Pressé(e) ? Découvrez la biographie courte de Schumann
Clara Schumann, née Clara Josephine Wieck, est née le 13 septembre 1819 à Leipzig, de Friedrich Wieck, grand professeur de piano, et sa femme Marianne, née Tromlitz, chanteuse célèbre à Leipzig. En plus d’une sœur aînée morte en bas âge, elle a trois frères cadets : Alwin, Gustav et Viktor (puis après le second mariage de son père, une sœur cadette, Marie).
Ses parents se séparent quelques années après en raison du caractère intraitable du père et d’une liaison adultère de la mère avec un ami de la famille. Clara, âgée de 5 ans, reste avec Friedrich.
Friedrich souhaite faire de sa fille une enfant prodige, et y parvient en lui inculquant la musique grâce aux méthodes pédagogiques qui ont fait son succès de professeur. On la retire vite de l’école publique, les cours particuliers permettant de mieux se concentrer sur la musique : chaque jour, c’est une heure de théorie (piano, violon, chant, théorie, harmonie, composition ou contrepoint) et deux heures de pratique qui attendent la petite fille. Ainsi, dès mars 1828, elle apparaît au piano lors d’une réception privée dans la haute bourgeoisie locale. C’est au cours d’un de ces concerts qu’elle attire l’attention de Robert Schumann, son aîné de neuf ans, qui l’admire tant qu’il décide de se placer sous la tutelle du professeur Wieck pour la carrière de virtuose qu’il envisage. Friedrich, qui remarque les qualités de Schumann, accueille le jeune homme chez lui pendant environ un an (c’est ce qu’on appelle faire entrer le loup dans la bergerie).
En 1830, alors âgée de 11 ans, Clara et son père traversent l’Europe pour une tournée de concerts : de la Gewandhaus de Leipzig, ils passent par Weimar, où elle joue devant Goethe, et atteignent Paris. Le violoniste virtuose Niccolò Paganini, présent au même moment dans la capitale, lui offre de se joindre à elle. Mais son concert parisien ne fait pas salle comble : une épidémie de choléra a fait fuir un grand nombre de personnes de la ville.
Le répertoire de Clara est d’abord choisi par son père, qui officie comme agent artistique de sa fille. Il se compose alors de pièces populaires et très classiques pour les virtuoses de l’époque, destinées à mettre en valeur les qualités de l’interprète (Friedrich Kalkbrenner, Camille Pleyel, Ignaz Moscheles, Henri Herz, Carl Czerny…), mais aussi de compositions de Clara, comme c’est de coutume (Variations sur un Thème de Bellini op. 8, Scherzo op. 10). Dans les programmes des quelque 2000 concerts qu’elle donne entre 1831 et 1889, on trouve des concertos, des quatuors et quintettes, ainsi que des œuvres pour piano seul ou accompagné d’un instrument.
Puis, lorsqu’elle deviendra plus indépendante, son répertoire s’orientera davantage vers les plus grands compositeurs : Ludwig van Beethoven, Johann Sebastian Bach, et bien sûr Schumann.
À Vienne, de décembre 1837 à avril 1838, Clara interprète entre autres la sonate Appassionata de Beethoven, suscitant l’admiration d’un public nombreux, de la critique et de l’influent poète Franz Grillparzer. Frédéric Chopin décrit l’un de ces concerts à Franz Liszt qui fera le déplacement pour écouter la jeune virtuose. Le 15 mars, Clara est nommée Königliche und Kaiserliche Kammervirtuosin ("virtuose des chambres royale et impériale"), la plus grande distinction musicale autrichienne.
1837 est aussi l’année où Schumann fait sa demande en mariage à Clara, sûrement sans se douter des complications à venir : le père Wieck refuse et s’oppose avec virulence à cette union, multipliant les combines pour faire renoncer les tourtereaux ; il ira même jusqu’à menacer Schumann de lui tirer dessus (voir notre dossier sur cet épisode romanesque) ! Finalement, en 1840, après une longue bataille judiciaire, Clara épouse Robert. Tout ne devient pas rose pour Clara, à qui Robert demande de limiter les répétitions (pour lui permettre de se concentrer) et les concerts (pour rester auprès de lui), et de se mettre davantage à la composition pour atteindre son but : « la dualité musicale dans l’unité » (moi non plus, je n’ai pas compris, si ça peut vous rassurer). Heureusement, le souhait du mari ne tiendra pas longtemps face aux besoins financiers du couple (ses concerts faisaient de Clara la principale source de revenus du foyer). De plus, Clara fut sa meilleure représentante en Europe, et après la paralysie de son doigt, elle pouvait lui interpréter ses œuvres.
Le couple tient un « journal intime » musical commun dans lequel chacun écrit à tour de rôle. Clara en profite pour communiquer à son mari certains de ses points de vue sur différents sujets sur lesquels lui parler n’était pas suffisant…
En 1844, le couple rencontre le violoniste virtuose Joseph Joachim, âgé de 14 ans, et qui laisse une très bonne impression à Clara qui l’écoutera interpréter le Concerto pour violon de Beethoven de manière remarquable. C’est le début d’une longue amitié (plus de 40 ans !) entre les deux virtuoses.
C’est introduit par Joseph Joachim que Johannes Brahms, 20 ans et alors inconnu, se présente chez les Schumann à Düsseldort. Il les impressionne en leur interprétant une de ses œuvres pour piano : Clara écrira qu’il « semblé directement envoyé par Dieu ». Brahms tombera par la suite amoureux de Clara, comme l’atteste sa correspondance, mais seule une relation platonique semble avoir existé entre les deux. Après la mort de Robert, Clara s’éloignera d’ailleurs progressivement de Brahms.
En 1844, Clara est en tournée au Danemark, puis en Russie, où elle est reçue par la famille du Tsar.
À la fin de l’année, le couple déménage à Dresde, avant de partir pour Düsseldorf en 1850, où un poste attend Robert.
Dans la période difficile qui suivit la tentative de suicide de son mari en février 1854, Clara peut compter sur ses amis : Brahms, Joachim, Albert Dietrich ou encore Julius Otto Grimm lui tiennent compagnie et tentent de lui changer les idées.
En avril 1856, elle est en Angleterre, seule (Robert est incapable de se déplacer) pour honorer un concert de la London Philharmonic Society, dirigé par William Sterndale Bennett, ami de Robert. Elle interprète encore le Concerto pour piano en la mineur de son mari en mai 1856. Même si elle n’est pas satisfaite des répétitions et des chefs d’orchestre, ni de la façon dont sont traités les musiciens, son séjour outre-Manche lui plaît et elle retournera plusieurs fois à Londres.
Son mari meurt peu après, le 29 juillet 1856, après une longue hospitalisation. Clara est alors la seule source de revenus du foyer familial (elle en était déjà la principale), ses concerts lui assurant des revenus suffisants pour employer une bonne et une cuisinière. Elle refuse en revanche la proposition d’un groupe d’amis d’organiser pour elle un concert de charité.
Au cours de sa vie, elle doit faire face à de nombreuses épreuves. La mort son mari, ainsi que de quatre de leurs huit enfants (Marie, Elise, Julie, Emil, Ludwig, Ferdinand, Eugenie et Felix), la conduit à gérer non seulement les affaires du foyer, mais également à prendre en charge quelques petits-enfants. De plus, son fils Ludwig, atteints des mêmes troubles que son père, devra être, selon l’expression de Clara, « enterré vivant » dans un asile psychiatrique.
Sa fille aînée, Marie, fit de son mieux pour assister sa mère, devenant par exemple la cuisinière du foyer. Elle fut également celle qui dissuada Clara de brûler toutes les lettres qu’elles avait écrite à Brahms et qui lui avaient été renvoyées plus tard à fins de destruction.
Fin 1857, accompagnée par Joachim, Clara est en tournée à Dresde, Leipzig et Munich, puis à Londres, où elle interprète de la musique de chambre (ce qui la débarrasse accessoirement des répétitions avec chef d’orchestre…) avec le violoncelliste Alfredo Piatti (rencontré lors de son premier séjour londonien), le violoniste Joseph Ries et l’altiste J. B. Zerbini.
En janvier 1867, avec en plus de la troupe précédente sa fille aînée Marie, elle est en Écosse, à Édimbourg et à Glasgow.
En 1878, elle devient professeur de piano au Conservatoire Hoch de Francfort-sur-le-Main, poste où elle contribue à développer et à améliorer les techniques pianistiques modernes. Elle restera en poste jusqu’en 1892.
Elle donne son dernier concert public est donné à Francfort le 12 mars 1891, et y joue entre autres les Variations sur un Thème de Joseph Haydn.
Clara, atteinte de surdité et parfois obligée de se déplacer en chaise roulante, est affaiblie. Le 26 mars 1896, elle fait une attaque et meurt le 20 mai, à l’âge de 76 ans. Elle est enterrée au vieux cimetière de Bonn, avec son mari.
Pendant des années, Clara ne sera reconnue que comme une pianiste virtuose. Il faut dire qu’elle marque les esprits, faisant partie des premières pianistes à jouer de mémoire (dès l’âge de 13 ans), comme lui avait enseigné son père.
Parmi ses élèves, on trouve Mathilde Verne (qui enseignera elle-même plus tard à Solomon), Carl Friedberg (qui enseignera à la Juilliard School aux États-Unis, à Malcolm Frager ou Bruce Hungerford).
En tant qu’interprète, elle s’appliqua inlassablement et jusqu’à la fin de sa carrière à diffuser et à faire reconnaître à leur valeur les œuvres de son mari, tout d’abord méconnues (le seul autre interprète régulier de Schumann était Liszt) ou mal appréciées. Son travail pour faire publier l’œuvre de son mari auprès de la compagnie Breitkopf & Härtel fut également essentiel.
Sa reconnaissance en tant que compositrice est bien plus tardive. Pourtant, l’éducation musicale que son père lui avait donné la capacité de composer dès son enfance (son premier opus, Quatre polonaises, date d’environ 1829), et elle appréciait énormément ce « plaisir de création ». À 14 ans, elle écrit son Concerto pour piano (écouter sur Youtube), qu’elle interprètera deux ans plus tard sous la direction de Felix Mendelssohn-Bartholdy (dont elle rencontrera plus tard la sœur Fanny) au Gewandhaus de Leipzig.
En grandissant, elle perdra toutefois confiance en ses capacités de compositrice, allant même jusqu’à écrire « une femme ne doit pas souhaiter composer : aucune n’en a été capable jusqu’à maintenant » (on croirait presque qu’elle n’a jamais lu notre dossier sur les femmes et la musique classique). Après ses 36 ans, elle n’écrit pratiquement plus rien. Schumann regrette quant à lui qu’elle ne puisse composer régulièrement, étant donné ses enfants et son mari « vivant toujours dans le royaume de l’imagination » : « je suis souvent perturbé en pensant à toutes les idées perdues juste parce qu’elle ne peut les travailler ».
De nos jours, ses compositions sont de plus en plus jouées et enregistrées (écouter ses œuvres pour piano par Jozef De Beenhouwer). On trouve parmi elles des chansons, des pièces pour piano seul, un concerto et un trio pour piano, des chorals, et trois Romances pour violon et piano (inspirées par l’anniversaire de son mari en 1853 et dédiées à Joachim).
Après avoir marqué de l’intérêt pour Liszt, elle développe ensuite une hostilité totale envers son œuvre et le compositeur : non seulement elle n’interprète plus aucune œuvre de lui, mais elle supprime de plus la dédicace de la Fantaisie en do Majeur, de son mari à Liszt, lorsqu’elle la publiera. Elle refusera enfin de participer à un festival en l’honneur du centenaire de Beethoven lorsqu’elle apprendra que Liszt et Richard Wagner (qu’elle ne porte pas non plus dans son cœur) y participent également…
Anton Bruckner non plus ne trouve pas grâce à ses yeux (elle parle de sa Symphonie n° 7, entendue en 1885, comme « un morceau horrible »).
Avec sa Symphonie en fa mineur que Clara écoute et apprécie en 1887, Richard Strauss fait par contre figure de rescapé.