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Edward Elgar et l’Angleterre victorienne

Antonin, le 01/10/2007

Symphozik, votre site préféré, inaugure un nouveau cycle de dossiers, déjà commencé avec « Chostakovitch et Staline« . L’objectif n’est pas de reproposer une biographie améliorée de chaque compositeur, mais d’étudier sa vie et son œuvre au reflet du contexte historique, et notamment des événements, personnes ou époques que le compositeur a pu connaître. Et de voir en quoi ce contexte historique a pu influencer l’œuvre musicale et l’histoire de la musique en général... Aujourd’hui, Edward Elgar.

Edward Elgar naît au cœur de l’Angleterre rurale du XIXe siècle, plus précisément dans le petit village de Broadheath, près de Worcester. Il voit le jour le 2 juin 1857 (soit il y a 150 ans). Bien que sa famille se soit installée deux ans plus tard à Worcester, Elgar conservera toute sa vie la nostalgie de ce petit village, souvenirs pastoraux d’une jeunesse qui influencera d’ailleurs partiellement sa musique.

À cette époque, le Royaume Uni est sous le règne prospère de Victoria Ière, plus communément appelée reine Victoria. La révolution industrielle est à son apogée, tout comme la puissance de la Grande Bretagne. L’Europe, par sa puissance technologique et ses colonies, domine le monde. Après les remous des guerres napoléoniennes qui ont secoué l’Europe au début du siècle, et le printemps des peuples qui a répandu la démocratie en 1848, le paysage européen est relativement prospère. La monarchie parlementaire britannique a survécu, et la situation du pays, qui est a la tête du plus grand Empire colonial de la planète, est sereine.

Si l’on insiste sur ce contexte historique, c’est qu’il va avoir une importance sur la musique d’Elgar, et se retrouver dans une certaine vision de son époque que le compositeur essaiera de transcrire dans ses œuvres.

Mais revenons-en au jeune Elgar qui grandit dans la paisible province anglaise. Son père, organiste à Worcester, tient un magasin de musique. Ceci aura une influence déterminante sur la carrière d’Elgar. En effet, celui-ci est essentiellement autodidacte. Dans la boutique de son père, il lit des partitions et des traités. Il apprend à jouer du violon et du piano quasiment seul. Cette connaissance musicale lui permet de remplacer son père comme organiste, à l’âge de 28 ans, en 1887.

L’année 1889 marque un tournant dans son histoire. Il épouse Caroline Alice Roberts, qui est la fille d’un général de l’armée des Indes (on retrouve ici l’influence du contexte historique) et démissionne pour se consacrer à la composition. Sa vie en tant que compositeur commence... Une ouverture, Froissard, le fait connaître un peu dès 1890, mais ce n’est que dix ans plus tard qu’il connaîtra enfin le succès avec ses Enigma Variations. Le chef hongrois Hans Richter dirige l’œuvre à Londres, et c’est un franc succès. Le succès de l’œuvre ne s’est jamais démenti jusqu’à aujourd’hui, et c’est toujours l’une des œuvres les plus appréciées et jouées d’Elgar. Nous reviendrons dessus.

Dès lors, la reconnaissance de ses qualités sera universelle. En 1911, Elgar est nommé chef de l’Orchestre Symphonique, de Londres un des meilleurs au monde. Il créera nombre de ses œuvres avec cet orchestre. En 1914, Elgar est anobli par Édouard VII. En effet, son apport au patrimoine musical anglais est sans conteste l’un des plus importants.

Sir Elgar se consacre à la musique de chambre à partir de 1918, toutefois la mort de sa femme en 1920 met un frein à son activité créatrice. Il poursuit sa carrière de chef d’orchestre jusqu’à sa mort en 1934.

L’œuvre d’Elgar est difficile à classer : romantique par moments (par exemple le concerto pour violoncelle) et parfois résolument moderne, elle occupe une place de choix dans la musique britannique. On pourrait même dire qu’Elgar est à l’origine d’un renouveau de celle-ci au XXe siècle, ouvrant la voie à Gustav Holst, Tippett et Benjamin Britten.

Elgar est un homme d’atmosphères, de lieux, de personnages. Sa musique vise souvent à « décrire« quelque chose, même si elle n’est pas à proprement parler de la musique à programme. Pour commencer, revenons sur les Variations Enigma, l’œuvre qui rendit Elgar célèbre. Cette composition est composée d’une suite de morceaux, désignés par des initiales ou des noms, qui décrivent chacun un personnage de l’entourage du compositeur : sa femme, ses amis...le but des « Enigma« étant évidemment reconnaître à qui se rapporte chaque pièce. Elgar a donc cherché à décrire chaque personne de son entourage en introduisant certains éléments clés (comme le rire particulier d’un de ses amis).

Si les variations ont fait connaître Elgar, une des ses œuvres les plus connues de nos jours est sans doute Pomp and circumstances. Cette suite de marches (composées tout au long de sa carrière) n’est sans doute par un chef-d’œuvre d’écriture musicale, mais leurs mélodies simples et le dynamisme qui émane de ces pages en font des morceaux de bravoure orchestrale rarement boudées du public. La marche n°1 est plus particulièrement célèbre (au point d’être parfois prise pour l’hymne anglais...) La première symphonie a également des accents victoriens : au début, Elgar envisageait une œuvre à programme sur la vie de Charles Gordon, général anglais qui s’était illustré dans les colonies (notamment, au Soudan à Khartoum, où il mourut, mais c’est une autre histoire...). Si cette idée fut abandonnée, la symphonie évoque néanmoins, dans sa dimension majestueuse et quelque peu pompeuse, une certaine idée de l’Angleterre conquérante de l’époque victorienne.

D’ailleurs Sir Elgar ne s’arrêtera pas là : il consacrera d’autres pages à la grandeur de l’Empire et de la couronne britannique : Imperial March (1897), « Pageant of Empire« (1924) qui comprend notamment une « Empire March« . Citons encore Coronation March (1911) ou Coronation Ode (chœur basé sur le thème de la première marche de Pomp and Circumstances).

On le voit, Elgar était très impliqué dans son époque et se sentait concerné par le rayonnement et la vie politique de son pays. D’ailleurs sa deuxième symphonie est dédiée au roi Édouard VII...Sujet fidèle donc, mais aussi très intégré : marié à la fille d’un général, il adorait les chevaux et possédait une belle maison à Londres.

Il y a, bien entendu, une autre facette de l’œuvre d’Elgar, peut-être plus introvertie celle-là . Ce sont des pages plus raffinées et moins exubérantes, tels les concertos pour violon et pour violoncelle, ou encore les Scènes d’Enfants, dans lesquelles Elgar évoque à travers sa musique les souvenirs de sa jeunesse.

Au final, Sir Edward Elgar aura laissé à la postérité une œuvre variée et élaborée, profondément originale. C’est sans doute l’une des plus importantes de la musique anglaise. Seul manque l’opéra au catalogue d’Elgar, curieusement négligé (une seule œuvre, The spanish Lady, guère représentée)...On aurait pu imaginer Un ouvrage lyrique dans le style d’Elgar : cela aurait sans douté été une sorte de saga héroïque à la gloire de l’Empire et des sujets de sa Gracieuse Majesté ! God save the Queen...

Ressources liées

Avez-vous bien lu ? (mini Q.C.M. sur le dossier)

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1) Au sein des 5 « Pump and circumstances marches », laquelle est la plus célèbre, dont la mélodie a donné naissance à la « coronation ode » et au fameux « land of hope and glory » interprété lors de la dernière soirée du Proms de Londres

2) Le titre des « variations Enigma », l’un des chefs d’œuvres d’Eglar, renvoie à :

3) Quelle souveraine règne en Angleterre à l’époque d’Elgar ?

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