On pourait penser que le champion est Anton Webern, connu pour son art de la miniature : son œuvre la plus courte est la 3e des Six Bagatelles op. 9 pour quatuor à cordes qui ne dure que 21 secondes (écouter).
Il y a aussi, d’Arthur Honegger : la 4e de ses Pièces brèves pour piano ne dure que 17 secondes (écouter).
Mais, contre toute attente, le record est détenu par... Ludwig van Beethoven avec sa Bagatelle Opus 119 n° 10 qui ne dure que 8 secondes (écouter) !
... par le nombre des interprètes :
C’est au XIXe siècle que les compositeurs souhaitent des masses sonores toujours plus importantes pour obtenir un son plus somptueux, plus coloré, et pour produire des effets saisissants et grandioses.
Beethoven, dans sa Symphonie no 9 (1824 : écouter le début du 4ème mvt), réclame environ 80 musiciens plus 4 chanteurs solistes et des chœurs : soit, au bas mot, plus de 150 interprètes.
Berlioz va plus loin. Sur la partition de son Requiem, il écrit : « Si la place le permet, il faut doubler ou tripler le nombre de voix et augmenter le nombre d’instruments dans les mêmes proportions ». Lors de la création à l’église des Invalides, il y avait plus de 400 musiciens et chanteurs dans la nef ; et le Tuba Mirum (écouter un extrait) déchaînait « l’explosion formidable » de ses 4 orchestres de cuivres placés aux quatre coins de l’orchestre principal, avec ses 8 paires de timbales, 2 grosses caisses, 10 paires de cymbales et 4 tam-tams !
Les post-romantiques poursuivent cette tendance, au risque de sombrer dans l’emphase et le grandiloquent.
La première représentation en 1910 de la Symphonie n° 8 de Mahler réunissait 8 solistes, des chœurs comprenant 850 chanteurs (dont 350 enfants) et un orchestre se composant de 171 instruments (dont 84 cordes). Soit 1029 exécutants ! Pour cette raison, l’impresario de Mahler qualifia l’œuvre de Symphonie des Mille, dénomination qui est restée.
Ainsi, d’une cinquantaine de musiciens à la fin du XVIIIe siècle (orchestre typiquement « mozartien ») l’orchestre est progressivement passé à près d’une centaine. Par exemple les Gurre-Lieder d’Arnold Schönberg (1913) nécessitent 122 musiciens plus 5 chanteurs solistes, 1 chœur mixte, 1 chœur d’hommes et 1 récitant.
Outre la volonté des compositeurs, cette évolution de l’orchestre vers le gigantisme est aussi due au rôle de plus en plus important des vents, ce qui nécessite un rééquilibrage des cordes.
Après la 2nde guerre mondiale, les compositeurs sont moins en recherche d’effets monumentaux. La Turangalîla-Symphonie d’Olivier Messiaen (vaste fresque se référant à la mystique hindoue) apparaît comme une exception (1948 : écouter le début du 1er mvt).
... par la durée :
La course à la démesure touche aussi la durée des œuvres.
La de Mahler (écouter un extrait du 1er mvt) dure près de 100 mn (alors qu’une symphonie de Mozart dure moins de 30 mn, et la 9ème de Beethoven environ 70 mn).
Un opéra de Wagner peut durer plus de 4 heures. Un acte, c’est près de 90 mn d’un flot musical ininterrompu. Le cycle entier de la Tétralogie (Der Ring des Nibelungen), suite de 4 opéras, dure plus de 14 heures et doit être joué sur 5 jours pour ne pas épuiser les interprètes.
C’est de loin Karlheinz Stockhausen qui bat le record : il a conçu un cycle de 7 opéras destinés à être joués tous les jours d’une semaine ; l’ensemble porte le titre de Licht (Lumière) et dure environ 35 heures.
Terminons par un peu d’humour en évoquant le pied de nez qu’Erik Satie envoie aux gens qui se prennent trop au sérieux en même temps qu’il traduit son désarroi. En 1893, il compose Vexations à la suite d’une rupture amoureuse. La pièce se limite à deux variations d’une courte mélodie (écouter) qui, indique Satie en tête de la partition, doivent être répétées 840 fois ! Séduit par l’idée, John Cage" href="http://fr.wikipedia.org/wiki/John_Cage">John Cage exhume l’œuvre en 1963 : dix pianistes se relayent pour la jouer pendant plus de 18 heures à New York...
On pourrait penser qu’une pièce écrite pour la seule flûte ne puisse pas dépasser 4 ou 5 minutes sans épuiser les ressources de l’instrument et lasser l’auditeur. C’est d’ailleurs le cas de toutes les œuvres antérieures au début XXe siècle : écouter Syrinx de Debussy (1913 ; analyse : cf. Wikipedia).
Pourtant, quelques compositeurs ont relevé le défi. C’est le cas de Charles Koechlin avec les ”Chants de Nectaire”, recueil de 3 cycles de 32 pièces chacun, soit 96 pièces dont l’ensemble dure près de 3 heures. Citons aussi la Fabbrica degli incantesimi de Salvatore Sciarrino (né en 1947), recueil d’1 heure 30 comportant 12 pièces dont la plus longue, Hermès, dure près de 12 mn.
À ce jour, la pièce isolée la plus longue pour flûte seule semble être Unity Capsule de Brian Ferneyhough : elle dure aux environs de 16 minutes.
Ce n’est sans doute pas un hasard si ces œuvres sont peu jouées…
La plupart des opéras comporte un duo amoureux entre les 2 héros : Orphée et Eurydice, Didon et Énée, Roméo et Juliette, Pelléas et Mélisande, etc.
Le plus long est sans conteste celui du 2ème acte de Tristan et Isolde où, pendant près de trois quarts d’heure, Wagner nous fait entendre une musique fiévreuse, d’une sensualité et d’un lyrisme stupéfiants (écouter le début). Extrait du livret :
Ils boivent à leur insu le filtre d’amour, sentent la passion monter en eux, puis se précipitent l’un vers l’autre…:
etc. etc.
Il s’appelle Tim Storms : ce chanteur américain est un phénomène étonnant. Ses cordes vocales sont deux fois plus longues et plus épaisses que la normale. Il est inscrit deux fois au livre des records : la voix la plus grave et l’ambitus le plus étendu. Il est en effet capable de descendre du la du diapason (440 Hz) en dessous des limites de l’audition humaine (20 Hz) soit plus de 10 octaves selon les appareils de mesure des fréquences : écouter cette voix et rechercher le phénomène sur Youtube. Nul doute que Tim aurait pu facilement atteindre la note grave que Maurice Ravel fait malicieusement jouer par un contrebasson parce qu’elle est en dehors de la tessiture de tout chanteur ordinaire (écouter ce passage de « L’enfant et les sortilèges »).