aurait eu droit.