Henri Bergson est un philosophe français né le 18 octobre 1859 et décédé le 4 janvier 1941 à Paris.
Achille Claude Debussy est un compositeur français né à Saint-Germain-en-Laye le 22 août 1862 et décédé le 28 mars 1918 à Paris.
"Quelques" notions de philosophie sont nécessaires pour comprendre le texte ci-dessous. Avec toutes nos excuses :)
Chez Bergson, la durée n’est pas figée : elle est en perpétuel mouvement car elle détermine le mouvement de la conscience. En effet, nous sommes perpétuellement en changement car nos sentiments qui déterminent notre moi profond se meuvent en permanence, tout en fusionnant en un élan vital qui se manifeste par l’intuition. Chez Bergson, le moi profond ne se caractérise pas par une représentation du monde ou un raisonnement mais se cristallise dans des sentiments perpétuellement mouvants qui sont en fusion les uns avec les autres. Cette fusion se manifestant par l’intuition. Ainsi, il ne s’agit pas de figer la conscience mais de la voir comme un flux perpétuel qui s’inscrit dans la durée. La durée rassemblant les sentiments intériorisés par le moi profond.
Chez Debussy, probablement le rythmicien le plus génial, la durée n’est pas figée mais contribue à l’univers sonore en devenant intuitive. Tout est naturel car le rythme de Debussy est la déconstruction d’une construction. C’est-à -dire qu’il utilise les procédés classiques d’écriture mais les utilise comme un pivot pour l’imagination et non pas comme un pivot pour la formalisation. Chez Debussy, la musique est totalement intuitive car ce que nous ressentons en l’écoutant nous pousse intuitivement à nous projeter dans notre imagination. Mais, comme chez Bergson, rien n’est figé car tous les éléments de chaque note sont perpétuellement en mouvement et sont unis les uns aux autres. Debussy crée alors en génial mélodiste des cellules musicales qui toutes contribuent au déroulement de l’imagination tout en les construisant de manière fusionnelle. C’est-à -dire que chaque note apporte à l’image un élément fondamental de la mélodie, qui ne trouve son image que lorsque que l’assemblage mélodique est complété. Ainsi, la musique de Debussy nous projette intuitivement dans notre imaginaire qui par la diversité des sentiments musicaux nous montre une scène en perpétuelle évolution.
Bergson pense que le langage schématise les sentiments et ne permet de montrer que le moi superficiel de l’être humain. En effet, le langage parlé va figer les sentiments en les réduisant et en leur enlevant toute profondeur. La musique de Debussy est inexprimable par les mots. En effet, on ne peut que l’imaginer ou la ressentir mais on ne peut pas parler des sentiments qu’elle nous procure car l’image étant en mouvement les sentiments musicaux le sont aussi. Ainsi, il est impossible de schématiser un morceau de Debussy en y plaquant un dénominateur commun qui expliciterait le sentiment de celui-ci. Seul notre imaginaire, notre intuition puis nos sens peuvent décrypter la profondeur de la musique de Debussy car eux seuls permettent de faire fusionner les différentes scènes de l’imagination et les faire évoluer en corrélation avec le développement des sentiments musicaux.
Enfin, selon Bergson, le moyen d’accéder à son moi profond est la mémoire, car celle-ci est le ciment qui relie les sentiments, la durée et la conscience. Celle-ci permet de retrouver les sensations d’un moment antérieur. La mémoire est donc la manifestation de la fusion et du mouvement perpétuel de nos sentiments. La mémoire intuitive est alors d’autant plus forte pour nous faire revivre l’exaltation de sentiments passés. Chez Debussy, la mémoire est importante car quand on arrive à la fin du morceau, il est crucial de se remémorer son début pour prendre conscience du mouvement de l’image musicale et ressentir son évolution. C’est en se remémorant les mouvements de l’œuvre que sa fin prend toute sa profondeur. Enfin, les morceaux de Debussy usent d’un archaïsme au bon sens du terme dans la mesure où ils font entendre des sonorités relatives à la nature passée, au Moyen Âge, à l’Asie et à la Grèce antique, ce qui contribue encore d’avantage à colorer notre imagination auditive.