Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Bach
Cela nous semble étonnant aujourd’hui, mais Johann Sebastian (Jean-Sébastien, en français) Bach n’était pas plus apprécié à son époque que Kauffmann, Rolle ou Graupner, ses concurrents au poste de Cantor de Leipzig ! Le temps a remis les pendules à l’heure : il est à présent considéré comme un des sommets de la musique et souvent désigné comme le « père de la musique » par les compositeurs eux-mêmes.
De son vivant, il n’était connu que localement, et surtout comme organiste et improvisateur. Après sa mort, sa musique fut vite oubliée car on la jugeait dépassée. Le souvenir de son œuvre ne fut entretenu que par ses fils (surtout Carl Philipp Emanuel) et par quelques rares amateurs. Cependant, son art du contrepoint impressionna fort Wolfgang Mozart puis Ludwig van Beethoven, le dernier jouait même par cœur Le Clavier bien tempéré. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle qu’il fut véritablement remis à l’honneur, notamment grâce aux efforts de Felix Mendelssohn-Bartholdy qui fit exécuter la Passion selon Saint Mathieu en 1829 à l’église Saint-Thomas de Leipzig.
Johann Sebastian Bach naît le 21 mars (ou le 31, selon notre calendrier) 1685 à Eisenach, Thuringe, Allemagne. C’est le huitième et dernier enfant d’une famille très musicienne. Son père, Johann Ambrosius, lui enseigne le violon et lui procure une bonne éducation musicale. En 1694 et en 1695, J. Sebastian perd respectivement sa mère puis son père. Il est recueilli à Ohrdruf par son frère aîné Johann Christoph, également musicien, qui poursuit son éducation. À l’école, il saute les classes : il a la passion d’apprendre.
À 15 ans, il se rend avec un ami dans la grande ville de Lunebourg. Il fait le chemin à pied (plus de 300 km). Il est admis dans la manécanterie renommée d’une école religieuse qui accueille les jeunes garçons pauvres ayant une belle voix : ses qualités y sont appréciées. En contrepartie des cours qu’il reçoit gratuitement à la Michaelisschule, l’élève doit participer à la chorale de l’église Saint-Michel. Outre la musique, il y apprend la rhétorique, le latin, le grec et le français. Il possède donc une culture bien plus approfondie que la plupart de ses contemporains.
Il fréquente assidûment la bibliothèque municipale et recopie les partitions des plus grands musiciens de l’époque. Il a aussi l’occasion de se familiariser avec la musique française puisqu’il rencontre Thomas de la Selle, élève de Jean-Baptiste Lully. Il entame peut-être même une correspondance avec François Couperin. Il se familiarise ainsi avec tous les styles. Rappelons que vers cette époque, les compositeurs allemands, sous l’impulsion de Georg Philipp Telemann, vont parvenir à réaliser la synthèse dite des « goûts réunis » entre les styles français et italien.
Après la mue de sa voix, il se tourne vers la pratique instrumentale (orgue, clavecin, violon) et acquiert une véritable expertise dans la facture d’orgue : il sera souvent invité à inspecter les instruments de sa région. En janvier 1703, brillamment diplômé, il commence sa carrière de musicien professionnel.
Johann Sebastian appartient à une famille de musiciens, probablement la plus importante qui soit connue dans toute l’histoire de la musique occidentale. À l’époque, les « Bach » qui pratiquent cette profession sont déjà au nombre de plusieurs dizaines, exerçant comme musiciens de cour, de ville ou d’église dans la région de Thuringe en Allemagne.
Les réunions de famille réunissent jusqu’à 120 personnes et l’on imagine tous ces excellents musiciens chantant en chœur et faisant assaut de verve et de virtuosité ! Johann Sebastian se situe à la cinquième génération de cette famille et cinq de ses enfants continueront la tradition. Le plus connu est Carl Philipp Emanuel.
En 1703, après avoir travaillé dans l’orchestre du duc de Weimar (il n’a même pas 20 ans), il se forge une réputation de virtuose à Arnstadt et décroche un poste d’organiste qui lui laisse du temps pour composer (écouter la Petite fugue en sol BWV 578). En 1705, il obtient une permission de quatre semaines pour rendre visite à Dietrich Buxtehude, à Lübeck. Il fait à pied les 400 kilomètres... Fasciné par l’art du vieux maître, il reste quatre mois auprès de lui ! L’estime est réciproque. Buxtehude lui offre sa succession à l’orgue de la Marienkirche, poste prestigieux s’il en est, mais la contrepartie est d’épouser sa fille, plus très jeune et semble-t-il peu gracieuse. Bach, s’estimant sans doute indigne de cet honneur, décline l’offre, tout comme Georg Friedrich Haendel l’avait fait avant lui.
Toujours en conflit avec son employeur, Bach quitte Arnstadt et accepte à Mülhausen, à Pâques 1707, les fonctions de compositeur (de cantates et de musique pour orgue) ainsi que de superviseur de la rénovation de l’orgue pour la Blasiuskirche.
Son célèbre portrait par Élias Haussmann (voir plus haut) et le caractère monumental de son œuvre nous donnent aujourd’hui l’image d’un homme posé et réfléchi, presque trop sérieux.
Pourtant il fut un jeune homme fougueux et prompt à faire le coup de poing quand il le fallait. Pendant le service religieux il se permettait d’agrémenter ses accompagnements de démonstrations de virtuosité, ce qui déplaisait fort aux rigoristes. Le Consistoire d’Arnstadt (l’autorité religieuse dont il dépend) regrette « les nombreuses et curieuses variations dans ses chorals, mêlés d’accords étranges, qui embrouillent l’assemblée des fidèles ».
On l’accuse aussi de profiter des sermons pour s’éclipser et rejoindre la cave à vin... Cette fantaisie se retrouve dans sa musique : ses spectaculaires toccatas pour orgue datent de cette époque : écouter la célèbre Toccata en ré m BWV 565.
Quand, en 1707, il épouse une cousine lointaine, Maria-Barbara dont il admirait le timbre de soprano, il n’hésitera pas à batailler pour donner à sa femme une place dans les représentations (les femmes ne seront admises à la tribune d’honneur qu’au XIXe siècle) : écouter un aria extrait de la Cantate BWV 4 « Christ Lag in Todesbanden ».
Il ne reste qu’un an à Mulhausen car il subit un conflit dogmatique dans lequel il prend parti contre les piétistes (pour lesquels la musique est « chants de sirènes qui troublent la méditation »). Il s’empresse donc en 1708 d’accepter un poste mieux rétribué à la chapelle du duc Wilhelm Ernst de Saxe-Weimar. Il est maintenant admiré dans toute la région pour sa virtuosité d’organiste.
Durant ces années 1707 à 1717, il compose une quantité énorme de musique, dont la cantate Actus tragicus BWV 106 (1707 : écouter l’ouverture), la plupart de ses pièces pour orgue, le Concerto italien BWV 971 pour le clavecin (cliquer ici pour écouter), etc. Bach, à cette période, recopie énormément d’Italiens tels qu’Antonio Vivaldi, Tomaso Albinoni ou encore Girolamo Frescobaldi, ce qui contribue à améliorer son style.
Il est nommé Konzertmeister ("maître de concerts") le 2 mars 1714, mais ses relations avec le duc Wihlem Ernst sont loin d’être idéales. Outrepassant une consigne stricte, il n’hésite pas à afficher son amitié avec le jeune neveu du duc, Ernst August, excellent claveciniste. Il va même jusqu’à refuser d’écrire pour son véritable employeur. Ce dernier lui refusant un poste de Kapellmeister qui aurait dû lui revenir, le musicien, sollicité pour un nouvel emploi à Köthen, présente sa démission au duc qui s’y oppose.
Bach sait défendre ses intérêts et ne renoncera jamais à changer de place quand un emploi l’ennuie ou lui semble peu prometteur. Après les dix années passées à la cour du duc de Weimar, et suite aux différents avec son employeur, il souhaite changer d’horizon. Aussi, quand en 1717, on lui propose le poste de maître de chapelle de la cour de Köthen, il saute sur l’occasion. Le duc s’y oppose et, pour le faire plier, le fait emprisonner. Peine perdue : le musicien récalcitrant tient bon et au bout d’un mois, le duc comprend qu’il ne pourra le retenir et le libère.
Il y réside de 1717 à 1723 et y est d’abord très heureux. Il est au service du prince Léopold, brillant musicien et protecteur des arts qui a su attirer à sa cour jusqu’à 18 excellents instrumentistes. Jean-Sébastien profite de cette ambiance propice pour composer ses plus grandes œuvres instrumentales : sonates pour flûte, pour violon et pour violoncelle, premier livre du Clavier bien tempéré (BWV 846-893 : écouter le prélude et fugue n°1 du livre I), les 6 Concertos brandebourgeois (BWV 1046-1051 : écouter le final du n° 3), les Quatre Suites pour orchestre (BWV 1066-1069) : écouter la Badinerie de la Suite n° 2, puis écouter l’Aria de la Suite n° 3.
Mais un terrible événement va faire basculer sa vie : en juillet 1720, alors qu’il rentre d’une station thermale où il accompagnait le prince, Bach apprend la mort de sa femme. Effondré, il hésite un an et demi avant de se remarier. En décembre 1721, il épouse Anne Magdelena Wilcken, une jeune chanteuse excellente musicienne, dont il est l’aîné de 16 ans (elle a 20 ans, faites le calcul !).
Il songe cependant à quitter une ville chargée de souvenirs, d’autant que le prince Leopold perd à son tour sa femme et se remarie. Cette seconde épouse est peu sensible aux arts en général, et en détourne son mari qui semble à partir de ce moment se désintéresser de la musique. Pour Bach, c’est le moment de songer à changer d’air. Il postule alors pour un poste d’organiste à la Katharinenkirche de Hambourg ; c’est un candidat moins talentueux (mais qui apporte quelques espèces sonnantes et trébuchantes à l’église en question) qui obtient la charge convoitée. Il sollicite aussi le puissant margrave de Brandebourg en lui envoyant un recueil de ses meilleures œuvres concertantes (les Six concertos brandebourgeois) : écouter le final du n° 3. Il se porte enfin candidat pour le poste envié de Cantor de Leipzig. Il l’obtient en 1723 et y passera le reste de sa vie, soit plus de 25 ans.
La nomination de Bach à Leipzig ne va pas de soi car, si le Conseil de la ville le choisit, c’est faute de débaucher d’autres musiciens plus recherchés : Telemann, Kauffmann, Rolle, et surtout Christoph Graupner (1683-1760)... Comme l’écrit un membre du Conseil : « Puisque l’on ne peut avoir les meilleurs, il faut donc prendre les médiocres. » Remarque étonnante : qui aujourd’hui connaît encore Graupner ? Il était pourtant célèbre en son temps car il n’était pas dénué de talent : écouter le Choral de sa Cantate «Es begab sich».
Mais l’anecdote indique bien que la savante écriture du style baroque commençait à lasser. Un critique de l’époque écrit du Cantor en 1737 : « Ce grand homme ferait l’admiration de toutes les nations s’il avait plus d’agrément et s’il n’ôtait pas le naturel à ses pièces en y mettant de l’enflure et quelque chose d’embrouillé, et s’il n’en obscurcissait pas la beauté par un excès d’art... Cette enflure l’a fait tomber du naturel dans l’artificiel, du sublime dans l’obscur... On admire un travail écrasant, une peine énorme hélas employée en vain, car ils combattent la raison. »
Graupner était un homme modeste : il voulait qu’on détruisit ses manuscrits après sa mort. Fort heureusement, son vœu ne fut pas exaucé et son œuvre immense (près de 1800 numéros) est intégralement conservée. Elle renferme des trésors qu’on redécouvre peu à peu.
Moins bien rémunéré que Köthen, le poste de Leipzig n’est pas de tout repos : Bach doit fournir de très nombreuses partitions pour les églises (une cantate pour chaque dimanche) et enseigner la musique, le catéchisme et le latin dans les deux écoles ecclésiastiques de la ville. Il n’aura de cesse que d’échapper à cette dernière corvée.
Heureusement, sa femme l’aide beaucoup en recopiant toutes ses partitions. Il est aussi assisté dans ses activités par des élèves ou amis, mais également par son fils Carl Philip Emanuel. De tempérament semble-t-il peu conciliant, le nouveau Cantor va de plus connaître quelques difficultés avec ses employeurs, qui rechignent par exemple à lui verser tout son salaire, ou ses collègues trop médiocres (l’organiste Görner reçut ainsi une perruque au visage de la part du tumultueux musicien, qui lui conseilla même de se faire cordonnier). Bach cherche en vain un emploi à l’abri « des autorités d’humeur bizarre qui favorisent peu la musique ».
En 1730, l’école Saint-Thomas bénéficie d’un nouveau recteur, Gesner. Changement de philosophie : la musique acquiert une place plus importante, les charges extra-musicales de Bach s’allègent et il dispose d’un excellent effectif, le Collegium Musicum de Leipzig, pour interpréter ses œuvres : une répétition leur suffit pour monter la cantate hebdomadaire ! Temps éphémères : en 1734, Gesner est remplacé et les conflits reprennent, pour s’atténuer lorsque Bach est en plus nommé à titre honorifique compositeur de la cour de Saxe en 1736.
Durant cette période, il mène une vie riche : pour les réunions musicales du Café Zimmermann il écrit des cantates profanes (écouter un aria extrait de la Cantate du Café BWV 211) et il transcrit des œuvres anciennes (écouter le 2nd mvt extrait du Concerto pour clavier, BWV 1056) ; il va souvent à l’opéra de Dresde, ville où son fils Carl Philipp Emanuel est organiste. C’est à Leipzig qu’il compose la majorité de ses œuvres sacrées (cantates, passions, oratorios, etc.). Il est dans cette phase de sa vie, où, comme le dit Forkel, son premier biographe, « il ne pouvait toucher une plume sans produire un chef-d’œuvre. »
Dans les années 1740, il est au faîte de sa gloire, et ses déplacements font l’objet d’encarts dans la presse locale.
« Dimanche dernier, Monsieur Bach, le célèbre maître de chapelle de Leipzig est arrivé [à Potsdam] dans le but d’avoir le plaisir d’y entendre la noble musique royale. Le soir, au moment où la musique ordinaire de la chambre entre dans les appartements du roi, on annonça à Sa Majesté que le maître de chapelle Bach [...] attendait la très-gracieuse autorisation d’entendre la musique. Sa Majesté ordonna immédiatement qu’on le laissât entrer et se mit aussitôt à l’instrument nommé forte et piano et eut la bonté de jouer en personne un thème au maître de chapelle Bach sur lequel, sans la moindre préparation, celui-ci dut exécuter une fugue. Le maître de chapelle s’exécuta de manière si heureuse que Sa Majesté eut la bonté de montrer sa satisfaction, et que toutes les personnes présentes restèrent stupéfaites. Monsieur Bach trouva si beau le thème qui lui avait été présenté qu’il veut porter sur papier une véritable fugue et la faire ensuite graver sur cuivre. » (Berlinische Nachrichten, Berlin, 11 mai 1747).
En fait, c’est près d’une heure de musique qu’il écrira et enverra à Frédéric II de Prusse sous le titre d’Offrande musicale (1747 : écouter le canon n° 1, puis le canon n°2, puis le canon n°3).
L’Offrande musicale fait partie de ces monuments qu’il laisse à la postérité pour témoigner de sa souveraine maîtrise du contrepoint. Citons aussi :
- les 32 Variations Goldberg BWV 988, composées, selon le titre, « à l’intention des amateurs, pour la récréation de leur esprit » : écouter le thème puis les variations 1 et 5 ;
- l’Art de la fugue BWV 1080, laissé inachevé au moment où il introduit les notes correspondant à son nom : écouter la fugue 1 puis la fugue 9.
- enfin, ce qu’il conçoit comme son testament musical, élaboré de 1723 à 1749, la Grande Messe en si m BWV 232. Les 2/3 sont empruntés à des œuvres antérieures selon le procédé de la parodie qui consiste à reprendre une pièce ancienne en changeant les paroles : écouter le début.
Jean-Sébastien Bach est fasciné par les jeux numériques, notamment par le nombre 14, somme des lettres de son nom (B, 2ème lettre de l’alphabet + A, 1ère + C, 3ème + H, 8ème = 2+1+3+8=14).
À l’âge de 55 ans (1740), il intègre d’ailleurs une Société savante, mais attend d’en être le 14ème membre, même si Haendel et Telemann en font déjà partie. Cette Société étudie les rapports numériques dans la musique. Les Variations Goldberg (l’Art de la fugue aurait dû en faire partie aussi) sont parmi les « contributions scientifiques » que Bach lui fait parvenir. Sur le portrait peint par Elias Haussmann réalisé à l’occasion de son admission, il présente au spectateur la partition d’un canon en forme d’énigme (écouter).
À partir de 1745, Bach perd progressivement la vue et les opérations que tente le prétendu chirurgien John Taylor en mars et avril 1750 ne font qu’empirer les choses (ce n’était qu’un avant-goût pour Taylor qui fera le même coup à Haendel quelques temps après) : c’est complètement aveugle que décède le musicien le 28 juillet 1750.
Sur son lit de mort, il dicte à son gendre un choral d’orgue Seigneur, me voici devant ton trône : écouter. Il clôture ainsi, dans la sérénité et la ferveur, une œuvre immense, d’une qualité et d’une diversité remarquable, où le contrepoint le plus complexe côtoie les mélodies les plus suaves. Œuvre pourtant d’une grande cohérence, au point que, dès les premières mesures, on reconnaît l’auteur.
Bien que relativement peu connu de son vivant et quasiment oublié à sa mort, il est aujourd’hui universellement apprécié. Même quand on le plaisante, c’est avec révérence. Parlant de ses pièces en forme de mouvement perpétuel, Colette l’appelait « la divine machine à coudre ».
Longue serait la liste des compositeurs qui s’y sont référés. Mozart a changé son écriture après avoir découvert son œuvre, Beethoven s’en inspire dans tous ses passages fugués. On connaît le célèbre Ave Maria que Gounod a écrit en se basant sur le Premier Prélude du Clavier bien tempéré : écouter.
Les œuvres « à la manière de... » sont pléthores. Ainsi, Honegger (1892-1955) conclue sa par un choral triomphant (écouter). Les pièces écrites sur B.A.C.H. (sib-la-do-si bécarre) ne se comptent pas (Liszt, Schumann, Honegger, etc. : écouter « Valse improvisation » de Poulenc)
Le chef de file du dodécaphonisme, Schoenberg (1874-1951), voit en lui un précurseur de ses théories, Berg (1885-1935) cite le choral O Ewigkeit, du Donnerwort (BWV 60) au 2me mouvement du Concerto à la mémoire d’un Ange (écouter le passage), Webern (1883-1945) orchestre le Ricercare de l’Offrande musicale (écouter une version au clavecin puis l’orchestration de Webern) afin de « réveiller ce qui sommeille encore dans le secret de cette représentation abstraite voulue par Bach lui-même et qui, par-là , reste incompréhensible, ou du moins pratiquement insaisissable, pour la plupart des gens. » Ce ne sont que quelques exemples.
Même transposée pour toutes sortes d’instruments, même revisitée par la variété ou le jazz (écouter Jacques Loussier puis les Swingle Singers), la musique de Bach impose malgré tout la richesse de sa structure et la force de son expression, démontrant son caractère intemporel. Puissamment construite, animée par une pulsation rythmique irrésistible, elle donne le sentiment d’accéder à un état supérieur de l’être... ce qu’illustre bien ce mot définitif d’Emil Cioran :
« S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu. » (Syllogismes de l’amertume, 1952).
BACH Jean-Sébastien :
- « Le but de la musique devrait n’être que la gloire de Dieu et le délassement des âmes. Si l’on ne tient pas compte de cela, il ne s’agit plus de musique mais de nasillements et beuglements diaboliques. » (extr. de Music Quotations)
- « J’ai dû beaucoup m’appliquer ; quiconque s’appliquera de la même façon arrivera au même résultat. » (extr. de Music Quotations)
CIORAN E. M. :
- « Sans Bach, la théologie serait dépourvue d’objet, la Création fictive, le néant péremptoire. S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu. [...] »
- « Le péché originel et Bach, deux pôles qu’on ne peut dissocier. Si le péché originel nous invite à ne pas croire en l’homme, Bach nous permet de croire un peu en Dieu. » (Syllogismes de l’amertume, Paris, Gallimard, coll. Idées, 1952, p. 119-120)
COLETTE : « Bach : divine machine à coudre. »
DEBUSSY Claude : « Bach… Dieu bienveillant auquel les musiciens devraient adresser une prière avant de se mettre au travail, pour se préserver de la médiocrité, cette oeuvre innombrable où l’on retrouve à chaque pas ce que nous croyons être d’hier, depuis la capricieuse arabesque, jusqu’à cette effusion religieuse, pour laquelle nous n’avons rien trouvé de mieux jusqu’ici, on y cherchera vainement une faute de goût. » (« Du Goût », in S.I.M., 15 février 1913).
GOETHE (à propos de l´œuvre) : « Entretiens de Dieu avec lui-même, juste avant la Création. »
SCHUMANN Robert : « Celui-là devant qui tous les autres ne sont que des enfants. »
CHOPIN Frédéric : « Bach est un astronome qui découvre les plus merveilleuses étoiles. Beethoven se mesure à l’univers. Moi, je ne cherche qu’à exprimer l’âme et le cœur de l’Homme. »
SCHMITT Eric-Emmanuel : « Bach écrit la musique de Dieu, Mozart écrit la musique que Dieu aime écouter et Beethoven la musique qui montre que l’homme n’a pas besoin de Dieu. Beethoven est une grande leçon de courage. »