Dans le jazz, on appelle standard un thème connu souvent repris et arrangé par de nombreux musiciens. Dans le classique cette pratique existe depuis toujours. Voici les exemples les plus connus :
L’Homme armé (écouter l’adaptation de Robert Morton, 1463) est une chanson française de la Renaissance souvent réutilisée pour mettre en musique l’ordinaire de la messe. Citons : Guillaume Dufay (écouter le Kyrie de la Messe «L’homme Armé»), Johannes Ockeghem, Josquin des Prés, Giovanni Pierluigi da Palestrina, etc.
La Folia ou Folies d’Espagne est l’un des plus anciens thèmes musicaux européens. Plus de 150 compositeurs l’ont utilisé dans leurs œuvres, de Jean-Baptiste Lully à Vangelis. D’Arcangelo Corelli, écouter quelques variations, puis de Matthias Maute les cocasses How I love Follia.
Le Dies Irae est une séquence grégorienne peignant la colère de Dieu au jour du Jugement Dernier (écouter la séquence grégorienne). Le thème a été utilisé à de multiples reprises pour son caractère funèbre et menaçant. Quelques exemples : Hector Berlioz dans le 5ème mouvement de sa Symphonie fantastique (1830 : écouter un extrait), Franz Liszt dans sa Totentanz (1849), Camille Saint-Saëns et Antonin Dvorak dans leur Requiem (1878 et 1891), Sergueï Rachmaninov dans sa Rhapsodie sur un thème de Paganini (1934 : écouter l’extrait), Arthur Honegger dans sa Danse des morts (1938 : écouter Le réveil des Morts : le Dies irae retentit à la fin).
B.A.C.H. : de nombreux compositeurs ont rendu hommage à Johann Sebastian Bach en utilisant comme motif les 4 notes correspondant aux 4 lettres de son nom (sib-la-do-si bécarre). Quelques exemples : Robert Schumann, Six Fugues sur le nom de Bach (1845) ; Liszt, Fantaisie et Fugue sur B.A.C.H. (écouter le début) ; Honegger, Prélude, arioso et fughetta sur le nom de Bach, pour cordes (1922) ; Francis Poulenc, Valse improvisation pour piano (1932 : écouter) ; Arvo Pärt, Collage sur B.A.C.H. pour petit ensemble de chambre (1964).
24ème Caprice de Niccolò Paganini : les 24 Caprices pour violon seul de Paganini, et surtout le n° 24 (écouter) furent une source intense d’inspiration et de transcription pour les compositeurs des XIXe et XXe siècles. Quelques exemples : Schumann, Études d’après les Caprices de Paganini (1832) ; Liszt, Six Grandes Études de Paganini pour piano solo (1851) ; Johannes Brahms, Variations sur un thème de Paganini (1863) ; Rachmaninov, Rhapsodie sur un thème de Paganini (1934 : écouter le début) ; Witold LutosÅ‚awski, les spectaculaires Variations pour 2 pianos (1941 : écouter le début).
C’est durant la période baroque (1600-1750) que le système tonal se stabilise. Jean-Sébastien Bach nous en offre un magnifique exemple avec son Prélude n° 1 en do majeur du Clavier bien tempéré : cette pièce est entièrement composée d’accords arpégés pour la plupart "parfaits" (écouter et lire une analyse). À la fin du XVIIIe siècle, pendant la période dite « classique », l’accord parfait majeur triomphe partout. Joseph Haydn construit des thèmes entiers sur lui, notamment dans le deuxième mouvement en ut majeur de sa Symphonie n° 94, « La Surprise » (1791 : écouter). Wolfgang Mozart fait de même au début de sa Petite musique de nuit K. 525 (1787) qui est construit sur un accord parfait de sol majeur (écouter). On peut aussi citer l’accord parfait de do majeur au début de son Concerto pour flûte et harpe, K. 299 (1778 : écouter). Ludwig von Beethoven commence lui aussi sa 3e symphonie, dite « Héroïque », par un accord parfait de mi bémol majeur, mais il a tôt fait de moduler (1804 : écouter). Dans les périodes suivantes, le système tonal perd peu à peu sa prééminence au profit d’une écriture plus chromatique. L’accord parfait garde cependant toute sa force expressive quand Richard Wagner l’utilise pour installer solidement le début de sa monumentale Tétralogie : il l’ouvre en effet par un accord parfait de mi bémol majeur qui enfle peu à peu, suggérant le réveil de tout un monde ténébreux (1854 : écouter). Plus tard, ce sera Richard Strauss qui, pour le célèbre début de son poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra, joue sur l’ambiguïté des accords parfaits de do majeur et de do mineur (1896 : écouter).
La même thématique a parfois inspiré plusieurs compositeurs très éloignés. La comparaison est toujours savoureuse. Voici les exemples les plus connus par ordre alphabétique :
Le conte populaire La Barbe bleue a notamment inspiré : Jacques Offenbach, opéra-bouffe Barbe-Bleue (1866) ; Paul Dukas, opéra Ariane et Barbe-Bleue (1905) ; Béla Bartók, opéra Le Château de Barbe-Bleue (1911 : écouter un extrait).
Joseph Haydn, oratorio La Création (écouter le début, Le Chaos), Darius Milhaud, ballet La Création du monde (1923 : écouter un extrait)
Le Faust de Goethe (ou celui de Lenau) a inspiré notamment : Berlioz, légende dramatique La Damnation de Faust (1846 : écouter la Course à l’abîme) ; Schumann, Scènes de Faust (1853) ; Liszt, Faust-Symphonie (1854) et 1ère Méphisto-Valse pour piano (1862 : écouter le début) ; Richard Wagner, Eine Faust-Ouvertüre (1840) ; Charles Gounod, opéra Faust (1859 : écouter l’Air des bijoux) ; Ferruccio Busoni, opéra Doktor Faust (1924) ; Gustav Mahler, scène de Faust dans sa Symphonie n° 8 (1907) ; Igor Stravinski, L’Histoire du soldat d’inspiration faustienne (1918 : écouter le triomphe final du Diable).
La guerre sous tous ses aspects (victoires, actes de courage, violence, détresse…) a abondamment inspiré les compositeurs. Quelques exemples par ordre chronologique : Clément Janequin, La Guerre (ou La bataille de Marignan), chanson à quatre voix (1555 : écouter le début) ; François Couperin, La Triomphante dans son Second livre (1717), 10ème ordre pour clavecin ; Wolfgang Mozart, opéra Les Noces de Figaro (1786), acte I, air n° 9 et choeur des soldats ; Ludwig van Beethoven, La Victoire de Wellington (1813 : écouter un extrait) ; Gounod, « Choeur des soldats » extrait de son opéra Faust (1859) ; Piotr Ilitch Tchaïkovski, Ouverture 1812 (1880) ; Gustav Holst, Les Planètes (1917, écouter le début de Mars) ; Arnold Schönberg, Un Survivant de Varsovie (1947), cantate ; Sergueï Sergueïevitch Prokofiev, Alexandre Nevski (1939 : écouter la Bataille sur la glace), cantate ; Dimitri Chostakovitch, Symphonie n° 7 « Léningrad » (1941) et n° 8 (1943) ; Olivier Messiaen, Quatuor pour la fin du Temps (1940 : écouter le début du 7ème mvt) ; Penderecki, Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima (1960 : écouter le début) ; Benjamin Britten, War Requiem (1961 : écouter le Dies Irae) ; Iannis Xenakis, Nuits pour 12 voix solistes (1967 : écouter le début) ; Gorecki, Symphonie n° 3 dite des Chants plaintifs (1976 : écouter un extrait du Lento) ; Steve Reich, Different Trains (1988), « Train des camps de la mort ».
Le mythe grec d’Orphée a inspiré notamment : Monteverdi, l’Orfeo (1607 : écouter des extraits, ouverture, lamentations et baletto ) ; Glück, Orfeo ed Euridice (1862 : écouter les Lamentations d’Orphée et la Danse des Furies).
Le Pelléas de Maeterlinck a inspiré notamment : Fauré, musique de scène de Pelléas et Mélisande (1998 : écouter la Fileuse) ; Debussy, opéra Pelléas et Mélisande (1902 : écouter un extrait de la Scène de la Tour) ; Jean Julius Christian Sibelius, musique de scène (1905) ; Arnold Schönberg, poème symphonique (1903).
Le Roméo de Shakespeare a inspiré notamment : Berlioz, symphonie dramatique Roméo et Juliette (1839 : écouter la fin de la Scène d’amour) ; Gounod, opéra Roméo et Juliette (1867) ; Tchaïkovski, ouverture Roméo et Juliette (1869 : écouter la fin) ; Prokofiev, ballet Roméo et Juliette (1936 : écouter le combat) ; Pascal Dusapin, opéra Roméo et Juliette (1988).
Voici quelques exemples : Vivaldi, Concertos Les Saisons (vers 1720 : écouter le 1er mvt de l’Hiver) ; Haydn, oratorio Les Saisons (écouter un extrait du Printemps) ; Tchaïkovski, suite pour piano (1876), Glazounov, ballet Les Saisons (1900 : écouter le début de L’Automne).
Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare a inspiré notamment : Henry Purcell, semi-opéra The Fairy Queen, (1692) ; Carl Maria von Weber, opéra Oberon, (1826) ; Felix Mendelssohn-Bartholdy, musique de scène Le Songe d’une nuit d’été (1926 : écouter le début de l’Ouverture puis Marche des Elfes puis début Marche nuptiale) ; Britten, opéra Le Songe d’une nuit d’été (1960).
C’est à la faveur du goût romantique pour le fantastique que les créatures surnaturelles inventées par les écrivains vont inspirer les musiciens. Hector Berlioz, dans son Roméo et Juliette (1831), est un des premiers à illustrer musicalement la reine Mab, qui est la fée des songes du Roméo et Juliette de Shakespeare (écouter). Dans La Damnation de Faust (d’après Goethe), ce sont les sylphes que Berlioz évoque quand Méphisto les appelle pour mieux séduire Marguerite (écouter). La Marche des Elfes de Félix Mendelssohn, dans Le Songe d’une nuit d’été, nous plonge dans un monde de rêves (1843 : écouter). La Ronde des lutins (S 145.2) de Franz Liszt suggère elle-aussi la vivacité et la légèreté des gnomes (1863 : écouter). En 1915, Maurice Ravel compose ses trois chansons pour chœur a cappella, dont la troisième prévient : « N’allez pas au bois d’Ormonde, jeunes filles, n’allez pas au bois : il y a plein de satyres, de centaures, de malins sorciers, des farfadets et des incubes, des ogres, des lutins… » (écouter).
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