Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Bach
Entre la prodigieuse floraison du baroque tardif (Antonio Vivaldi, Jean-Philippe Rameau, Johann Sebastian Bach, Georg Friedrich Haendel, etc.) et le miracle d’équilibre du classicisme (Joseph Haydn, Wolfgang Mozart), s’insère une période de profonde évolution du goût et du style.
C’est dans cette mutation, déjà en germe chez Haendel et Georg Philipp Telemann, que s’inscrivent les fils de Jean Sébastien Bach, et notamment Carl Philipp Emanuel, surnommé le Bach de Berlin et de Hambourg, villes où il a surtout travaillé.
Né à Weimar le 8 mars 1714, Carl Philipp Emanuel Bach est le deuxième fils survivant du prestigieux Johann Sebastian Bach. Il est donc initié très tôt à la musique, joue en virtuose du clavecin dès son enfance, mais suit cependant des études de droit à Leipzig (1734 à 1738), associées bien sûr à la composition.
En 1738, le prince Frédéric de Prusse propose à CPE de faire partie de sa cour en tant que claveciniste. Mais le musicien n’y est pas assez estimé et subit en outre la jalousie de ses collègues (entre autres, Johann Joachim Quantz, professeur de flûte de sa Majesté). Il restera tout de même plus de 30 ans à cette place.
En 1744, après une période de traitement médical en Bohême, il épouse Johanna Maria Dannemann qui lui donnera trois enfants, tous sans descendance. En 1749, il compose un Magnificat (écouter le début) proche, dans son style, des œuvres de son père (qui mourra quelques mois plus tard). Il hérite d’une partie importante des partitions de son père et des membres plus anciens de la famille ; il veillera avec un soin respectueux sur ces précieux documents qui par bonheur parviendront jusqu’à nous. En outre, il recueille son demi-frère Johann Christian.
Mais il se lasse de la cour où il est peu considéré. Il essaiera donc de se placer à Zittau, puis à Leipzig, mais en vain. Enfin, en 1768, un an après la mort de Georg Philipp Telemann (son parrain), il quitte son employeur trop ladre à son goût (le musicien n’est pas sous-payé, mais le monarque avait refusé de lui rembourser les dommages de la guerre de Sept ans) et il est nommé Director Musices de Hambourg. Il dirige également la musique des cinq principales églises de la ville. La tâche s’avère très lourde... Il parvient cependant à donner une puissante impulsion à la vie musicale de Hambourg. Il expérimente de nouvelles manières de faire de la musique avec le début des concerts publics (à l’exemple de Telemann). Il fait jouer, outre sa musique (écouter un extrait du Concerto clavecin-cordes WQ 29), celle de son père et de Haendel, révèle Haydn et d’autres contemporains. Comme à Berlin, sa maison est le rendez-vous des poètes et des musiciens.
Carl Philipp Emanuel meurt à Hambourg d’un malaise aigu à la poitrine le 14 décembre 1788.
Hostile au style galant, Carl Philipp Emanuel élabore un langage personnel marqué par une grande sensibilité émotive. Il aime les contrastes, les dissonances incisives, les points d’orgue dramatiques, les silences inattendus, les altérations du tempo, les brusques passages du majeur au mineur. Il renouvelle notamment le genre de la Fantaisie (écouter le début de la Fantaisie WQ 67) où, au-delà d’une brillante improvisation, il exprime librement ses humeurs et ses sentiments.
Mais il ne sera jamais un « classique » si par classicisme on entend équilibre, mesure, synthèse harmonieuse de forces opposées. Il est, comme ses frères et son contemporain exact Glück, un représentant typique de cette génération de 1750-1775 qui, avant l’essor définitif du classicisme cultive une manière très individuelle qui se traduit chez lui par de brusques modulations dramatiques, des rythmes imprévus et largement syncopés. Il est donc la personnalité la plus représentative du style Empfindsamkeit, « terme allemand signifiant ”sensibilité” et s’appliquant à un courant musical du XVIIIe siècle en réaction contre l’Aufklärung et sa conception rationaliste ; […] à la science des maîtres du début du siècle, il oppose la liberté de l’inspiration et donc la libération de la forme. » (Encyclopedia Universalis).
Le premier, il note des indications de nuances sur ses partitions (noamment ses Fantaisies et ses Sonates (écouter le début de la WQ 59), ce qui le conduit à préférer l’emploi du clavicorde et du pianoforte à celui du clavecin). Il a contribué plus qu’aucun autre à remplacer l’ancienne coupe binaire de la sonate par une coupe ternaire : exposition à deux thèmes contrastés, développement thématique, ré-exposition (voir forme sonate).
Il laisse une production très abondante, ainsi qu’un Essai sur la véritable manière de jouer des instruments à clavier, publié en 1753. Cet important traité est un guide précieux pour la pratique de la musique de l’époque, concernant notamment l’ornementation, l’interprétation, l’accompagnement et l’improvisation.
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Haydn, lorsqu’il eut la révélation de ses sonates (écouter le début de la WQ 62 n°19 en sol majeur), écrivit : « Je ne quittai pas mon clavier avant de les avoir toutes jouées. Celui qui me connaît bien trouvera que j’ai de grandes obligations envers Emmanuel Bach, que j’ai saisi son style et que je l’ai étudié avec soin. »
Mozart de même déclara : « Emmanuel Bach est le maître, nous sommes les écoliers ; si l’un d’entre nous a fait quelque chose de bien, c’est de lui qu’il l’a appris. »
Et Ludwig van Beethoven demanda plusieurs fois à son éditeur de lui envoyer des œuvres de Carl Philipp Emanuel.