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Le concerto

fr-de-f11, le 14/04/2007

I) Origine à l’ère baroque (le concerto grosso)

On trouve les premiers concerti grossi en Allemagne à la fin du 17ème siècle, mais c’est en Italie qu’ils trouveront leurs lettres de noblesse avec notamment Arcangelo Corelli et son opus 6 parmi lequel figure le Concerto « pour la nuit de Noël« en sol mineur (écouter un extrait). Au XVIIIe siècle, Johann Sebastian Bach écrira ses Six concerts brandebourgeois qui sont considérés comme des concerti grossi avec divers instruments en soliste (n°4 : deux flûtes et un violon, n. 5 : flûte, violon et clavecin : écouter un extrait). Du point de vue structurel, un concerto grosso est en cinq ou six mouvements, alternant mouvement lent et rapide. Chez Corelli, on retrouve souvent une introduction lente notée Grave. Le Concerto pour la nuit de Noël se termine par une pastorale. Les instrumentistes solistes, appelés "concertino", s’opposent à l’orchestre, que l’on nomme "ripieno".

Un peu plus tard, chez son quasi-homonyme Giuseppe Torelli, on trouvera des concerti grossi mais il ne reste dans le concertino qu’un seul soliste: en général, un violon (écouter l’op. 8 n. 6 dit "de Noël"). Torelli en était un virtuose. D’ailleurs, on ne parle plus de concerto grosso mais plutôt de concerto solo. Il en existe pour tous les instruments de l’époque : Antonio Vivaldi en écrit pour flûte (op 10), pour violon dont les célèbres Quatre saisons (qui marqueraient le début de la musique à programme, les concertos étant basés sur un poème), pour mandoline, trompette... Chez Johann Sebastian Bach, on trouve des concertos pour clavecin, et des concertos pour orgue, mais ces derniers ne sont que des transcriptions d’autres maîtres baroques. Les véritables concertos pour orgue se trouvent chez Georg Friedrich Haendel où ils étaient joués pendant les entractes de ses opéras (écouter le mvt 1 de l’op. 6 n. 4). Il faut noter que le concerto solo (ou pour soliste) ne sont plus qu’en trois mouvements: un lent entouré par deux rapides.

II) Structure du concerto classique (le concerto solo)

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, c’est à dire chez les classiques (Wolfgang Mozart, Joseph Haydn et plus tard Ludwig van Beethoven), on va garder ce plan tripartite mais en l’adaptant aux autres genres de l’époque : le quatuor, la sonate ou la symphonie. Ainsi, le concerto adoptera la forme sonate, mais sans le menuet, pièce de divertissement qui n’a pas lieu d’être lieu d’être dans un concerto. En effet, l’origine du mot « concerto« vient de « concurrence« et l’orchestre s’opposera au soliste (très marqué chez Beethoven : écouter un extrait de son Concerto n. 1 pour piano et orchestre).

Le premier mouvement sera de forme sonate bithématique, avec une double exposition : celle de l’orchestre puis celle du soliste, ce qui a pour effet de le mettre en valeur grâce à son arrivée à retardement. Puis vient la « cadence« . Lorsqu’on parle de cette « cadence« dans un concerto, c’est d’une partie où le soliste joue seul, sans orchestre. Celle-ci était improvisée au XVIIIème siècle mais finalement entièrement écrite dès Beethoven car les compositeurs n’aimaient pas les improvisations qui ne respectaient pas leur esthétique (écouter la cadence du Premier Concerto de Beethoven). Par exemple, le pianiste de jazz Chick Corea se plaît à improviser chez Mozart. Il commence en général sur l’accord de sixte et quarte scandé par l’orchestre à la fin de la réexposition. On n’y entend pas de mélodie mais plutôt une série d’enchaînements cadentiels qui se terminent par celui du ton principal, puis par un très long trille et le retour de l’orchestre dans une brillante coda (écouter).

Le second mouvement est de forme plus libre. En général, si les deux mouvements rapides mettent en avant la virtuosité du soliste, c’est dans celui-ci que l’interprète doit faire preuve de lyrisme, il est souvent de forme lied ou de forme sonate, parfois un savant mélange entre les deux : andante du Concerto pour piano n° 21 de Mozart (1785 ; écouter).

Le dernier mouvement peut être également de forme sonate même s’il est plus souvent de forme rondo (« C’est dans les rondos qu’on trouve Mozart« ).

À l’époque de Mozart, l’orchestre d’accompagnement est plutôt un orchestre de chambre, expression quelque peu oxymorique... Il faut attendre Beethoven pour redonner un accompagnement symphonique au concerto. Dès le troisième, nous serons en présence de l’orchestre haydeno-mozartien : celui à 17 parties. Les parties orchestrales vont donc gagner en importance. Si le concerto mozartien n’excédait jamais les trente minutes, on trouvera chez Beethoven des premiers mouvements de vingt minutes (« l’Empereur« ) voire de vingt-cinq minutes (Concerto pour violon). Ce qui a pour effet de retarder plus encore l’arrivée du soliste (trois minutes pour le troisième) et d’accentuer l’opposition dramatique entre l’orchestre et le soliste. D’autre part, la cadence autrefois improvisée sera entièrement écrite. Mozart l’avait déjà fait dans sa Symphonie concertante.

Ainsi, chez les classiques, le but du concerto est double : démontrer leur talent de compositeur pour l’orchestre et leur virtuosité au piano (ou au violon pour Mozart).

III) Évolution au XIX et XXème siècle

Les premiers romantiques iront surtout dans ce sens, développant la virtuosité du soliste au dépens de l’orchestre : on peut citer les deux concertos pour violon de Niccolò Paganini, les deux de Frédéric Chopin pour le piano et ceux de Franz Liszt. Felix Mendelssohn-Bartholdy sera plus dans l’esprit de Beethoven avec ses deux concertos pour piano (joués par Liszt) et montrera même plus de maîtrise dans son second concerto pour violon (il faut être indulgent avec son premier, écrit vers 14-15 ans). On dit même que Beethoven a écrit son concerto contre le violon.

La plus grosse révolution de ce siècle viendra du Concerto en la mineur de Robert Schumann écrit entre 1841 et 1845 (écouter le début)...Handicapé de la main, il ne compose pas ce concerto pour lui mais pour sa femme à laquelle il écrira une lettre en lui expliquant qu’il refusait la virtuosité facile. Il faut également noter qu’à la base, l’œuvre était réalisée comme une fantaisie, ce qui l’éloigne du moule traditionnel du concerto. On trouvera un curieux adagio en la bémol majeur qui n’est autre que la sous-tonique du napolitain...Mais le grand changement provient de la texture : le soliste ne s’oppose plus à l’orchestre, il dialogue avec, allant même jusqu’à le doubler ou à passer au second plan...De même que dans les symphonies, l’orchestre accompagnateur va continuer de croître pendant la seconde moitié du 19ème : nous pouvons citer comme sommets du romantisme Camille Saint-Saëns, Johannes Brahms, Piotr Ilitch Tchaïkovski et le premier grand concerto pour violoncelle, celui d’Antonin Dvořák (1895 ; écouter un extrait).

Au XXe siècle, outre l’exploitation de nouvelles techniques instrumentales tel l’aspect percussif du piano chez Béla Bartók et Sergueï Sergueïevitch Prokofiev (notamment le Concerto pour piano n. 3, 1921 : écouter la fin du mvt 1), l’utilisation des techniques de cordes, l’apparition de nouveaux instruments (Concerto pour batterie de Darius Milhaud), etc., il faudra mentionner le Concerto pour orchestre de Bartok (1943 : écouter la fin) où chaque instrument prend un solo à tour de rôle, chaque instrumentiste devient soliste.


Il est à noter également que de grands compositeurs se mettent à composer pour les autres : Maurice Ravel et Prokofiev écrivent pour un pianiste (Paul Wihgenstein, qui a perdu un bras) un Concerto pour la main gauche (écouter un extrait de celui de Ravel, 1930). Quant à Alban Berg, il dédiera son Concerto pour violon "à la mémoire d’un ange" à Manon Gropius, fille d’Alma Mahler décédée à 18 ans (écouter un extrait)...André Jolivet écrira lui des concertos pour flûte (1948 : écouter un extrait) et le Concertino pour trompette, orchestre à cordes et piano (1948 : écouter un extrait). Plus récemment, Dutilleux a dédié son Concerto pour violoncelle, surnommé "Tout un monde lointain…" (1970), à Rostropovitch (écouter un extrait).

Même si la structure du concerto grosso a disparu, il ne faut pas croire que l’idée d’associer plusieurs solistes n’a plus germé dans la tête de nos compositeurs. Mozart a écrit un Concerto pour flûte et harpe (1778 : écouter le début), des concertos pour plusieurs pianos, Beethoven son Triple concerto pour violon, violoncelle et piano (et la version mythique de Richter, Oistrach, Rostropovitch et Herbert von Karajan : écouter un extrait). Il sera imité par Martinu plus tard. On trouve aussi un double concerto chez Brahms et un troublant Concert pour piano, violon et quatuor à cordes chez Ernest Chausson (1891 : écouter le début).

Enfin, on trouve quelques genres à rapprocher du concerto tel que les concertinos en un mouvement qu’on trouve chez Carl Maria von Weber, quelques pièces de circonstance chez Liszt, comme la Totentanz; sorte de poème symphonique comme chez Saint-Saëns avec la Havanaise pour violon et orchestre (1887 : écouter le début) ou la Danse macabre... Chez Ravel : Tzigane pour violon et orchestre (1924 : écouter la fin).

Ressources liées

Avez-vous bien lu ? (mini Q.C.M. sur le dossier)

Contenu lié : Plus de Q.C.M. - Le concerto

1) Pour quel pianiste Ravel et Prokofiev ont-ils composé leur concerto pour la main gauche ?

2) Pour quelle œuvre Mozart a-t-il laissé une cadence de sa main ?

3) Qui est l’inventeur du concerto pour un seul soliste ?

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