L’inspiration est naturellement essentielle pour un artiste : sans elle, pas d’art. La légende dit que les fameuses « Trilles du Diable » de Giuseppe Tartini lui auraient été dictées par le Malin en personne, lors d’un rêve halluciné. Mais tous les compositeurs n’eurent pas la chance d’avoir comme Tartini des inspirations surnaturelles, aussi pour conjurer les démons (diable !) de la page blanche, il leur fallait parfois emprunter un sujet à la littérature.
Et disons le tout de suite, certaines histoires inspirent plus que d’autres… Ainsi le personnage d’Armida (issu du roman La Jérusalem délivrée du Tasse) n’inspira pas moins de neuf compositeurs ! Il est vrai que cette sorcière manipulatrice, qui intrigue auprès des croisés venus libérer Jérusalem, est un personnage intéressant. On la retrouve dans Armide de Jean-Baptiste Lully, une autre Armide de Christoph Willlibald Gluck cette fois, Armida al campo d’Egitto d’Antonio Vivaldi, ainsi que chez Gioacchino Antonio Rossini dans l’opéra Armida (l’une de ses rares tragédies, peu montée : l’œuvre exige en effet une extraordinaire virtuosité vocale de la part de la soprano colorature jouant le rôle titre. Et cette héroïne belle et ensorceleuse n’est entourée que d’hommes : sept rôles de ténors !). Moins connus sont les ouvrages de Joseph Haydn, Jommelli, Antonio Salieri et Antonin Dvorak, dernier en date (1904). Depuis, l’histoire doit être passée de mode… Mais nous n’en avons pas encore fini avec : elle se cache chez Georg Friedrich Haendel sous un autre nom, et c’est peut-être l’œuvre la plus célèbre de toutes celles inspirées d’Armida : Rinaldo, qui n’est autre que l’amant de la belle sorcière (mais l’histoire tourne mal, enfin chut on ne vous dira pas la fin). Haendel était visiblement doublement inspiré par l’histoire, car il composa encore une cantate Armida abbandonata (HWV 105) !
Un autre exemple ? Pelléas et Mélisande, le drame de l’écrivain belge Maurice Maeterlinck, inspira lui aussi plusieurs œuvres. L’unique opéra d’Achille Claude Debussy est la plus célèbre. Jean Julius Christian Sibelius composa quand à lui une musique de scène sur le thème, tout comme Gabriel Fauré. Arnold Schoenberg se fendit, lui, d’un poème symphonique homonyme.
Que dire encore des œuvres inspirées par Shakespeare, indénombrables.
Tous les compositeurs ne s’embêtent pas autant cependant pour trouver matière à une composition. Ainsi un jour l’imprudent Debussy conseillait à son ami Erik Satie : « Prenez garde à la forme, Erik, la forme ! ». Pour toute réponse, l’iconoclaste Satie écrivit l’une de ses plus belles pièces pour piano : Trois morceaux en forme de poire. Pourquoi pas, après tout ?