Durant la première première partie de ses vacances d’été de 1899, Gustav Mahler, avant que l’inspiration ne le reprenne, avait pris assez de distance avec son travail de compositeur pour définir ce qu’était à son avis le sens de la création musicale, comment elle devait s’ordonner et vers quoi elle devait tendre. Il se trouvait alors à Bad Aussee, en compagnie de Nathalie Bauer-Lechner, la grande confidente à qui il livrait le fond de ses pensées, et il eut alors ces réflexions stupéfiantes et révélatrices, qui nous donnent à voir que l’œuvre d’un créateur a son architecture propre mais qu’elle a surtout pour première règle de ne pas se contenter de redire, de « réexposer« , quand vient le retour d’un thème dans un morceau ou dans un mouvement, mais de développer et d’aller plus loin, pour faire ressortir que ce qui revient s’est enrichi et transformé, et est déjà dans l’exploration d’une forme nouvelle, parce que, tout comme la vie, la musique est tendue vers ce qui va être et vers ce qui vient et ne peut rester figée dans ce qui a déjà été entendu et exprimé, sous peine de provoquer la lassitude et l’ennui.
Voici ce que dit Gustav Mahler à son amie, et qui résume à mon sens ce qu’est l’apport et l’essence de son œuvre et de toute œuvre, sa raison d’être et ce vers quoi elle s’oriente : "Le vrai principe de la musique est de progresser sans cesse (...), dans un discours ininterrompu, sans reprises littérales. (...) La loi de base de la musique est l’éternel devenir, le développement perpétuel, de même que l’univers ne cesse jamais de se transformer et de se renouveler".
Nul mieux que Mahler n’a su dire ce qu’il faisait et voulait lui-même, avec une haute conscience de ce qu’il était et de ce qu’il donnait.
Il était alors dans une phase de doute, mais elle n’allait pas durer, et cet été-là , outre le lied Revelge, allait jaillir la Quatrième symphonie.
Par François Sarindar, auteur de : Lawrence d’Arabie. Thomas Edward, cet inconnu