Depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, Paris a toujours joué un double rôle : celui d’un centre de création et celui d’un centre de diffusion du fait de son rayonnement. En effet même quand ce n’était pas là que se créait la musique, c’est là que l’on venait de toute l’Europe chercher une reconnaissance car une musique acclamée dans la Ville lumière avait toutes les chances d’obtenir une renommée internationale. C’est pourquoi la plupart des compositeurs français sont venus s’installer dans la capitale, mais aussi un grand nombre de compositeurs étrangers. En outre, c’est là que les plus importantes maisons d’édition se sont implantées. On pouvait donc entendre à Paris des musiques de toutes les origines : principalement française, italienne et allemande mais aussi, à partir du milieu du XIXe siècle, en provenance de toutes les écoles européennes.
Le rôle de Paris dans l’évolution de la musique ne devient décisif qu’à partir du XIIe siècle avec ce qu’il est convenu d’appeler « l’école Notre-Dame ». Avant cette période en effet, la vie culturelle se trouve disséminée entre les seigneuries (où composent les troubadours et les trouvères) et les abbayes où se pratique le « chant grégorien ». Cette appellation apparaît dès le VIIe siècle en référence à Grégoire 1er dit « le grand » (désigné comme pape en 590). Mais, si celui-ci est un administrateur hors pair qui remet de l’ordre dans les pratiques religieuses, c’est en fait l’empereur Charlemagne qui favorise l’émergence du chant grégorien. Au début du IXe siècle en effet, pour affermir son pouvoir grâce au soutien des autorités religieuses, il pousse à l’unification du chant liturgique chrétien dans tout son empire : les rites sont donc fixés et, pour éviter toute contamination, les chants sont inscrits dans des antiphonaires (ça pourrait ressembler à une insulte du capitaine Haddock, mais il s’agit en réalité de gros livres manuscrits rassemblant les partitions des chants liturgiques).
Mais ce souci d’unification ne va pas sans un certain appauvrissement. Se défiant des cantilènes orientales trop chromatiques et des mélismes (vocalises) trop exubérants (écouter), les évêques substituent aux traditions locales inspirées de l’Orient un chant romain épuré. L’élan est ainsi donné pour plusieurs siècles à une musique d’église austère, monodique, a cappella, aux lignes simples. Elle est caractérisée par d’amples mélodies, dont le rythme et les contours mélodiques sont étroitement liés aux inflexions de la parole (écouter un Agnus Dei).
Comme on l’a précédemment indiqué, ce n’est qu’à partir du XIIe siècle que Paris devient un centre actif de la création musicale. C’est à l’ombre de Notre-Dame de Paris, construite à partir de 1163, que se développe l’École de Notre-Dame, avec les maîtres de chapelle Léonin et Pérotin. On attribue à ce dernier les premiers chefs-d’œuvre polyphoniques comme son organum Viderunt omnes (écouter le début).
Au XIVe siècle, dans une France ravagée par la Guerre de Cent Ans (1337-1453), Paris perd le monopole de la vie musicale qui se reporte sur des régions moins agitées. C’est donc en dehors de la capitale que se prend le tournant de l’Ars Nova. Par contre, on continue à produire à Paris des danses et des chansons dont certaines se retrouvent dans le Roman de Fauvel, poème satirique rédigé vers 1310 par plusieurs auteurs dont Gervais du Bus. Le texte est parsemé d’environ 150 pièces musicales dont certaines sont arrangées par Philippe de Vitry dans le style polyphonique complexe de l’Ars Nova.
Paris reprend la première place à partir du moment où les rois de France en font leur résidence principale. À la cour, la musique est présente en toute occasion. On fait appel aux meilleurs instrumentistes et chanteurs qui sont répartis en trois groupes : la Musique de la Chambre, fondée en 1530, la Musique de l’Écurie (fondée en 1515 pour accompagner les manifestations extérieures) et la Chapelle royale (pour accompagner les cérémonies religieuses). De grands musiciens en ont été maîtres de chapelle : Johannes Ockeghem, Jean Mouton, Claudin de Sermisy, Jacques Arcadelt et Guillaume Costeley.
Le premier bâtiment destiné à l’art lyrique est édifié en 1548 près des Halles. On y représente d’abord des mystères : drames musicaux chantés, principalement inspirés par la Passion du Christ. Initialement destinés à l’église, ils deviennent au XVIe siècle un spectacle populaire dont le livret profane est inspiré de légendes connues. Ils peuvent prendre l’allure de farces, ce qui leur vaut d’être sévèrement critiqués par l’Église. Ces divertissements sont bientôt concurrencés par les troupes italiennes, ce qui retarde d’un siècle l’apparition de l’opéra français.
Durant le « Grand siècle », la musique tend à verser dans le spectaculaire. Même la musique sacrée n’échappe pas à cette tendance. C’est ainsi que les grands motets d’André Campra et de Michel-Richard Delalande (écouter le début du Te Deum), exécutés en grande pompe à l’occasion des cérémonies officielles, prennent l’allure de véritables opéras.
En dehors du pouvoir royal, la musique est présente dans les salons de la bourgeoisie parisienne. Par souci de distinction, on ne perd pas une occasion de faire appel à des musiciens. Comme le dit le Bourgeois gentilhomme de Molière : « Au moins ne manquez pas de tantôt m’envoyer des musiciens pour chanter à table ». À côté de ces concerts privés, de rares salles s’ouvrent pour représenter des spectacles lyriques. Complètement dépendantes du pouvoir officiel, elles font l’objet d’une sévère rivalité entre les troupes pour y donner opéras et comédies ballet.
À la fin du XVIIe siècle, le Palais-Royal devient le lieu privilégié où sont créées les grosses productions de Jean-Baptiste Lully, mais aussi celles de Jean-Joseph Mouret, André Campra, et André-Cardinal Destouches. Il faut noter que les représentations de ces derniers sont plus modestes, car Lully détient seul un privilège royal qui lui donne le pouvoir (et il ne s’en prive pas) de limiter les moyens de ses concurrents. Les Comédiens-Italiens quant à eux, dont les spectacles mêlés de musique sont à la limite de la caricature, sont déplacés de salle en salle jusqu’à obtenir le vieil hôtel de Bourgogne.
On assiste à la naissance, en 1725, du Concert spirituel (« spirituel » car ne fonctionnant initialement que pendant les fêtes religieuses). Cette association de concerts est créée pour répondre à la demande d’un public d’amateurs désireux d’entendre à Paris autre chose que des œuvres lyriques. Mais les conditions sont draconiennes : d’abord obtenir la neutralité de l’Académie royale de musique où Lully règne en maître (une forte somme d’argent fera pencher la balance) et ensuite s’interdire d’interpréter de la musique vocale en français et des extraits d’opéras (chasse gardée de Lully). L’association contribuera donc à faire connaître la musique instrumentale italienne, mais aussi celle de l’école de Mannheim puis de Joseph Haydn. Elle ne survivra pas à l’Ancien régime et sera dissoute en 1791 pendant la Révolution française.
Un autre événement marque la vie musicale à Paris : c’est la violente Querelle des bouffons, qui montre à quel point les intellectuels parisiens se passionnent pour la vie musicale en ce milieu du XVIIIe siècle. Il est vrai que la polémique dépasse le cadre strictement musical. Elle confronte les défenseurs de la tradition héritée de Lully (associer au pouvoir absolu de Louis XIV) et les partisans d’une ouverture au goût italien (associé à l’esprit des Lumières, opposé à l’absolutisme monarchique). Les premiers sont réunis autour de Rameau, les seconds autour du philosophe Jean-Jacques Rousseau (rappelons que la musique fut la vocation contrariée de Rousseau, qu’il a rédigé les articles sur la musique pour l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et qu’il a lui-même composé un opéra).
La querelle éclate en 1752 lorsqu’une troupe itinérante italienne vient donner à Paris La serva padrona (La Servante maîtresse) de Giovanni Battista Pergolèse (1710-1736). Les auditeurs sont séduits par la légèreté et la simplicité de l’œuvre (écouter le début) : on est bien loin de l’art si sérieux et si raffiné de Jean-Philippe Rameau. S’ensuit une bataille de pamphlets qui divise pendant deux ans l’intelligentsia parisienne. Personne ne sortira vainqueur de cette vaine polémique. N’est-il pas absurde en effet de vouloir comparer l’incomparable : le sérieux de l’opéra français et la légèreté de l’opéra-bouffe italien ?
C’est encore à Paris que Christoph Willibald Gluck présente ses opéras et applique ses idées de Réforme du genre. Il ranime ainsi la querelle entre musique française et musique italienne en s’opposant à Niccolo Vito Piccini. On assiste aussi, au début du siècle, à la naissance de l’opéra-comique, forme savante des vaudevilles joués dans les foires. Après avoir acheté à l’Opéra royal (en fait à Lully) le droit de chanter, le théâtre de l’Opéra-comique prend le nom de Comédie Italienne (toujours cette référence à la musique italienne pour son caractère aimable et léger).
Le 14 juillet 1789, le peuple de Paris s’empare de la Bastille, forteresse royale qui est censée être une réserve d’armes et de poudre. Certes, le butin n’est guère fructueux (le bâtiment ne renferme que quelques prisonniers), mais la prise de ce symbole du despotisme restera dans les mémoires (sans doute parce qu’elle est un mouvement populaire) comme le point de départ de toutes les journées révolutionnaires à venir : abolition des privilèges (août 1789), instauration d’une monarchie constitutionnelle (septembre 1791) puis de la 1ère République (septembre 1792), exécution de Louis XVI (janvier 1793) et instauration de la Terreur (épuration des opposants jusqu’en juillet 1794).
Le vote d’une nouvelle constitution en août 1795 plébiscitée par les citoyens les plus riches (payant l’impôt) marque la fin de la révolution populaire. Le jeune général Napoléon Bonaparte est appelé pour protèger l’Assemblée nationale (qui siège dans la salle du Manège aux Tuileries) contre le parti royaliste. Le régime du Directoire peut alors se mettre en place à partir d’octobre 1795. Il sera remplacé en novembre 1799 par le Consulat, qui donne les pleins pouvoirs à Napoléon Bonaparte jusqu’à ce que celui-ci se fasse sacrer Empereur en mai 1804 à Notre-Dame de Paris (alors que les rois se faisaient sacrer à Reims). On mesure donc la place centrale qu’a tenu la capitale durant toutes les phases de la Révolution.
Sur le plan musical, la Révolution est l’occasion d’énormes célébrations, pour lesquelles Jean-Joseph Gossec est nommé compositeur officiel des fêtes patriotiques : il compose environ 35 pièces, notamment un Te Deum pour le 14 juillet 1790, divers hymnes et marches, notamment une Marche lugubre pour le transfert au Panthéon des cendres de Voltaire en 1791 (écouter le début). Il faut aussi citer les nombreux chants révolutionnaires composés à cette époque, notamment par Rouget de Lisle (la Marseillaise) et Nicolas Méhul (le Chant du départ, 1794 : écouter).
Si la Révolution a suscité une profusion de musique patriotique, elle a par contre rejeté la pratique de la musique religieuse traditionnelle. Elle a en effet inventé le culte laïque de l’Être suprême et mené une politique terriblement destructrice de déchristianisation : les prêtres sont laïcisés ou persécutés, les églises réquisitionnées, les cloches fondues, les objets de culte détruits ou vendus... Une des conséquences les plus bizarres de ce bouleversement est le remplacement du calendrier grégorien par le calendrier républicain. Par contre, il faut mettre à l’actif des révolutionnaires la rénovation de tout le système d’enseignement musical avec la fondation, en 1795, du Conservatoire national. À cette fin, les locaux parisiens et le personnel de l’ancienne École royale de chant sont recyclés.
Après les violences exercées par la Révolution contre la religion et sa musique, la réaction n’a pas tardé : le culte catholique est rétabli officiellement en 1802 et un vaste mouvement de retour vers la musique sacrée du passé se manifeste dans tous les domaines. Dans celui de l’enseignement, les références au passé se multiplient dans les cours privés qui se développent à côté du Conservatoire. Il y a d’abord celui d’Anton Reicha, professeur recherché, qui enseigne le contrepoint en s’appuyant sur Johann Sebastian Bach (parmi ses nombreux élèves, on compte notamment Hector Berlioz, Franz Liszt, Charles Gounod et César Franck). On peut citer ensuite la fameuse école Niedermeyer, fondée en 1853, dont l’enseignement est basé sur la redécouverte des musiques religieuses anciennes, à commencer par le chant grégorien (parmi ses élèves, Gabriel Fauré et André Messager).
Dans le même mouvement de retour vers le passé, le facteur d’orgues Cavaillé-Coll restaure (à sa manière) plusieurs orgues dans des églises parisiennes. Une nouvelle école d’organistes, se ressourçant dans le répertoire ancien, émerge avec notamment Alexandre Boëly à Saint-Germain-l’Auxerrois, Louis James Alfred Lefébure-Wély à Saint-Sulpice, Eugène Gigout à Saint-Augustin, Camille Saint-Saëns à la Madeleine, César Franck à Sainte-Clotilde. Et à leur suite, les organistes d’église se succéderont jusqu’à nos jours : ils donnent d’ailleurs fréquemment des concerts (gratuits) dans les églises citées ci-dessus, auxquelles il faut ajouter Notre-Dame de Paris.
Parallèlement à ce retour au passé, les sociétés de concert fleurissent à Paris, dont celle des Concerts du Conservatoire fondée en 1828 par François-Antoine Habeneck. On assiste ainsi à un grand développement des orchestres, et les concerts permettent de découvrir les œuvres symphoniques allemandes (notamment Ludwig van Beethoven) et française (notamment Hector Berlioz). D’abord confidentielle, la musique de chambre n’est plus cantonnée aux salons des riches bourgeois : elle devient plus populaire et investit les grandes salles de concert. D’autre part, c’est à Paris que Franz Liszt ose se produire seul devant un large public, inaugurant ainsi le récital de solistes.
Mais c’est évidemment l’Opéra qui est au centre de cette intense vie musicale parisienne. C’est là que l’on vient tenter sa chance pour accéder à une reconnaissance dans toute l’Europe. Citons : Gaspare Spontini (la Vestale, 1807), Gioacchino Rossini (Guillaume Tell, 1828), Daniel-François-Esprit Auber (la Muette de Portici, 1827), Giacomo Meyerbeer (Robert le Diable, 1831). Mais c’est là aussi que l’on doit supporter la rigueur de l’échec : Hector Berlioz (Benvenuto Cellini, 1838) et Richard Wagner (Tannhäuser, 1861). On peut aussi assister à l’Opéra à la représentation de ballets servis par de merveilleux danseurs et de merveilleuses danseuses, notamment : Giselle (1841) d’Adolphe Adam et Coppélia (1870) de Léo Delibes.
Dans les théâtres de la capitale, le début du XIXe siècle est aussi l’âge d’or de l’opéra-comique (alternance de scènes chantées et de scènes parlées). Ce genre typiquement parisien est notamment cultivé par André Grétry, Jean-François Lesueur, François-Joseph Gossec, François Adrien Boïeldieu, Luigi Cherubini et Étienne Nicolas Méhul. Le théâtre de l’Opéra-Comique, dit aussi salle Favart, lui est (comme son nom l’indique) spécialement dédié. Le bâtiment, a près avoir été détruit par un incendie en 1828, est reconstruit en 1830. On y représente des œuvres généralement plus légères qu’à l’Opéra, notamment Fra Diavolo (1830) de Daniel-François-Esprit Auber, Zampa (1831) de Ferdinand Hérold, le Postillon de Longjumeau (1836) d’Adolphe Adam, la Fille du régiment (1840) de Gaetano Donizetti.
Un changement de direction entraîne la création d’un répertoire plus élaboré : Mignon (1866) d’Ambroise Thomas, Carmen (1875) de Georges Bizet, les Contes d’Hoffmann (1881) de Jacques Offenbach, Lakmé (1883) de Léo Delibes, le Roi malgré lui (1887) d’Emmanuel Chabrier. Malheureusement, en 1887, cette seconde salle Favart est à nouveau détruite par un incendie (encore dû au système d’éclairage au gaz). La troisième salle Favart, celle d’aujourd’hui, est inaugurée en 1898 (avec l’électricité cette fois). Ouverte à plus large répertoire, elle verra en 1902 la création du Pelléas et Mélisande de Claude Debussy (qui n’a plus rien d’un opéra-comique).
Le début du XXe siècle est marqué par le phénomène des Ballets russes. En 1913, au tout nouveau théâtre des Champs-Élysées qui vient d’être inauguré, ils créent le Sacre du printemps d’Igor Stravinski et Jeux de Claude Debussy. Durant cette brillante période, hélas entrecoupée par la première guerre mondiale, la ville lumière attire de nombreuses personnalités étrangères : peintres (Pablo Picasso …), écrivains (Ernest Hemingway, Eugène Ionesco…), musiciens (Igor Stravinski, Serge Prokofiev, Bohuslav Martinû…).
Durant l’entre deux guerres, les sociétés de concert traditionnelles (Colonne, Lamoureux, Pasdeloup), continuent à programmer leur répertoire habituel et laissent peu de place à la création contemporaine. Il en est de même dans le domaine de l’enseignement où le CNSMDP se voit largement concurrencé par la Schola cantorum, fondée en 1894.
Le paysage musical évolue considérablement après la Seconde Guerre mondiale. En 1948, Pierre Schaeffer crée le Studio d’essai de la RTF (radio-télévision française) où, en compagnie de Pierre Henry, il élabore les premiers essais de ce que l’on appellera la musique concrète. D’autres centres de recherche musicale suivront : le CEMAMU, fondé en 1967 autour de Yannis Xenakis, l’IRCAM, créé en 1976 et à l’initiative de Pierre Boulez. Cette antenne musicale du Centre Georges-Pompidou (inauguré en 1976) comporte également un ensemble orchestral dédié à la musique d’avant-garde, l’Ensemble intercontemporain, qui se substitue au Domaine musical, société de concert que Boulez avait créée en 1954.
D’autres faits remarquables sont à signaler qui ajoutent au rayonnement musical de la capitale : l’inauguration en 1967 de l’Orchestre de Paris, qui s’est hissé à l’égal des meilleures phalanges mondiales ; l’ouverture en 1981 du Théâtre musical de Paris, important centre lyrique ouvert en lieu et place de l’ancien théâtre du Châtelet ; la multiplication des festivals depuis les années 1960 (Festival du Marais, Festival estival de Paris, Journées de musique contemporaine de Pariset Festival d’automne).
Depuis les années 1960-1970, Paris n’est plus le seul foyer de création et de diffusion de la musique. On le doit à Marcel Landowski, chargé de mission en 1966 au sein du ministère des affaires culturelles (dirigé par André Malraux sous la présidence du général de Gaule). Marcel Landowski a en effet mené une politique très active en faveur de la vie musicale dans toutes les grandes villes de France. C’est à lui que l’on doit la création des orchestres régionaux, des Conservatoires régionaux (aujourd’hui renommés CRR, Conservatoires à Rayonnement Régional) et la modernisation des salles d’opéra régionales. C’est ainsi que des grandes villes comme Lyon, Strasbourg, Marseille, Bordeaux, Lille, Toulouse, etc., ont précédé Paris sur le plan des nouvelles productions d’opéras anciens, et même de la création d’un nouveau répertoire.
L’Italie ne devient un État unitaire qu’en 1861, à la suite du Risorgimento, qui aboutit à l’unification des différentes principautés qui la constituaient jusqu’alors. Parmi celles-ci, les plus actives musicalement sont celles de Rome (siège de la chapelle pontificale), Milan (célèbre par son opéra de la Scala) et surtout Venise, dont le principal centre musical est la basilique Saint-Marc. C’est là, qu’à partir du XVIe siècle, la plupart des compositeurs européens viennent parfaire leur formation musicale auprès du maître de chapelle. Les plus célèbres compositeurs italiens (ou même étrangers) occuperont tour à tour ce poste prestigieux, notamment : Adriaan Willaert, Cipriano de Rore, Zarlino, Andrea et Giovanni Gabrieli, Claudio Monteverdi, etc.
Citer les noms de tous les maîtres de chapelle (et de leurs élèves) qui se sont succédés à la basilique Saint-Marc, revient à parcourir l’histoire de la musique européenne aux XVIe et XVIIe siècles. Dès le début du XVIIIe siècle, la pratique musicale se prolonge bizarrement dans les ospedali, qui sont des hospices recueillant les enfants bâtards ou orphelins. L’enseignement du chant et des instruments y atteint un haut niveau comme le montrent les œuvres écrites par les professeurs de ces enfants délaissés, notamment : Johann Adolph Hasse, Nicolo Jommelli, et Baldassare Galuppi. À la Pietà s’active un certain Antonio Vivaldi qui, à la suite de Tomaso Albinoni contribue à fixer la forme définitive du concerto de solistes. Les frères Benedetto et Alessandro Marcello sont également des vénitiens de renom.
Au XIXe siècle, le rayonnement de Venise est surtout lié à son théâtre de La Fenice, inauguré en 1792. De nombreux opéras y seront créés, notamment, de Guiseppe Verdi, Ernani, Attila, Rigoletto, La Traviata et Simon Boccanegra. La victoire de Bonaparte sur l’Italie en 1797 annonce le déclin de la République de Venise : fermeture d’un bon nombre de théâtres, faillite de ses hospices (seul l’orphelinat de la Pietà existe encore aujourd’hui). Au XXe siècle cependant, la ville renaît un peu de ses cendres grâce à la fondation en 1877 du conservatoire Benedetto Marcello et à une manifestation d’art contemporain comme la Biennale de Venise. D’autre part, il faut savoir que les compositeurs Francesco Malipiero, Bruno Maderna et Luigi Nono sont vénitiens.
Faut-il rappeler pour conclure que Venise est une cité mythique qui a toujours fasciné les artistes : peintres, écrivains, et musiciens ? Par exemple, on sait que Richard Wagner y est venu terminer son opéra Tristan et Iseult. Et c’est là qu’il a tenu à achever sa vie.
Située au carrefour des principales cultures musicales européennes (allemande, italienne, française, tchèque et hongroise), Vienne a longtemps été considérée comme la capitale mondiale de la musique. Et il est vrai que de nombreux compositeurs célèbres s’y sont succédés depuis le XVIIIe. Citons, par ordre chronologique : Christoph Willibald Gluck, Joseph Haydn, Antonio Salieri, Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig van Beethoven, Franz Schubert, Franz Liszt, Johannes Brahms, les frères Johann Strauss, Anton Bruckner, Gustav Mahler et, au début du XXe siècle, ce qu’il est convenu d’appeler la seconde école de Vienne (Arnold Schönberg, Anton Webern et Alban Berg (c’est presque un petit résumé d’histoire de la musique que l’on vient de faire là).
Il faut y ajouter la présence du prestigieux Orchestre philharmonique de Vienne, de renommée internationale, de plusieurs théâtres dédiés à la représentation d’opéras, ainsi que de nombreuses salles de concert : on estime que, chaque soir, environ 10 000 mélomanes se rendent à un concert de musique classique à Vienne.
Tout au long de l’histoire mouvementée de l’Autriche, la capitale a souvent été le siège du pouvoir, et par suite de la chapelle musicale des monarques qui s’y sont succédés. D’autre part, les familles nobles et princières, jouaient un rôle de mécènes auprès des musiciens qui ne voulaient pas dépendre du bon vouloir d’un unique employeur. C’est ainsi que Wolfgang Mozart a choisi de rompre avec l’archevêque Colloredo (après avoir été traité de crétin et de voyou), et que Beethoven n’a jamais occupé un poste de maître de chapelle. Après le déclin de l’ancien régime (suite aux guerres napoléoniennes), des sociétés privées se sont créées comme la Gesellschaft der Musikfreunde (« Société des amis de la musique ») en 1812, puis, surtout, la Philharmonie fondée par Otto Nicolai en 1842. L’orchestre de la Philharmonie sera dirigé par les chefs les plus prestigieux, notamment : Gustav Mahler, Wilhelm Furtwängler, Bruno Walter, etc.
Comme on le voit, c’est en grande partie grâce à la musique que Vienne possède une renommée culturelle internationale. Il existe peu de villes européennes (à part Paris et Venise) dans lesquels autant de génies musicaux ont vécu (Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms, Mahler, Schoenberg… pour ne citer qu’eux). Le côté frivole de Vienne se retrouve aussi dans des manifestations comme le Concert du nouvel an diffusé chaque année dans 90 pays. On y joue notamment les fameuses valses viennoises, écrites essentiellement au XIXe siècle par la dynastie des Strauss, père et fils (écouter).
Au XXe siècle, la musique classique n’est plus réservée à une élite informée. On ne peut plus parler de capitale de la musique car la plupart des métropoles régionales disposent d’un orchestre symphonique et des salles où venir l’écouter. De plus, il existe sur Internet des sites (comme NOTAMMENT Symphozik.info, parlez-en à vos amis) qui permettent à tous de s’initier de façon plaisante (mais néanmoins sérieuse) à la musique classique. Des plates-formes comme YouTube permettent, sans se déplacer mais avec une paire de bons écouteurs, d’assister à des concerts du monde entier.
Bien sûr, YouTube ne remplacera jamais le contact vivant avec la musique pendant un concert. Mais cette plate-forme représente une formidable alternative : quel plaisir de pouvoir assister à une représentation de L’Or du Rhin au festival de Bayreuth, dans de bonnes conditions et sans bouger de chez soi. Dans ce monde de plus en plus virtuel, ne pourrait-on considérer YouTube comme la moderne capitale de la musique ?