Quand on parle d’œuvre inachevée, on pense souvent au Requiem de Wolfgang Mozart (écouter le Kyrie et lire une analyse), commandé par un mystérieux commanditaire et interrompu par la mort de l’auteur. Mais bien d’autres œuvres peuvent être citées. En voici quelques-unes classées par ordre chronologique :
l’Art de la fugue de Johann Sebastian Bach : écouter la fugue 1 et la fugue 9 transcrites pour quatre flûtes à bec ; lire une analyse. La partition s’interrompt sur la phrase suivante écrite par son fils, Carl Philipp Emanuel Bach : « Sur cette fugue où le nom de BACH est utilisé en contre-sujet, est mort l’auteur ». Vérité ou légende ?
La Symphonie n° 10 de Ludwig van Beethoven : à peine esquissée : lire un commentaire.
La Symphonie nº 8 de Franz Schubert, dite « inachevée » (lire un commentaire) : rien ne prouve que Schubert pensait la compléter tant elle apparaît parfaite avec ses 2 mouvements.
Les Contes d’Hoffmann, opéra de Jacques Offenbach (lire une analyse) : il meurt sans avoir achevé l’orchestration. On en connaît surtout la célèbre Barcarolle (écouter).
La Symphonie nº 9 d’Anton Bruckner (lire une analyse) : retardé par des travaux de révision, Bruckner n’eut pas le temps d’achever le final. Il est parfois joué aujourd’hui dans la reconstitution du mal nommé Sébastien Letocart.
Turandot, opéra de Giacomo Puccini (lire une analyse) : écouter l’air « Que personne ne dorme » et lire Nessun dorma. Lors de la création posthume, le chef Toscanini, juste après l’air de Liàº, déposa sa baguette, se tourna vers le public et dit : « C’est ici que Giacomo Puccini a interrompu son travail. La mort, cette fois, fut plus forte que l’art. »
La Symphonie nº 10 de Gustav Mahler (lire un commentaire) : obsédé par la « malédiction de la 9ème » (lire), Mahler compose Le chant de la Terre après sa 8ème Symphonie. Il qualifie ce cycle de 6 Lieder de « Symphonie pour contralto, ténor et grand orchestre » puis compose sa 9ème symphonie en la pensant comme 10ème et considérant avoir trompé le sort. Peine perdue puisqu’après sa vraie 9ème symphonie, il meurt sans achever l’orchestration de la vraie 10ème Symphonie !
Le cycle des Six sonates pour divers instruments d’Achille Claude Debussy (lire une analyse) : il n’aura la force de terminer que 3 des 6 sonates qu’il projette de composer en référence aux Concerts Royaux de François Couperin : pour violoncelle et piano, pour flûte, alto et harpe, et pour violon et piano (écouter la fin du 3ème mvt).
Moses und Aron, opéra d’Arnold Schönberg : écrit en réaction à l’antisémitisme croissant, Schönberg l’abandonne quand il fuit l’Allemagne en 1933. Bien qu’ayant toujours eu l’intention de l’achever, le 3ème acte est juste commencé. L’opéra ne sera créé qu’après sa mort.
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Comme ces chanteurs qui n’ont fait qu’un tube et sont tombés dans l’oubli, certains compositeurs ne sont surtout connus que pour une seule œuvre. Saurez-vous relier le nom correspondant à chacun des extraits ci-dessous ?
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Fin XIXe, le développement de la virtuosité pianistique pousse des compositeurs-virtuoses à écrire des études pour entraîner la main gauche seule :
Bien qu’ayant perdu son bras droit au cours de la 1ère guerre mondiale, Paul Wittgenstein reprend sa carrière de concertiste. Ayant retrouvé la célébrité et l’admiration, il commande des concertos à de célèbres compositeurs du moment qui répondent nombreux : Paul Hindemith (Klaviermusik op. 29, 1923), Richard Strauss (Parergon sur la Symphonie domestique, 1925), Sergueï Sergueïevitch Prokofiev (Concerto n°4, 1931), Maurice Ravel (Concerto pour la main gauche, 1931 : écouter la fin puis lire l’analyse) et Benjamin Britten (Diversions on a Theme op. 21, 1940).
Ajoutons, de Leoš Janáček, le Capriccio pour piano et vents (1926) écrit pour un autre pianiste victime de la guerre.
Existe-t-il un répertoire similaire pour la main droite seule ? Il faut bien constater que non, et c’est surtout pour des raisons anatomiques : la main droite n’offre pas les possibilités techniques de la main gauche (pouce et index pour le chant, les autres doigts pour l’accompagnement), encore que...
… c’est ce que fait Frédéric Chopin quand il confie à la seule main droite l’accompagnement (pouce et index) et la mélodie (les autres doigts). Cette gymnastique mal commode, il l’impose d’abord pour le travail technique dans ses Études op. 10. C’est particulièrement évident dans la seconde où le trait rapide dans les aigus est entièrement joué par les trois doigts « faibles » de la main droite, le pouce et l’index réalisant un accompagnement staccato redoublé dans le grave par la main gauche (écouter).
Ce procédé exploitant l’indépendance des doigts sera désormais courant.
À la cour de Louis XIV, 1686 fut « l’année de la fistule ». Cette fistule, qui incommoda le noble postérieur de Sa Majesté, nécessita une douloureuse opération qui fut pratiquée avec succès.
Pour célébrer la guérison de Louis XIV, la duchesse de Brinon écrivit le poème Grand Dieu sauve le roi, que Jean-Baptiste Lully mit en musique.
En 1714, Georg Friedrich Haendel, qui passait par là , fut émerveillé à l’écoute de cet hymne. Il l’importa en Angleterre sans en changer une seule note de musique et s’en attribua la paternité. En l’honneur de George Ier, il en traduisit le titre, qui devint God Save the King. C’est depuis l’hymne national anglais ! Écouter une version moderne.
Dans ses souvenirs, la Marquise de Créquy écrit : « Que l’hymne des Anglais naquît d’un anus, voilà qui ne cesse de me faire rire sans toutefois me surprendre ».
Le thème a souvent été repris ensuite, notamment par Beethoven qui en a fait des variations pour piano et l’a cité à la fin de sa Victoire de Wellington, op. 91 (1813 : écouter l’extrait).
Sait-on que cette sonnerie typique des téléphones portables Nokia (écouter) est un thème que le patron de l’entreprise finlandaise, M. Vanjoki, avait repéré en 1993 dans une valse pour guitare seule de Francisco Tarrega (1852-1909 : écouter le début). C’est ainsi que ce modeste compositeur espagnol est devenu l’auteur probablement le plus écouté au monde.
Mais l’aventure ne s’arrête pas là . Un compositeur et pianiste canadien, Vincent Lo, s’est servi du thème Nokia pour écrire une fugue pour piano dans le style de Bach (écouter). Elle se nomme la Fugue Nokia en sol majeur opus 31.
Par ailleurs, il faut savoir que Tarrega est à l’origine du renouveau de la guitare classique. Très jeune, un accident le rendit aveugle. Pour compenser son handicap, sa famille l’inscrivit en classe de musique où il fit merveille. Prodigieux guitariste, son œuvre est modeste (78 compositions et 120 transcriptions). On connaît surtout ses Recuerdos de la Alhambra (écouter la fin).
Chant du cygne est le titre donné à un recueil posthume de Lieder de Franz Schubert (extrait : Ständchen).
L’expression vient d’une légende évoquée par Socrate au moment de mourir (selon le Phédon de Platon) : un cygne muet, sentant venir sa mort, chanta pour la première fois une mélodie de la manière la plus merveilleuse qu’il soit.
Par extension, l’expression s’applique à toute dernière grande œuvre ou action avant la fin d’une vie.
Plus d’infos sur Wikipedia : Chant du cygne
C’est une séquence de 6 accords composée par Johann-Gottlieb Naumann (1741-1801) pour la Cour de Dresde : écouter. Très populaire, il a souvent été utilisé plus tard de façon plus ou moins fidèle : par Felix Mendelssohn-Bartholdy, dans le 1er mouvement de sa cinquième Symphonie « Réformation » (1832) : écouter ; par Richard Wagner, au 3ème acte de Tannhäuser et surtout dans Parsifal (il en fait le thème du Graal) : écouter.
Plus d’infos sur Wikipedia : Amen de Dresde